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September 18, 2024

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Nous y voilĂ  fidĂšles abonnĂ©s, je tente la newsletter pour prendre un peu d’indĂ©pendance sur les diffĂ©rents rĂ©seaux. Je vais sĂ»rement chercher un peu ma forme dans les premiers mois, n’hĂ©sitez pas Ă  me faire des retours. Pour cette premiĂšre mouture j’ai fait un petit texte garni de liens pour ne pas charger le courriel en image.

Impression nouvelle

Dans les actus Ă  partager, sachez que j’ai imprimĂ©/façonnĂ© cinquante nouveaux exemplaires de mon Inventaire DĂŒrer, un petit ouvrage que je vend pour la somme de 20e plus 4e30 de frais de port ou si vous prĂ©fĂ©rez une remise en main propre sur Lyon. Pour ce Livre dont les 50 premiers exemplaires sont vite partis, je me suis efforcĂ© de rĂ©aliser un imagier Ă  partir des 287 choses achetĂ©es que j’ai pu dĂ©nombrer dans le Carnet de Voyage d’Albrecht DĂŒrer au Pays-Bas en 1520 dont le texte se trouve Ă  la suite. La couverture est au plomb et cache une impression en photopolymĂšre.

Les chevaux

L’un des animaux que l’on croise le plus dans les images de la Renaissance, c’est le cheval. J’en ai dĂ©nombrĂ© 266.

Comme tout Ă©lĂ©ment familier, un cheval peut rapidement devenir vecteur d’étrangetĂ©s, il suffit parfois d’un simple dĂ©placement pour ce faire. Aujourd’hui encore, croiser un cheval au milieu de son salon peut avoir quelque chose d’inquiĂ©tant.

A propos de cet animal, j’ai dĂ©veloppĂ© une thĂ©orie basĂ©e sur un unique exemple :

Dans la vie, il y aurait deux types de dessinateurs, ceux, comme Géricault, qui savent dessiner les chevaux et ceux, comme Piero di Cosimo, qui savent dessiner les pieds.

L’un exclurait l’autre : les dessinateurs seraient soit fort en pieds, soit en chevaux, mais pas les deux. Pour preuve, GĂ©ricault Ă©tait si fort en dessin de chevaux que le le musĂ©e de la vie romantique a consacrĂ© une expo au sujet cette annĂ©e, mais il dessinait terriblement mal les pieds, qu’il les a tous planquĂ©s dans Le Radeau de La MĂ©duse tandis qu’un Piero di Cosimo peu Ă  l’aise avec les dessins de chevaux dessinait de splendides pieds.

Maintenant que nous sommes tous d’accord avec ce prĂ©ambule, venons-en aux faits : c’est super dur de dessiner un cheval (mais c’est beaucoup plus chic que de dessiner des pied). La moitiĂ© du temps on fini avec un truc chelou qui ressemble Ă  un Ăąne. Alors, Albrecht DĂŒrer est super fier de savoir graver un cheval impeccable et il lui ajoute un cavalier qui semble porter une mite gĂ©ante sur la tĂȘte ainsi que des ailes aux pieds. Pieds sur lesquels on notera la prĂ©sence de chaussures, permettant, peut-ĂȘtre, de dissimuler des pieds affreusement mal dessinĂ©s. mais passons.

Quelques annĂ©es plus tard un disciple de DĂŒrer, Hans Baldung, se prĂȘte lui aussi, comme pour dĂ©fier son maĂźtre, Ă  l’exercice du Cheval gravĂ©.

Le choix d’ouvrir la gueule du cheval lui donne un air un peu moins solennel et, sachant ce qui va suivre et la personnalitĂ© de Baldung, je ne peux m’empĂȘcher de trouver que le tronc d’arbre qui surplombe la scĂšne est un peu suggestif. La dĂ©monstration technique imparable qui hante les traitĂ©s de proportions et trouve un de ces achĂšvements dans cet animal au ligne si particuliĂšre intĂ©resse finalement moins Baldung que l’étrangetĂ© et le mouvement sauvage, comme un pied-de-nez Ă  son maĂźtre.đŸŠ¶

Vers 1534, ayant peut-ĂȘtre saisi le potentiel subversif du cheval, Baldung rĂ©alise une gravure qu’on appelle aujourd’hui le palefrenier ensorcelĂ©.

Une image qui laisse encore nombre de critiques interloquĂ©s: on peine toujours Ă  trouver un rĂ©cit qui pourrait expliquer cet homme semblant tĂ©tanisĂ©, voire mort, en face certes d’une sorciĂšre mais surtout d’un Ă©norme cheval montrant son postĂ©rieur. Si le cheval n’est pas toujours sympathique, lĂ , il est carrĂ©ment flippant (si on en croit WikipĂ©dia, il aurait mĂȘme inspirĂ© le cheval de Guernica Ă  Picasso).

 Si on ajoute Ă  l’équation la sĂ©rie de trois gravures du mĂȘme Baldung dont l’ordre reste hypothĂ©tique, je ne sais pas bien ce que l’on trouve.

