La compote de Côme - Le p'tit top à la compote de 2024
Le meilleur du meilleur de 2024.
Et badaboum, voici mon meilleur du meilleur de l'année 2024 ! De quoi rattraper 52 épisodes précédents d'un coup, pas mal pour un dimanche soir.
D'ailleurs je te rappelle que si toi aussi tu as vu/lu/etc. des trucs chouettes l'année passée, n'hésite pas à m'écrire pour en parler, je me ferai un plaisir de relayer tes goûts sûrs et affûtés !
Les 3 meilleurs jeux vidéos auxquels j'ai (re)joué en 2024
En 2023, j'ai parlé de 29 jeux vidéos, mon plus gros total depuis 2021, et mes meilleures expériences furent :
Outer Wilds - Tu le sais car tu lis cette compote depuis longtemps, je suis fasciné par le concept des boucles temporelles depuis bien avant que ce soit cool, aussi étais-je méga hypé par Outer Wilds depuis des lustres, et ce encore plus depuis que les amies Guylène et Steve en avaient chanté les louanges. J’ai eu très peur d’un affreux malentendu pendant mes premières heures de jeu : l’exploration à la première personne, ce n’est pas mon mode favori, ni l’exploration spatiale d’ailleurs, et surtout j’étais complètement paumé, incapable de comprendre ce que je devais faire, et comment… Ajoute à ça mon sens pitoyable de l’orientation, encore pire que dans la vraie vie, et c’était mal parti. Je me suis pourtant accroché, et bien m’en a pris : à partir du moment où ça a fait « clic », c’était parti pour les montagnes russes. En réalité, Outer Wilds est un metroidvania où l’information est la seule chose qu’on acquiert : en cela, il n’est pas si différent d’un Toki Tori 2+ puisque, si on commence la partie avec la bonne information, on pourrait finir le jeu en 40 minutes à peine. Mais quel plaisir d’accumuler cette information sans trop savoir ce que tout ça veut dire, puis de relier les points pertinents entre eux (le jeu le fait très bien pour nous), et enfin de comprendre, petit à petit, non seulement ce qu’on fait là mais surtout où va la fin du jeu… Je ne peux pas dire grand chose sur celle-ci pour ne rien divulgâcher, mais disons que j’ai été un peu déçu par le changement de ton dans les dernières séquences, qui m’ont presque autant décontenancé qu’au début. Tout va bien, donc : mes amies ne s’étaient pas trompées, Outer Wilds fut un sacrée claque.
Tunic - Dois-je maudire l’ami Cédric de m’avoir précipité pour une semaine dans une obsession en forme de Tunic, ou l’en féliciter ? C’est que j’étais loin de m’imaginer la profondeur de ce jeu incroyable… dont il va être compliqué de parler sans rien divulgâcher. Disons alors que les comparaisons à la fois à Zelda (le premier du nom) et à Dark Souls (auquel je n’ai jamais joué) sont adéquates et que Tunic se présente au premier abord comme un jeu d’aventure à la difficulté un rien relevée, dont la caractéristique principale est d’être accompagné d’un texte grandement incompréhensible et d’un manuel de jeu comme à l’ancienne dont on récupère les pages au fur et à mesure. Le manuel, c’est une invention fantastique dont j’ai immédiatement envie de m’inspirer pour faire quelque chose de similaire en jeu de rôle : non seulement parce qu’il est magnifiquement fait, mais aussi faussement annoté, plein de secrets et de choses qu’on comprend au fur et à mesure que notre quête progresse… Jusqu’à une fin trop difficile pour moi (mais heureusement, le jeu propose différents modes d’exploration) qui fait basculer Tunic vers autre chose dont je vais bien me garder de te parler mais qui est proprement incroyable et, si là aussi un brin trop complexe pour mon pauvre cerveau, propose quelque chose que j’ai rarement croisé en jeu vidéo (j’ai bien un ou deux titres en tête mais rien que les citer en serait déjà dire trop). Bref, je suis sorti de Tunic, mais pas indemne, et je sens que c’est le genre de jeux qui va me marquer longtemps…
Toki Tori 2+ - Moi, je voulais m’attaquer au DLC de Outer Wilds, mais après avoir eu recours à une soluce rien que pour le lancer et avoir pataugé 20 minutes dedans, je me suis dit qu’il faudrait attendre un moment où mon cerveau serait davantage prêt ; alors en attendant j’ai revisité un de mes jeux de puzzle préférés. Toki Tori 2+ ne paye pas de mine et c’est sans doute son côté « roudoudou mignon » qui l’a empêché de toucher le large public qu’il aurait mérité, ce qui est un beau gâchis. Car non content d’être un jeu de puzzle environnementaux qui ne paye pas de mine et se révèle carrément retors par moments, c’est aussi une sorte de Metroidvania où toutes les commandes (au nombre de deux et pas une de plus) nous sont accessibles dès le départ, mais c’est l’information que l’on collecte petit à petit (sans aucun texte !) qui se révèle à nous et nous fait nous rendre compte que, depuis le départ, on pouvait atteindre les recoins les plus escarpés. Ajoutons à ça une myriade d’objectifs secondaires et de trucs cachés absolument partout dans le jeu et ça fait de Toki Tori 2+ une véritable pépite, qui plus est se vendant très fréquemment à moins de 2 euros sur les plates-formes autorisées. Franchement, ce seront les 2 euros les mieux utilisés de ta vie de gamer, crois-moi !
