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Le bar des touristes

Photographie du bar des touristes en noir et blanc. On y voit des client·es attablées, un serveur habillé d'un tablier blanc. La devanture est inscrite "Café Bouvier. C'est un bâtiment dont le deuxième étage logeait fut longtemps un hôtelPhotographie des années 1900.

Photographie du bar en couleur, dans des tons chaud propres aux photographes des années 1960-70. Un van bleu est garé devant le bar, dont les chaises, les tables et la devantures sont jaunes et rouges.Photographie des années 1960.


Depuis quelques mois, j’ai pris l’habitude de fréquenter l’un des bars de mon village d’enfance, lorsque j’y suis de passage. Ce qui peut sembler anodin ne l’est pas pour moi : durant plus de 28 années de vie dans ce village, je n’ai jamais fais que passer devant ce bar, ne m’y installant qu’à de très rares occasions, mais jamais seule, comme je le fais régulièrement à Paris.

#15
August 27, 2023
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Le temps des volcans

Fire of Love (2022)

En temps utiles, juste à temps, en même temps, tout le temps, faire son temps, prendre le temps, perdre son temps. Un temps pour tout, finalement. Mais plus souvent trop de temps pour rien.

Il y a quelques mois, j’ai été éblouie par le documentaire Fire of Love (2022), retraçant l’histoire fusionnelle d’un couple de volcanologues français, Maurice et Katia Kraft. Au travers d’une quantité extraordinaire d’images d’archives, le film présente le travail de ces chercheur·euses, dont la vie était partagée entre expéditions et « vie ordinaire » (enseignement, rédaction d’articles, traitement de données, conférences, etc.)

#14
February 14, 2023
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La solitude des hétéras

Alors que les critiques se déchirent autour du film Blonde, qui retrace un chemin semi fictif de l’icône Marilyn Monroe, c’est la solitude de ce personnage qui m’interpelle. La blancheur parfaite de cette femme devenue my(s)thique – ses cheveux, sa peau, ses vêtements, la lumière dans laquelle elle baigne – illustre le destin d’une étoile incroyablement seule, entourée d’hommes avides, violents, cruels se disputant des lambeaux de chair.

Il existe des milliers de façon d’être seul·e, comme il existe de bien plus nombreuses façons de ne pas l’être. Pourtant, il me semble que l’on peut tracer les contours d’une solitude spécifique aux hétéras – les femmes hétérosexuelles.

La solitude des hétéras se déploie subrepticement, sans qu’elle ne soit réellement remarquée par qui que ce soit. Qu’elles soient sur-sollicitées par les proches qui réclament des soins et de l’attention ou bien oubliées lorsqu’elles ne peuvent pas ou plus servir les autres, les hétéras trouvent rarement l’espace de dire leur solitude. Prenez le marché de la bonne meuf de Virginie Despentes et tracez une ligne entre les bonne et les pas bonnes : deux choix sont alors possibles. D’un côté de la ligne, vous pourrez opter pour une solitude conforme (vous vous sentirez seule mais utile aux autres et exploitée pour vos attributs féminins), de l'autre côté de la ligne, vous optez pour une solitude non conforme (vous vous sentirez seule et l’on vous reprochera d’être inadaptée et inutile, ou bien on vous oubliera). D’un côté de la ligne, les femmes au foyer qui attendent le retour de leur mari militaire, les mannequins anorexiques, les travailleuses immigrées dont la famille habite à l’étranger et consacrent leur vie à élever les enfants des autres, et de l’autre côté de la ligne les femmes trans qui se prostituent, les femmes en prison qui ne reçoivent jamais de visite, les femmes qui vivent dans la rue, les veuves qui disparaissent dans leur chagrin ou encore les mamies oubliées dans de vieilles maisons de campagne ou en EHPAD.

#13
October 11, 2022
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Baby Bumps, Virtual Speculum et surveillance des ventres

Le 13 mai 2022, la star planétaire Rihanna mettait au monde son premier enfant, après des mois de fascination médiatique sur un ventre bombé exhibé sur le tard. Durant plusieurs mois, elle a arpenté les tapis rouges vêtue de strass argentés, de dentelle noire ou rouge, de bijoux et de laçages ornant son ventre nu. Rihanna se fait passerelle entre le monde des tabloïds et celui des réseaux sociaux, où les images de « baby bump » – terme designant le ventre de grossesse, issu de la presse people et attribué à l’éditrice du magazine Us Weekly Bonnie Fuller en 2002 – sont omniprésentes. Symboles occidentaux du « projet d’enfant » ou manne financière pour certaines, les posts dévoilant un enfant à venir ont en commun de questionner les liens entre la mère, le foetus et le reste du monde.

