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juin 11, 2025

Illustrer

Des trains, du lino et Stendhal

Cher Côme,

Je t’écris de mon train.

C’est moins stylé que de dire : « Je vous écris de ma nuit » mais n’est pas Louise Michel qui veut et puis en plus, ça fait un joli écho avec ton métro de l’enfer de la dernière fois.

Ce que tu a écris dans ta précedent infolettre à trouvé plusieurs échos en moi. Je vais essayer de les dépiauter.

Ce que tu évoques sur les notions de collectif et de production « slow technologique » me parle beaucoup.

Cette année, j’ai suivi des cours de gravure sur bois, lino, cuivre, zinc… J’ai appris pas mal de technique assez anciennes et qui ne sont plus trop utilisés pour la production en masse d’images imprimées parce qu’elles sont trop lentes, pas assez précise, pas assez reproductible ou tout simplement trop chère... Et je pense que nous avons beaucoup à gagner à comprendre et utiliser ces outils d’une technologie parfois plus ancienne.

Pourquoi ?

Parce que se sont des outils qui nous contraignent et nous émancipent.

En effet, quiconque à déjà gravé dans un morceau de lino (encore pire si c’est du bois) a bien vu à quel point, on est contraint par la matière, par l’outil, par l’irréversibilité du trait que l’on entaille…

En linogravure, on creuse une plaque et nos creux seront les blancs de notre images. Donc une mauvais entame et potentiellement, on a balafré notre image sans ctrl+Z possible. Et bien, je pense qu’en tant que personne qui fait des trucs de manière non professionnelle, utiliser ces techniques c’est s’imposer une contrainte. Or, étant toi aussi fondateur de l’OUJEPO, tu sais comme moi que la contrainte est fertile. C’est souvent par elle que vont apparaître des idées, des constructions nouvelles… Et je trouve que ces techniques, ces limites prennent encore plus sens face à l’usage des IA generatives d’images. En effet, face à la promesse de pouvoir tout faire et donc de nager dans un océan de possible, il me paraît assez juste d’opposer une technique très contrainte et aux possibilités limitées.

Bon ça, c’était pour la partie contraintes. Mais j’ai parlé au dessus d’émancipation. Alors d’où vient elle ? Et bien de la maitrise de la chaine de production (marxism intensify).

Si j’illustre une gravure pour un jeu, je contrôlerais du début à la fin la chaine de production de mon projet. Je n’aurais aucune autres limitation que celle de mon médium et que celles que je me met. Fini la normalisation, place au champs des possibles. Je veux imprimer sur une feuille de 1m50 par 80cm, c’est possible, je veux une couleur très spécifique, c’est possible, je veux faire varier des éléments d’impressions sur chaque tirage, c’est possible1…. En devenant maitre et maitresse de nos outils de productions, nous gagnons un savoir mais plus encore une liberté!2

Évidemment, j’aime bien moi aussi les outils informatiques. D’ailleurs, j’écris ce texte sur un PC portable tandis que mon train passe sous une jolie ligne électrique (pylône trianon pour les amateurs). Mais je pense que nous avons tous et toutes à gagner à nous tourner vers ces modes différents de la production qui peuvent beaucoup nous apporter.

J’ajouterais aussi que “l’avantage” de ces pratiques, c’est qu’elle se font souvent dans des endroits collectifs. En effet, acheter une presse, c’est horriblement cher et se regrouper et souvent un des moyens d’avoir suffisamment de place et de matériel. Et évidemment, quand on se regroupe et bien, on forme du collectif !!


J’ai déjà beaucoup parlé, mais ta lettre m’a aussi fais penser à ce que j’appelle (surement à tort) la technologie résistante.

Attention, ce que je vais décrire, c’est vraiment un truc qui anime les plis de mon cerveau, mais je comprend que ça ne fasse pas kiffer le votre.

J’aime bien que la technologie me résiste un peu / ne marche pas aussi bien qu’elle le pourrait. J’ai un smartphone efficace (mais clairement pas le plus puissant du marché) et j’aime bien qu’il mette un peu de temps à s’allumer, que les applis bug parfois… J’ai le sentiment que ça me rappelle que la technologie ne nous ais pas du et que pour que tout cela fonctionne, il faut un miracle infrastructurelle permanent.

Alors, je vais poser ici que j’ai une grosse fascination pour les infrastructures. Je travaille dans une infrastructure, j’ai déjà eue des syndromes de stendahl en regardant un centre commercial et en étant fasciné par le niveau de de strates empilées pour me permettre de venir acheter un paquet de pâtes. Ca me fascine mais je comprend que ça ne soit pas le cas pour tout le monde.


La plupart du temps, on ne sent pas les infrastructures et on a même tendance à les considérer comme acquises. J’aime bien que des petits bugs me rappellent qu’elles ne sont pas dues.

Et qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dis, ma fascination pour les infrastructures n’est pas non plus un aveuglement sur leurs problèmes ni un arrêt de mes perspectives révolutionnaires.

Au contraire. Je pense que pour mener une lutte forte contre le capitalisme il est essentiel de comprendre sur quel fondements il se base pour construire nos propres infrastructures qui je n’en doute pas, seront magnifiques.

Le jeu du papier plié

Alors, déjà je dois dire que tu as tapé très fort avec Greg le sorcier, bravo à ta fille !!

De mon coté, assez peu de dinguerie, juste ce petit montage sur lequel je suis tombée (dans le train toujours) et qui permet d’ajouter un peu plus de perspective à un pliage :

Un papier plié qui s'ouvre comme un oeil de caméra
wwwhwhhwoush (oui, je fais les bruitages)
Le pliage ouvert, on distingue un poisson au fond
Spioufffff !!!!

Je vous salue tout plein depuis mon train et je vous dis : A dans deux semaines

Milouch


  1. Tout ces exemples sont réel. ↩

  2. Evidemment, j’entends aussi la critique que tout cela prend du temps, de l’argent, demande d’être proche d’un atelier…. ↩

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