Les 3 meilleurs documentaires que j'ai vus en 2024
En 2024, j'ai parlé de 17 documentaires (pile comme l'année dernière) et mes meilleures expériences furent :
Weird Games Manifesto - Comme ça, l'air de rien, l’amie kF m’a lancé ces deux longues vidéos (première partie ici, deuxième là) qui m’ont tout simplement retourné le cerveau. Ça parle d’un festival de jeux vidéos chelous à Berlin qui, en soi, a l’air incroyable, mais en réalité ça parle surtout de l’importance capitale de la création indépendante dans le milieu vidéo-ludique ; et derrière ça, ça parle vraiment de la vitalité incroyable de la création indé en général, dans le jeu vidéo, le jeu de rôle, la BD ou la couture. J’ai été frappé des dizaines de parallèles à faire entre le marché du JV et celui du JdR et la plupart des axiomes développés par Ramo et ça m’a donné de l’énergie et de l’envie à revendre pour les temps à venir. Vraiment un visionnage incontournable si la création indé, c’est quelque chose qui te parle (et vu que tu lis cette infolettre, j’espère que ça te parle un peu !). À mentionner, en sus, le travail parfait de sous-titrage et de référencement sous les vidéos !
La Grande Triple Alliance internationale de l'est - Ça commence avec Milouch qui, pour une partie de Hex & the Punks, nous sort une page Wikipédia qui vend du rêve et nous révèle que des membres de sa famille élargie ont fait partie de cette fameuse « Triple alliance » (oui parce que contrairement à moi qui me fantasme un style pseudo-rebelle depuis mon salon de bobo, Milouch elle a du street cred elle)… et puis on découvre qu’il existe un DVD documentant cette étrange entité, on se cale une date avec bières et pizza, et on y va. Alors, qu’est-ce que c’est La Grande Triple Alliance internationale de l'est ? C’est un collectif de groupes de punk des années 2000, qui est peut-être mort et peut-être pas ; c’est une blague qui a été trop prise au sérieux ; c’est des gens qui jouent sous des ponts d’autoroute et des laiteries désaffectées, toustes dans les groupes les un·es des autres, avec des flyers de OUF et des styles musicaux divers et variés qu’on pourrait globalement résumer par « du bruit et de la sueur ». C’est aussi, donc, un documentaire qui recueille la parole de divers acteurs et actrices de cette chose, avec un sens du montage absolument incroyable, qui nous abreuve d’images en feu sans nous laisser respirer. J’en aurais franchement pris 2 heures de plus sans problème…
L’Homme aux 1000 visages - Par coïncidence, ou peut-être parce que la révélation d’une histoire de ce genre en fait toujours surgir d’autres, je croise ces temps-ci beaucoup d’affaires d’usurpation d’identité, de vies bâties sur des mensonges, du vent. C’est le cas de l’homme au centre de ce documentaire, qui comme le titre l’indique n’a pas plus d’existence tangible que celle qu’il se donne, sans qu’au final rien à propos de lui ne soit sûr - ni son nom, ni son métier, ni son pays de résidence, ni aucun des détails qu’il confie - à part peut-être une mythomanie dévorante qui le pousse à séduire ces femmes et se construire dix vies différentes. Ce n’est pas, pour une fois, dans un but financier, et d’ailleurs si le documentaire pèche c’est sans doute dans ce manque d’explications, ces zones d’ombres qui demeurent jusqu’au bout dans une enquête qui ne sera pas allée jusqu’au bout. Mais peu importe, car la vocation du film était peut-être davantage dans le recueil de la parole des victimes de Ricardo (certaines, dans une vertigineuse mise en abîme, étant incarnées par des actrices) et dans cette fabuleuse séquence finale, dont je ne te révélerai rien mais qui s’avère réellement jouissive, même si un peu inutile au fond…
Les 3 meilleurs films de fiction que j'ai vus en 2024
