Alors que les critiques se déchirent autour du film Blonde, qui retrace un chemin semi fictif de l’icône Marilyn Monroe, c’est la solitude de ce personnage qui m’interpelle. La blancheur parfaite de cette femme devenue my(s)thique – ses cheveux, sa peau, ses vêtements, la lumière dans laquelle elle baigne – illustre le destin d’une étoile incroyablement seule, entourée d’hommes avides, violents, cruels se disputant des lambeaux de chair.
Il existe des milliers de façon d’être seul·e, comme il existe de bien plus nombreuses façons de ne pas l’être. Pourtant, il me semble que l’on peut tracer les contours d’une solitude spécifique aux hétéras – les femmes hétérosexuelles.
La solitude des hétéras se déploie subrepticement, sans qu’elle ne soit réellement remarquée par qui que ce soit. Qu’elles soient sur-sollicitées par les proches qui réclament des soins et de l’attention ou bien oubliées lorsqu’elles ne peuvent pas ou plus servir les autres, les hétéras trouvent rarement l’espace de dire leur solitude. Prenez le marché de la bonne meuf de Virginie Despentes et tracez une ligne entre les bonne et les pas bonnes : deux choix sont alors possibles. D’un côté de la ligne, vous pourrez opter pour une solitude conforme (vous vous sentirez seule mais utile aux autres et exploitée pour vos attributs féminins), de l'autre côté de la ligne, vous optez pour une solitude non conforme (vous vous sentirez seule et l’on vous reprochera d’être inadaptée et inutile, ou bien on vous oubliera). D’un côté de la ligne, les femmes au foyer qui attendent le retour de leur mari militaire, les mannequins anorexiques, les travailleuses immigrées dont la famille habite à l’étranger et consacrent leur vie à élever les enfants des autres, et de l’autre côté de la ligne les femmes trans qui se prostituent, les femmes en prison qui ne reçoivent jamais de visite, les femmes qui vivent dans la rue, les veuves qui disparaissent dans leur chagrin ou encore les mamies oubliées dans de vieilles maisons de campagne ou en EHPAD.