La thĂ©orie la plus convaincante (croisĂ©e dans le catalogue Hans Baldung: SacrĂ©e Profane sous le plume de) serait qu’il s’agit lĂ  d’un vieil Ă©talon se faisant Ă©craser par de plus jeunes aprĂšs avoir Ă©jaculĂ© sur le sol suite Ă  une saillie ratĂ©e. Baldung, dont on distingue peut-ĂȘtre la silhouette dans le fond d’une de ces gravures Ă©tait supposĂ©ment aussi fascinĂ© et inquiĂ©tĂ© par les chevaux que par les femmes. On notera aussi la figure du singe, souvent rappel de l’artiste qui imite la nature, prĂ©s du cartelino dans la premiĂšre gravure et qui bien heureusement met Ă  l’abri la signature de l’artiste pour la seconde. En passant le cheval rĂ©alise aussi un joli flehmen.

 Un autre exemple qui a longtemps imprimĂ© ma rĂ©tine est beaucoup plus simple. Il s’agit d’une toile de VĂ©ronĂšse, VĂ©nus et Mars surpris par Cupidon, une histoire d’adultĂšre donc.

Non, je n’épiloguerai pas sur le pied douteux de Mars qui submerge d’eau le moulin de ma thĂ©orie.

L’image est pour le moins Ă©trange. La posture des deux amoureux dĂ©jĂ  : Mars en torsion Ă  la fois de dos et de profil, tenant les deux main de VĂ©nus comme dans une danse tandis que leurs deux regards convergent vers un petit escalier. DerriĂšre l’escalier s’étale un ciel nuageux devant un dallage gĂ©omĂ©trique couleur pĂȘche tandis que sur l’escalier, un angelot mĂšne par la bride un cheval Ă  la tĂȘte ornĂ©e de plumes qui semble l’objet de toutes les attentions. Un cheval dans un escalier donc.

Doit-on y lire une évocation de la luxure et des vices en écho avec un verset de la Bible

« Etalons bien repus, vagabonds, Chacun d’eux hennit Ă  la femme de son prochain. » JĂ©rĂ©mie V,8.

 à la dĂ©couverte de ce cheval j’ai aussitĂŽt eu en tĂȘte le fameux Cauchemar de FĂŒssli,le regard se focalise en premier sur le monstre qui se tient sur la cauchemardeuse endormie mais il y a un aussi un cheval qui fait irruption entre les rideaux. Dans ce cas, on peut penser Ă  la fonction de vĂ©hicule psychopompe comme l’évoque la page WikipĂ©dia Symbolique du Cheval oĂč l’on apprendra, entre Carl Jung et Ahriman, que le terme “jument” est, dans de nombreuses langues, Ă©tymologiquement proche du mot cauchemar (MĂąhre/Jument en allemand par exemple qu’on retrouve aussi dans le Nightmare/cauchemar anglais) et que la jument de FĂŒssli est un ajout tardif du peinture que l’on ne croise pas dans les esquisses.

 Mais, pour en revenir à VéronÚse, est ce bien raisonnable de mettre un cheval dans un escalier ?

 Andreï Tarkovski vous dira oui (TW violence à l’encontre d’un animal).

On trouve cependant un prĂ©cĂ©dent chez un autre VĂ©nitien sur un thĂšme bien souvent chevaleresque: La conversion de Paul de Tintoret ; mĂȘme si, il n’y pas de cheval sur le chemin de Damas, c’est par l’image que ce dĂ©tail s’est ajoutĂ© Ă  l’histoire. Depuis les annĂ©es 1530 et la version de Michel-Ange, ce thĂšme gagne en agitation tourbillonnante qui plaĂźt bien au peintre dit maniĂ©riste et on notera en Ă©cho que sur les six papes nommĂ© entre 1464 et 1559, on trouve trois Paul. Le nom en vient Ă  incarner  la lutte contre les hĂ©rĂ©sies en tout genre, n’en dĂ©plaise Ă  Luther qui se serait «converti» en lisant Paul, son apĂŽtre prĂ©fĂ©rĂ©.

Bref, la version de Tintoret est tourbillonnante au possible (contrairement à la version frontale du Parmesan qui doit, vu la tronche de son cheval,  super bien dessiner les pieds ).

On ne comprend rien, ça bouge dans tout les sens et, dans le coin gauche, comble du chaos : un cheval sur un escalier.

Dans l'exubĂ©rance dĂ©monstrative de son accumulation formelle, la peinture maniĂ©riste de la conversion de saint Paul tĂ©moigne ponctuellement de l’enjeu idĂ©ologique trĂšs contemporain du style.

Daniel Arasse Andreas Tonnesman, La Renaissance maniériste, Gallimard, 1997

Je ne m’étendrai pas sur La conversion de Paul version Caravage, il y a des moment oĂč il faut juste faire silence.

Je me contenterai, pour boucler les boucles de notre (parfois) effrayante bestiole de signaler un dernier cheval diabolique chez DĂŒrer: une mĂ©chante licorne, vĂ©hicule d’un enlĂšvement qui peine lui aussi Ă  trouver un titre assurĂ© (est-ce Prosperine ? Une sorciĂšre ? MystĂšre).

Pour aller plus loin, encore plus spécifique, le site Artifex In Opere a consacré une série aux crùnes de chevaux

https://artifexinopere.com/blog/interpr/peintres/bosch/le-crane-de-cheval-1-en-exterieur/

Les prochains sujets 

Pour ceux qui me suivent, sur Mastodon ou Twitter, et les autres : je vais les mois Ă  venir me consacrer aux sujets suivants :

La Fortune, entre mĂšche de cheveux et gouvernail.

La huve comme variation de la femme Ă  corne.

Le geste des cornes rend-t-il les peintures complotistes ?

Les grimaces dans les images.

 

Je vous raconterai peut-ĂȘtre mes trouvailles la prochaine fois!

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