septembre 10, 2025

Tout manger, même les boîtes à outils

et désolé pour les dinos.

Chère Milouch,

J’ai failli t’écrire de l’hôpital et puis non, j’en suis sorti finalement alors je t’écris face aux arbres qui sont devant mon balcon. Rien de sérieux, tout va bien, je te rassure, mais c’était juste l’occasion de noter que j’ai bien pris mon temps ces derniers jours¹ et qu’à chacun de mes (très rares) passages à travers l’hôpital public, je me rappelle à quel point c’est un service public indispensable, plein d’employé.es extraordinaires. Et en plus là on j’étais on mangeait bien figure-toi !

Mais bref, je ne suis pas là pour te parler de ma petite santé mais pour te parler de dinosaures². Déjà pour m’excuse de t’avoir traumatisée avec ce dino on dino crime qu’on voit sur la couverture de TimeWatch : figure-toi que je ne m’en étais jamais rendu compte ! Et pourtant, TimeWatch fait partie des jeux que j’ai lu plusieurs fois, cover to cover, et demeure selon moi le meilleur jeu sur le voyage dans le temps.

Et, je t’en ai déjà parlé je crois, le voyage dans le temps c’est quelque chose d’une obsession pour moi : j’adore les clichés qu’il véhicule, dans n’importe quel média - série, roman, film, bande dessinée, jeu de rôle… - et si je ne consomme pas tout ce qui tourne autour (depuis que Marvel a rendu ça et les univers parallèles cool, on en trouve partout) j’en ai quand même avalé plusieurs fois mon poids en kilos. Et pourtant, je ne m’y suis que guère³ frotté dans mes propres créations… Sans doute parce qu’à force de consommer des trucs sur le sujet, je suis arrivé à la conclusion que je n’avais pas grand chose à apporter à ce qui existait déjà. Je me doute que ce n’est pas forcément le cas pour tout le monde, mais en ce qui me concerne l’innovation est une notion clef et si je ne peux pas apporter quelque chose de nouveau à une idée préexistante, je préfère m’abstenir…

Donc oui, je peux facilement, comme toi, tomber dans des tunnels thématiques ; et contrairement à ces auteurs qui déclarent éviter comme la peste tout ce qui pourrait ressembler à leurs propres idées pour éviter le plagiat involontaire ou de se dire « Amélie Nothomb a fait mieux, pas la peine que je m’y colle » je vais souvent avaler tout ce qui me tombe sous la main quand je veux écrire autour de quelque chose. La plupart du temps, ça tient à une sorte de besoin d’être rassuré et de me dire que ma variation sur le même thème a du sens ; assez souvent, j’y pique aussi quelques bouts que je réinjecterai dans mes propres créations, parfois sans les créditer car je suis oublieux et désordonné.

Tout ça pour dire que tes parallèles avec la diversification alimentaire me paraissent tout à fait pertinents, que ma méthode est un gros bazar, et que les gens prêtent des grandes lignes de force à mon travail mais que je suis incapable d’en déceler moi-même⁴. Mais tout ça est finalement assez cohérent avec cette phase de la diversification alimentaire où l’enfant balance son repas par terre, s’en fout plein les cheveux, bref c’est le grand n’importe quoi mais au final ça donne quand même des adultes stables et équilibrés (en théorie) c’est donc que ça doit fonctionner un peu.

Ah oui mais donc les dinosaures ! Figure-toi qu’il y a une bonne raison pour laquelle ces dinosaures se tirent dessus sur la couverture de TimeWatch, c’est tout à fait logique quand on lit le bouquin mais je vais t’épargner un résumé pénible qui ne me fera plaisir qu’à moi. Si je reparle de TimeWatch pour conclure, ce n’est pas seulement pour rallonger un peu cette lettre, ni pour chanter les louanges de son système de résolution⁵ mais pour mentionner son formidable potentiel en tant que boîte à outils. C’est qu’au fil de ses 394 pages, outre qu’on trouve plus que le nécessaire pour jouer (un système de résolution, une aventure d’introduction) il y a aussi tout un catalogue d’objets futuristes, plein d’antagonistes potentiels, des conseils pour écrire son propre contenu, et surtout quasiment 100 pages te proposant tout un tas de détails historiques autour desquels construire des scénarios… Kevin Kulp a fait son boulot, et c’est le genre de lecture qui te donne des piles d’idées à chaque page, un vrai bonheur. C’est peut-être pour moi ce que le tradi peut apporter à l’indé : un aspect encyclopédique sur lequel peuvent reposer de plus petites créations, nourries par ce sol fertile (surtout une fois qu’on aura balancé tous ces gros bouquins inutiles au compost).

/°|~*] LJDPP [*~|°\

Quelle classe cette reliure cloutée, tu sens qu’à l’époque on rigolait pas quand on voulait protéger un bouquin !

Ça me donne envie de rebondir sur un type de reliure tout à fait différent, celui du carnet à spirales. C’est sans doute parce que sur un coin de mon bureau attend ceci :

C’est la couverture de WORKWORKWORK, un jeu de puzzles par l’excellent Blaž Urban Gracar, et dont l’intérieur ressemble à ceci (l’intérieur du livre, pas de Blaž) :

Outre que le livre-jeu est super bien, il est aussi super beau et super pratique : car la fonctionnalité première de la reliure spirale, c’est de pouvoir replier toutes les pages, couverture comprise, d’un seul côté, une fonctionnalité pas très utile si on lit un livre classique mais très chouette quand, par exemple, on veut afficher un seul puzzle de WORKWORKWORK à la fois. Comme quoi parfois, les choix les plus simples sont les meilleurs !

Ah, et note que le bouquin est accompagné d’un morceau de plastique transparent sur lequel on peut dessiner au marqueur, histoire de pouvoir tenter des brouillons de solutions avant d’inscrire le bon tracé une fois pour toutes dans notre exemplaire. Là aussi, il y a je suis sûr une application possible en jeu de rôle… Même si j’ai pas encore trouvé quoi !

Peut-être qu’avant que j’aie une idée, on aura un nouveau Premier ministre, ou bien le pays entamera son 3e mois de bloquage, va-t-en savoir. Une chose est sûre, d’ici là je te fais des bises !

Côme