Apprendre à lire
Cher Côme, je t’écris encore de mon train (oui clairement, cet été, j’aurais fait chauffer la carte vermeille).
J’ai beaucoup aimé ta réflexion sur comment les livres pour enfants essayent de montrer à quel point un livre c’est cool en en passant par la manipulation et par plein de petits artefacts ludiques… Avant que la lecture puisse prendre aussi sa part. Et oui, sa part et pas tout le gâteau parce qu’on en parle un peu en fond depuis le début de ces échanges mais un livre, ça n’est pas que son texte. Ça paraît super évident, désolée si j’enfonce un peu une porte ouverte mais même le livre avec le moins de décorum fais l’objet de pleins de choix de mise en page, de matière, de police…
En France, on a cette petite fascination pour le minimalisme de La blanche et je parle bien de minimalisme parce que c’est clairement intentionnel (c’était apparement un mouvement en réaction au livre relié cuir et très richement décorés) et ça a quand même demandé énormément de taff pour atteindre cette concision. Du choix du papier (du vergé chez les éditions de minuit), au choix de la police (une didot, police de Louis XIV chez Gallimard)... Et cette distinction elle se fait pas mal en opposition aux éditions d’autres pays (plutôt de tradition anglo-saxonne) qui mettent en avant des couvertures très dessinées et ça ne date pas d’hier. C’était déjà le cas dans les années 20 (avec une opposition couverture ornementé de gravure versus sobriété / austérité de la blanche qui ne contient qu’un monogramme) et ça se poursuit encore aujourd’hui. Ce modèle a éssaimé un peu partout dans l’édition française chez POL, les éditions de minuit, stock… Et oui, il n’y a pas qu’en jdr qu’on a des tendances sur les formes de livre. Même si chez nous, l’alpha semble plutôt être le 400 pages format A4 à couvertures glacé et signet pour les tradis et le livret A5 en dos carré collé ou agrafé chez les indés.
C’est vrai, les couvertures du système de la blanche sont sobres, certains dirait moches mais ça a quand même quelques petits avantages.
Déjà, ça créer un ensemble super cohérent et reconnaissable et pour avoir récemment trié ma bibliothèque par maisons d’éditions, je peux vous assurer qu’un rayonnage blanc ça claque. Oui, je sais toujours pas pourquoi j’ai fais ce choix de tri de biliothèque, je crois que j’avais envie de changement mais maintenant, je me retrouve juste avec un classement super chelou…
Et puis, comme dirais ma compagne : « on a pas l’impression que le livre essaye de survendre un truc. »


En écrivant cette lettre, j’apprends qu’il y a eu des coups de butoir assez forts contre cette hégémonie de la blanche et notamment le travail de pierre Faucheux que je ne découvre que maintenant et qui a fait des trucs incroyables
Je pense que ça devrait te plaire !


Pierre faucheux a beaucoup joué avec la typographie comme ornementation mais une de ses plus grosses innovations est notamment d’avoir fait des livres où la couverture est imprimée sur l’ensemble de l’extérieur du livre voir s’étend à l’intérieur. Évidemment, ça me rappelle le superbe travail des éditions Dystopia : où un dessin s’étale sur l’ensemble du livre et même dans ses rabats :

Bon, mais vous faire ce petit tour d’horizon des différentes couvertures du monde de l’édition n’est pas très intéressant si je ne vous dis pas ce que j’en pense moi.
Eh bien, je suis ambivalente. Je crois que j’ai été éduquée à aimer la blanche et à valoriser des livres aux couvertures très sobres c’est clairement des éléments d’éducation bourgeoise en mode : « pas besoin de faire la démonstration de sa richesse…. »
Du coup, je sais que j’ai un peu du mal avec certaines éditions anglo-saxonne que je trouve parfois trop tape-à-l’œil genre ça :

Mais ça n’est pas forcément très justifié et puis je pense que c’est vraiment des morceaux d’éducation bourgeoise et de classisme pas très intéressant. D’un autre coté, je suis extrêmement fan de la créativité que peuvent avoir des mises en pages avec beaucoup plus de fioriture, j’ai déjà parlé des incroyables couvertures de Dystopia, je suis déjà en amour avec Faucheux ma nouvelle découverte et puis, il y a ce genre de chose que je trouve incroyablement stylé :


Sans forcément non plus aller dans les extrêmes d’éditions hyper travaillé avec des livres de folie...


Une petite pépite trouvée par hasard pendant mes vacances et que seul son poids m’a empêché de prendre. Mais on est d’accord, c’est incroyable !! En plus, la secession viennoise est assez haute dans mon panthéon artistique.
Je sais pas trop quoi conclure de ça vu que je suis pleine d’ambivalence et que je pense que j’évolue pas mal sur la question mais je suis très curieuse d’avoir ton avis à toi sur ton type de couverture favori!
Ta réflexion sur la lecture m’en a aussi amené une autre sur comment on apprend à lire un livre.
Non pas sur comment on apprend à déchiffrer un texte mais sur comment on apprend à lire les différents types de livre. Non pas qu’apprendre à lire ne soit pas intéressant mais je m’en souviens un peu moins bien que mon apprentissage de la lecture de livre.
Alors, qu’est-ce que je mets derrière ce terme ?
Eh bien, c’est quelque chose dont j’ai fait l’expérience il y a maintenant quelques années : tous les livres ne peuvent pas se lire de la même façon, oui, j’enfonce beaucoup de portes ouvertes ce matin…
Jusqu’à il y à quelques années, je prenais tous les livres comme des romans et les lisais du début à la fin, d’un bloc, en continu. Ça marchait pour pas mal de livre (dont les livres de jdr et même les manuels techniques) jusqu’à ce que je commence à m’intéresser aux livres sur l’art. Et autant dire qu’un livre sur l’art, c’est plus compliqué à lire d’un bloc et surtout, c’est pas fait pour ça.

Désolée, je dis peut-être des trucs très évidents mais ça m’avait un peu sauté à la gueule à l’époque. Depuis du coup, j’ai un peu appris à les lire ces livres différents et appris à papillonner dans de bouquins à en partir puis y revenir…
Maintenant je lis des livres de jdr trop petit pour être lus en plusieurs fois, mais j’aimerais bien de temps en temps en lire quelques gros pour essayer d’y trouver le plaisir du papillonnage #plaisirsinterdits.
LJPP™ (Le Jeu du Papier Plié)
Alors aujourd’hui encore, je triche un peu, mais c’est pour vous montrer un truc incroyable que j’ai découvert donc j’espère que vous me pardonnerez !!
Il existe une application Gallica ! La dans votre poche, vous avez accès aux meilleurs des livres et manuscrits numérisé par la BNF ! C’est pas incroyable ?! La navigation est rapide et intuitive et je trouve que ça fait une alternative intéressante au doomscroll.
J’ai commencé à y farfouiner et j’y ais vu des choses incroyable dont ce L de fou que je vous partage.

Alors oui, c’est pas vraiment une reliure mais en même temps, c’est une appli qui contient toutes les reliures !!
Voilà voila, j’espère que ça vous a plu, diverti⋅es et que j’ai pas enfoncés trop de porte ouverte.
De mon côté, je vous salue tout plein et comme l’a sûrement dit Emma Goldman : « A dans deux semaines »
Milouch / Emeline