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#12
July 5, 2022
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Vie et mort d'une serviette hygiénique

Numéro spécial : une trouvaille dans la mer de mes brouillons Gdocs, un poème technique ou une éloge matérielle, l'autopsie d'un objet ordinaire, toujours parsemée de liens et d'images éclectiques.

Vie et mort d'une serviette hygiénique

Fabriquer – Les fibres de celluloses saupoudrées de perles de gel absorbant sont compressées sous d'innombrables rouleaux de métal. Les longues lignes blanches sont découpées mécaniquement à l’emporte pièce, enveloppées d’une bande adhésive et d’un voile synthétique perforé. Les serviettes sont pliées puis empaquetées (le plus souvent par des femmes, parfois de façon automatique).

#11
March 26, 2022
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Tournesols nucléaires, nuages de pétales et bouquets diplomatiques

Photo de Marc Riboud, Washington DC, 1967.


Depuis plusieurs jours, les fleurs de tournesols se multiplient sur nos écrans : sous forme d’émojis dans les bio Twitter, brodées sur les masques de représentant·es politiques ou ornant les couronnes de manifestant·es ukrainien·nes. Devenu symbole de résistance et de solidarité internationale, cet emblème national est né au cours de l’été 1996, lorsque des milliers de tournesols ont été plantés par des responsables de la base de missiles de Pervomaysk, dans le sud de l’Ukraine, pour marquer le retrait des armes nucléaires du pays, après la chute de l’empire soviétique en 1991. Le 25 février 2022, le symbole renaît dans une vidéo publiée sur le compte Twitter de BBC News montrant une femme ukrainienne interpellant une soldat russe : « Take these seeds so sunflowers grow here when you die. »

Alors que la guerre envahit l’espace politique et médiatique en Europe et outre Atlantique, ce qui pourrait apparaître comme la plus criante forme d’impuissance – brandir des fleurs – s’inscrit en réalité dans la lignée d’une farandole de déploiement floraux éminemment politiques.

#10
March 3, 2022
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Présences brûlantes et départs de feux

En novembre, dans le cadre du salon d’édition OffPrint, Tiphaine Monange (de la newsletter La vie matérielle) et moi avons investi le Floréal Belleville (Big Up Anna Broujean) pour une discussion autour de nos newsletter respectives. Après avoir déballé nos archives et tout un tas de questions totalement existentielles sur les enjeux méthodologiques de cette forme éditorial indépendante, nos avons terminé avec la lecture d’une newsletter à quatre mains, dont voici la partie que j’ai écrite.

Omniprésent dans notre langage, le feu image nos jeux de mots et expressions familières, il accompagne les humains depuis la nuit des temps, dans toute sa force, sa chaleur, sa lumière et sa violence. Des bûcher des sorcières aux rues enflammées par la colère de manifestant·es, de l’espace domestique où ronronne les flammes de la cheminée aux forêts transformées en brasiers, le feu imprègne notre monde de brûlures plus ou moins profondes, et d’images que l’on répète à l’infini : La mort par le feu du couple d’amants formé par Marina Abramovic et Wilhem Dafoe dans 7 Deaths of Maria Callas (2021) fait écho au mur de feu traversé par une silhouette féminine filmé par Bill Viola (Fire Woman, 2005). Les formes thermiques capturées par SMITH donnent à voir la présence spectrale de corps disparus (Spectrographies, 2015), tandis que s’embrasent les souvenirs de femmes de la danseuse Wen Hui dans un jeu de drapés dorés (I am 60, 2021) ou les braseros éphémères dévorés par la mer de l’artiste Julie Brook.

#9
December 23, 2021
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(invitation) Écrire comme on cuisine

Ce mail n’est pas une newsletter à proprement parler mais plutôt une invitation !

Dans le cadre du salon d’édition indépendant OffPrint, qui devient cette année un parcours itinérant, l’éditrice du magazine Club Sandwich, Anna Broujean, investit le café parisien Floréal Belleville pour une programmation croustillante, du 11 au 14 novembre 2021 : stands d’éditeur·ices, rencontres, lancement de revue, conférences, lectures, etc.