En 2024, j'ai parlé de 55 films (23 de plus qu'en 2023, je faiblis) et mes meilleures expériences furent :
Daaaaaalí ! - Je ne vois pas les Dupieux dans le bon sens et ce n’est pas grave car Daaaaaalí ! lui-même ne fonctionne pas de façon linéaire : il se camoufle en film presque normal dans son premier tiers - mis à part le fait (mineur) que des acteurs différents interprètent Salvador Dalí - avant de se mettre à empiler les couches narratives puis les mélanger comme un jeu de cartes mal assorti, et de tout embrouiller entre rêve et réalité, réalité et cinéma, passé et présent, au point ou plus rien n’a de sens et c’est très bien comme ça. C’est sur ce point un Dupieux plus réussi que d’autres, sans doute à cause de son (gentil) surréalisme assumé, et de sa fin pour une fois réussie qui vient refermer une à une les coquilles de ce drôle d’œuf, tout en laissant s’échapper un peu de folie par les fêlures qui demeurent.
Hundreds of Beavers - Le problème de voir plein de films chelous c’est qu’au bout d’un moment, on pourrait être un peu blasé des idées originales, par exemple « Ceci est un film muet en noir et blanc sur les aventures d’un trappeur se battant contre des créatures de la forêt dans une ambiance de cartoons pour adultes ». Mais Hundreds of Beavers, qui est exactement ce que je viens de décrire, est un chef d’œuvre de style qui transforme cette description en vision hallucinée avec un gag à la minute et une ambiance qu’on ne peut décrire que comme « Tex Avery sous acide ». Avec sa longueur d’1h50, le film est un poil longuet pour le voir en une seule fois ; ça n’en reste pas moins une claque phénoménale et un des métrages de l’année pour moi !
Furiosa - Après le chef d’œuvre épique qu’est Fury Road, avait-on besoin d’un préquelle sur le personnage de Furiosa ? Bien sûr que non. Ce préquelle est-il parfait ? Loin de là : il se présente avec un rythme plutôt étrange, prenant son temps pour démarrer et choisissant de couper net quelques scènes qui auraient pu être incroyables si elles n’avaient pas été des montages, et son usage de la musique est bien plus décevant que dans Fury Road. Alors, est-ce un mauvais film ? Évidemment que non : c’est un film rempli d’incroyables performances d’acteur, de scènes d’action phénoménales et d’un discours sur la vengeance plus subtil qu’il n’y paraît. Mais de toute façon, rien de tout ça n’a d’importance : j’allais au cinéma pour être recouvert par des kilos de pneus qui brûlent et des hectolitres d’essence en flamme, et j’ai eu exactement ce que je désirais. Chacun·e son kink.
Les 3 2 meilleurs spectacles que j'ai vus en 2024
En 2024, j'ai parlé de 6 spectacles (un nombre croissant d'année en année, crois-le ou non) et mes meilleures expériences furent :
Madame Arthur allume Claude François - Pour compléter mon tour d’horizon de l’univers du drag, il fallait bien que je finisse par aller voir un show en vrai ; même si j’ai bien conscience qu’un spectacle de cabaret est une configuration très spéciale, ça m’a quand même offert une soirée extraordinaire. Le cabaret de Mme Arthur combine tout ce que j’aime dans le drag : ce mélange improbable entre spectacle réglé au cordeau et transitions déglingos, cette rencontre entre des types de drag qui n’ont rien à voir - cette semaine, c’était une version drag de Klaus Nomi, une version drag de Didier Super, une drag alsacienne et une drag meuf cis - et qui pourtant se complètent admirablement, cette façon d’alterner les moments de rigolade burlesque et de grande émotion, bref cette sorte de plaisir terriblement communicatif qui fait qu’on oublie le monde extérieur (ou presque, je te laisse deviner ce qu’on a chanté à la place des paroles habituelles de « Cette année-là ») le temps d’une soirée. À quand la prochaine ?