Tiphaine Monange, qui tient la newsletter La vie matérielle, et moi-même avons concocté pour l’occasion une intervention autour du format de la newsletter doucement intitulée « Écrire comme on cuisine : fabrication(s) de newsletters ». On y déballe les archives de nos newsletters respectives, « Le Ragoût » et « La vie matérielle », pour explorer les enjeux méthodologiques de cette forme éditorial indépendante, entre outils de veille, d’écriture, de publication.

Ca se passe ce dimanche 14 novembre 2021, de 15h30 à 17h 🍲 💌 🥮 ✏️

Retrouvez la programmation de l’événement au Floréal Belleville ICI.

#8
November 11, 2021
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Dicks pics, pénis lunaire et petit monstres

The Simpsons

L’été se termine, les couchers de soleil deviennent plus intenses (d’ailleurs, il est peut être temps de tester les de Guillaume Aubry et Sterling Hudson) et les téléphones débordent maintenant de fesses rebondies, de tétons redessinés par les traces de bronzages, de nombrils irradiés par les UV – bref des à la pelle qu’il faut s’efforcer de trier, ranger, cacher, supprimer.

#7
October 1, 2021
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Oranges brûlées, déodorants intimes et odeurs nauséabondes

Faisant écho aux chuchotements concernant des puces RFID intégrées à nos masques hygiéniques, Smell Fax est le prototype raté d'un projet d'ingénierie visant à concevoir un masque qui imprime articiellement des odeurs extraites d'environnements réels.

La Covid-19 reste une source inépuisable de hooks pour cette newsletter, qui m'amène ce mois-ci vers l'art de renifler.

En décembre 2020, l'américain Truddy-Ann Lalor partageait sur Tik Tok une recette de famille jamaïcaine pour retrouver l'odorat après les effets secondaires de la Covid-19, en écrasant la chair d'une orange préalablement brûlée avec du sucre brun. Le succès de ce post est révélateur de la détresse des personnes qui, privées d'un sens auxquel on prête peu d'attention, voient une partie de leur mémoire, et donc de leur expérience au monde, disparaître.

#6
June 2, 2021
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Fails culinaires, assiettes sales et gifs appétissants

Marion Poujade

Il existe de nombreuses façons de parler de nourriture, mais il semble que cette année, nous nous accrochions à la mémoire des aliments que nous ne pouvons plus consommer dans leurs conditions optimales. Cette mémoire raconte des histoires personelles : la qui retranscrit la cuisine de sa grand-mère, ou le de la designer Federica Fragapane garni d’histoires culinaires écossaises. Le compte Twitter agrège quant à lui des extraits des journaux intimes de l’écrivaine et poétesse Sylvia Plath, dont la courte vie a été rythmée par une domesticité étouffante : la nourriture omniprésente, qui noie le désespoir, apporte parfois du réconfort.

#5
April 11, 2021
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Hyperréalité(s), nuages fluorescents et horror vacui californien

En janvier, l'événement Everyday Daylight - The Hyperreal Normality of Video Games organisé par la Gaité Lyrique et le Centre Culturel Suisse réunissait les membres du collectif Total Refusal et l’artiste Ismaël Joffroy Chandoutis sur Twitch, dans une discussion sur la quête d’hyper réalité dans les jeu vidéos. Cette promenade virtuelle était maillée de références à des projets artistiques comme Elegy: GTA USA Gun Homicides (2018-2019) qui interroge le réel impact de la violence omniprésente dans GTA en créant un mode – Elegy – qui montre à l’écran un compteur recensant les homicides commis aux USA entre le 4 juillet 2018 et le 4 juillet 2019.

Cette navigation dans les rues de GTA V rythmé par des couchers de soleil splendides fait écho aux cartes décrites par Jorge Luis Borges dans la nouvelle De la rigueur et de la science (1946), des cartes si précises, qu’elles se fondent avec la réalité :

« En cet empire, l´Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d´une seule Province occupait toute une ville et la Carte de l´Empire toute une Province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte de l´Empire, qui avait le Format de l´Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l´Etude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elle l´abandonnèrent à l´Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les Déserts de l´Ouest, subsistent des Ruines très abimées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n´y a plus d´autre trace des Disciplines Géographiques. » (Suarez Miranda, Viajes de Varones Prudentes, Livre IV, Chapitre XIV, Lérida, 1658.)

#3
February 28, 2021
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Boules à neige, photos souvenir et cheveux sales

Jesse Rieser, Deflation (2016), de la série « Christmas in America: Happy Birthday, Jesus », 2010-2019.


Alors que nos mails professionnels sont encore remplis de voeux pour la nouvelle année, les échos de ces fêtes résonnent encore dans mes notes pour cette nouvelle newsletter. Cette période a encore une fois été marquée par un cérémonial esthétique rassurant, comme pour maintenir le semblant de normalité qu’il nous reste pour clore cette année. Pourtant, rien n’était normal : les traditionnelles vitrines de Noël ont continué de briller, comme le dernier signal vital des villes. Est-ce dont cela la vie retrouvée ?

Ces vitrines publiques se transforment en vitrines domestiques lorsque des objets sont dupliqués à l’intérieur des maisons, des collections extravagantes de boules à neige présentées dans le spectacle « Boule à neige » de Mohamed El Khatib avec Patrick Boucheron à la forêt de sapins synthétiques et lumineux d’un foyer américain de l’Oklahoma (168 sapins qui brillent en chœur durant les nuits de décembre). Les maisons se gorgent de nouveaux objets, patiemment attendus par des enfants dont la liste de Noël est soumise à des privilèges de classes dissimulés derrière un idéal méritocratique. Ces jouets se fondent la plupart du temps au décor, oubliés une fois le papier cadeau déchiré, mais certains prennent des allures maléfiques, comme les Furby, dont beaucoup d’utilisateur·ice·s ont constaté des comportements effrayants.

#4
January 19, 2021
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Cliquetis du clavier, clapotis des vagues

Alors que j’ai passé le plus clair de mon temps ces dernières semaines devant un écran, cherchant parfois un sentiment de cohésion, parfois du réconfort, ma bulle de filtres s’est légèrement percée. Mes swipes sur Tik Tok ont contaminé l’ensemble de mes flux d’informations, et sont apparus par dizaines des publications de #SoapAsmr, pratique qui consiste à trancher, découper, écraser, broyer des savons de toutes formes et couleurs. Une tendance, très développée en Europe de l’Est par et auprès d'un public féminin, qui participe à la création de pratiques de self care, et de nouvelles formes de travail affectif. En 2020, le musée Ark Des consacre une expositions au phénomène – « ASMR Weird Sensation Feels Good ».

L’article « “ASMR” media and the attentioneconomy’s crisis of care » (2019) de la chercheuse Rachel Fest décrit les contradictions souvent inhérentes aux pratiques d’ASMR : aspirer au calme tout en restant dépendant·e·s d’un système de captation de notre attention par des outils numériques. L’autrice va plus loin en soulignant que les discours du self-care, dont l’ASMR fait partie intégrante, nous détourne de la racine de nos problèmes en les individualisant.

« Self-care discourses encourage us to maintain our pressured psyches and sedentary bodies by purchasing commodities, seeking out wellness services, or performing basic domestic activities, rather than by transforming through collective action the conditions that threaten many »

#2
December 18, 2020
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Recettes foisonnantes, tables de cuisine et chou fermenté


CHAUD BOUILLANT ! Je pose sur un coin de table un projet qui mijote depuis plusieurs mois. Amoureuse des listes, cartes mentales, bibliographies et autres supports pour bouffer la culture, c’est ici avec l’image du ragoût que j’espère moi-même partager mes découvertes théoriques, visuelles, anecdotiques. Le ragoût, plat familial qui embaume nos cuisines ou figure littéraire de « ce qui stimule l'attention, l'esprit, les sens de manière agréable », sera ici une somme aléatoire d’ingrédients qui mijotent dans une sauce délicieusement féministe. Bon appétit !

La cuisine a beaucoup occupé mon esprit ces derniers mois, plus particulièrement la manière dont elle s’inscrit depuis plusieurs décennies dans les luttes féministes : les livres de recettes qui perturbent les dictats ou financent l’action politique comme décrit par Stacy Williams dans « A Feminist Guide to Cooking », ou deviennent des outils biographiques dans Synergetic Stew. Explorations in Dymaxion Dinin (2020) ou La cuisine de Marguerite (1999). Les recettes ne sont pas que des outils domestiques, elles sont la traces d’existences effacées ou de véritables méthodes scientifiques, qui font l’objet du blog « The Recipe Project. Food, Magic, Art, Science and Medicine ».

Des méthodes scientifiques que l’on retrouve déconstruites dans l’art de la fermentation, un équilibre instable d'action micro-organiques dont l’ingrédient principal est le temps. Un temps que certain·e·s – comme l’écrivain et activiste Sandor Katz – utilisent pour mettre en relation cette technique culinaire et la fluidité du genre et ses états de transitions.

#1
November 14, 2020
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