Mathieu Boogaerts en groupe ! - C’est une habitude pour Camille et moi depuis plus de dix ans : quand Mathieu Boogaerts squatte plusieurs semaines d’affilée une salle de concert, nous allons le voir ! Avant c’était à la Java, maintenant à l’Archipel, et cette année accompagné d’un groupe qui se donne à fond (mention spéciale au guitariste qui a clairement étudié les mimiques et le jeu de scène du maître). C’était un concert étonnamment long, avec l’incroyable apparition de Luce en rappel, le genre d’événements qui me fournit en énergie pour le restant de la semaine ! Bon, Boogaerts n’a pas chanté cette chanson-là, ni celle-ci, mais il a chanté celle-là et cette autre aussi, donc tout est pardonné.
Les 3 meilleures séries que j'ai vues en 2024
En 2024, j'ai parlé de 50 séries (5 de moins que l'année dernière) et mes meilleures expériences furent :
Les Éloignés - J'ai avalé en 2 jours et demi ce récit recommandé par l'amie Jessica. Il faut dire qu’elle touche à certaines de mes marottes actuelles : ses personnages qui ne peuvent plus vieillir sont ici explorés sur le temps long, et l’on suit plus de 30 ans de leur existence, avec leurs relations qui muent, leurs réflexions qui se tendent et le monde extérieur qui ne leur fait pas de cadeau. Il ne faut pas aller chercher du réalisme dans la façon dont Les Éloignés traite la façon dont cette étrange maladie impacte le monde ; la série est clairement plus intéressée par la façon dont elle impacte les individus, et c’est très bien comme ça. Je regrette presque sur ce point l’intrigue, disons « policière » qui prend plus de place dans les derniers épisodes pour insuffler un peu de suspense à l’ensemble : une histoire de drame humain, c’était déjà suffisant !
I’m A Virgo - Boots Riley est un réalisateur fascinant à plus d’un titre : d’abord parce qu’il vient du monde de la musique (il a ainsi croisé la route de Zack de la Rocha, le chanteur de Rage Against the Machine) ; ensuite parce qu’il a réalisé précédemment le génialement étrange Sorry to Bother You ; enfin parce que c’est un communiste revendiqué et que cela suinte de chacune de ses œuvres. I’m A Virgo mélange tout cela pour offrir une série qui fait semblant de raconter les aventures à la Candide d’un géant de 4 mètres découvrant le monde moderne, mais qui ne cache pas ses attaques violentes contre le capitalisme moderne et les avatars fictionnels qui le soutiennent, sans oublier une critique sur ce que cela veut dire d’être un homme noir aux États-Unis. On peut reprocher à la série sa conclusion un peu rapide et facile, Riley ayant décidé qu’au fond il ne fallait pas arrêter de rêver à des lendemains meilleurs ; c’est quoiqu’il en soit une étrangeté télévisuelle à côté de laquelle il serait vraiment dommage de passer.
Scavengers Reign saison 1 - L’amie Melville, qui comme tu commences à le savoir n’est pas avare de bonnes recommandations, m’a exhorté à voir cette série dont j’ignorais tout et évidemment, une fois de plus, elle a eu raison ! C’est assez rare que je regarde (ou même lise) de la SF, mais dès les premières minutes de Scavengers Reign, j’ai su que j’étais devant quelque chose de spécial : le style graphique à mi-chemin entre Moebius et Luka Rejec, la présentation d’une planète dont la faune et la flore semblent réellement extra-terrestres, ces personnages échoués là dont on ignore tout ou presque… Au fil des épisodes, c’est de la survie de ces personnages qu’il va s’agir, avec des trajectoires très différentes qui finissent par se rentrer dedans, avec une saine dose de bizarre et de psychédélique, jusqu’à un final des plus prenants qui ouvre comme il se doit vers une 2e saison. Dire plus que tout cela serait trop en dire, alors je vais faire comme l’amie Melville et me contenter de te dire que franchement, tu ferais bien de regarder Scavengers Reign, tu ne le regretteras pas !
Les 3 meilleurs livres de fiction que j'ai lus en 2024
En 2024, j'ai parlé de 42 livres de fiction (14 de plus qu'en 2023, on progresse !) et mes meilleures expériences furent :
The Stand - Arriver au bout de The Stand, le roman le plus long de King, n’a pas été une mince affaire, mais ça n’a jamais été une corvée et ce gros bouquin mérité amplement sa place dans le top 10, 5 ou 3 des publications de l’auteur (selon ce qu’on trouve ça et là). C’est une entrée atypique dans la bibliographie de King, surtout à ce point dans sa carrière, dans le sens où, pendant au moins 800 pages, ses éléments d’horreur et de fantastique se font des plus discrets : à la place, King examine d’une façon presque sociologique comment une société confrontée à la mort par épidémie de 99% de ses membres se déliterait petit à petit (c’est le premier tiers du roman, aussi passionnant et prenant que l’ami Steve le disait il y a quelques semaines) puis tâcherait de se reconstruire. Le roman finit par prendre des accents d’épopée mystique et se remplit de miracles, de rêves prophétiques et autres personnages mythiques, ce qui n’en fait pas un mauvais livre, loin de là ; King n’hésite pas à se débarrasser de certains personnages (auxquels on avait sacrément eu le temps de s’attacher) et arc narratifs en quelques paragraphes dévastateurs et lorsqu’on arrive à la conclusion, c’est avec le sentiment d’avoir lu quelque chose d’épique qui se finit avec plus d’espoir qu’on aurait pu le croire au départ, et sans beaucoup d’éléments inutiles. Vraiment un grand bouquin, que je suis bien content d’avoir (enfin) lu !
Le Chien des Étoiles - Je crois que c’est l’amie Eugénie qui a parlé de ce livre, piquant ma curiosité ? C’était en tout cas un vrai plaisir que de partager un moment le chemin d’un vrai marginal, du genre qui avancent sur les sentiers invisibles, dissimulés par la nuit. L’errance de Gio est sans but et par à-coups (les ellipses se multiplient dans le dernier tiers du livre et reviennent parfois sur leurs pas), sans autre désir impossible à satisfaire que celui de trouver sa place quelque part. J’ai toujours été sensible à une certaine « poésie du paumé » et Le Chien des Étoiles n’a pas été une exception !
Hildegarde - Au fond, ce n’est pas l’histoire d’Hildegarde, abbesse du XIIe siècle aux visions prophétiques, dont il est question ici ; ce n’est même pas, enfin pas tout à fait, la peinture d’un siècle où toutes les merveilles, toutes les batailles, toutes les magies semblent possibles. Hildegarde est cela, bien sûr, mais au fil de ses chapitres qui se lisent comme de denses et exigeantes nouvelles, j’ai fini par comprendre : c’est le récit, et lui seul, qui compte ici. C’est un livre sur le plaisir de lire et d’entendre des histoires, de se laisser bercer par la voix du conteur, s’abandonner à l’écoute de la même histoire, déroulée encore et encore mais différemment à chaque fois, et de cette somme tirer un plaisir pas tout à fait définissable. Un livre par lequel je commence à comprendre l’engouement de mes pairs pour Léo Henry…
Les 3 meilleurs livres de non fiction que j'ai lus en 2024
En 2023, j'ai parlé de 20 livres de non fiction (1 de moins qu'en 2023, je suis la constance même) et mes meilleures expériences furent :
Le Grand voyage - J’ai ramassé ce premier roman de Jorge Semprun au hasard d’une boîte à livres, moi qui ne connaissait de l’écrivain que L’Écriture ou la vie, étudié au lycée et oublié depuis… Je n’étais pas totalement innocent, mais tout de même pas préparé au coup de poing qu’est Le Grand voyage, à bien des égards. D’abord parce qu’il aborde, non la (sur)vie dans les camps de concentration mais ce qui la précède (le trajet dans des conditions absolument abominables) et ce qui la suit (le retour à un monde qu’on ne (re)connaît plus et les traumatismes qui nous hantent). Ensuite parce que le livre est écrit dans un style d’une finesse absolue, rempli de descriptions qui arrivent à tirer une certaine forme de poésie des choses les plus glaçantes ou les plus banales. Enfin parce qu’il est construit comme une spirale vertigineuse, ne cessant de bondir à différents points temporels de la vie de Semprun, parfois au sein de la même phrase, comme les souvenirs traumatiques peuvent ressurgir sans prévenir et parasiter le présent. Bref, à la différence de bien des autres livres lus ces derniers temps, je vais ranger celui-ci précieusement dans ma bibliothèque car il gagnera à être lu et relu, pour ne pas oublier ce qu’il dit et comment il le dit.
Quand tu écouteras cette chanson - Je m’engage ici solennellement à davantage écouter ma compagne quand elle me recommande de lire des trucs, ça m’évitera de passer des années avant de (re)découvrir d’excellents bouquins comme celui-ci ! Il y est question d’une nuit dans un musée, comme les autres ouvrages de cette collection, mais puisque c’est ici du musée Anne Franck qu’il s’agit, le projet prend une autre dimension ; et outre une décortication en règle du célèbre Journal (que tout ceci m’a donné sacrément envie de lire) et de son contexte d’écriture, c’est une réflexion multiple à laquelle se livre Lafon, autour du génocide perpétré par les nazis, bien sûr, mais aussi autour de l’adolescence, la façon dont on peut s’ancrer dans les mémoires, et les failles irréparables et poignantes créées par la tragédie. Un très beau livre, qui m’a confirmé tout le bien que je pensais de l’œuvre de Lafon.
Le Mauvais génie (une vie de Matti Nykänen) - Camille m’a mis ce petit volume entre les mains en me promettant que même sans être intéressé par le ski, ce serait chouette, et elle avait raison ! Freudiger a en effet le chic pour faire de la vie de Nykänen une saga finlandaise, avec ses hauts et ses bas, ses moments de grâce et ses descentes aux enfers, avec un réel talent pour produire de petites vignettes de vie, comme une autobiographie très condensée. Ça m’a frappé à quel point la trajectoire de Nykänen est proche de celle d’un Gérard Depardieu, dans un tout autre domaine : jeune homme plein de talent à qui on pardonne son caractère bougon, puis à la fois risée et chouchou des médias qui jubilent à chaque excès, puis faits divers de plus en plus glauques et révoltants. Par contre, pas sûr que je sois très intéressé par un livre équivalent sur Depardieu…
Les 3 meilleures bandes dessinées que j'ai lues en 2024
En 2024, j'ai parlé 82 fois de bandes dessinées (28 de plus qu'en 2023 !) et mes meilleures expériences furent :
Environnement toxique - Comme tout le monde, je ne connaissais de Kate Beaton que ses albums avec des poneys rigolos et ses stries d’humour intello sur la littérature anglo-saxonne. Je n’étais donc pas prêt à me plonger dans ces 400 pages autobiographiques, dans lequel le style précédent de Beaton surnage parfois (notamment dans les expressions faciales), ici pour parler de son expérience dans l’extraction de sables bitumeux au fin fond du Canada. C’est sans surprise un récit dur, en particulier parce que Beaton est une femme dans un milieu d’hommes, loin de toutes attaches, et que cela entraîne les comportements sexistes qu’on peut deviner mais aussi les agressions qu’on peut redouter. Cependant, ce n’est pas qu’un livre qui dénonce (en cela, son titre français est un peu réducteur) : c’est aussi un ouvrage qui décortique la solitude et la tristesse inhérente à de tels milieux, essayant de comprendre comment des hommes finalement banals peuvent dans de telles circonstances devenir aussi toxiques que les matières qu’ils extraient. Difficile de trouver des notes d’optimisme dans l’ouvrage (elles existent), qui est par ailleurs, de l’aveu même de Beaton, limité par son aspect purement autobiographique, mais on comprend que c’est un récit qui devait sortir, et qui devait être lu.
Paul à la maison - Le saut temporel n’est pas tout de suite évident au début de cet avant-dernier tome de Paul, mais très vite, on comprend que l’hiver s’en vient, littéralement, pour la série : Paul est divorcé, il se morfond dans sa maison, son jardin pourrit, sa piscine tombe en ruines, sa mère se meurt, sa fille va partir… C’est donc un tome assez sombre, dans lequel, qui plus est, Paul perd de sa bonhomie habituelle et entame la dangereuse pente vers le « vieuxconisme », avec un monde moderne qu’il ne comprend plus et où il ne trouve plus sa place. Il demeure quelques instants de légèreté et de poésie, et c’est assez amusant de voir Paul-le-personnage devenir Paul-l’auteur-de-Paul-le-personnage dans un vertige méta, mais on sent aussi, malgré le plaisir habituel à lire ce Paul, que la série touche à sa fin : il n’y a plus de souvenirs d’enfance à revisiter et la vie de Paul adulte, malgré un épilogue plus léger, n’est pas au beau fixe… Alors, où aller ? Je fais semblant de poser la question mais je le sais déjà : le prochain tome, dernier en date, se centre sur Rose, la fille de Paul, et c’est une grande réussite !
Les Magiciens - Je gardais ce titre de Blexbolex en tête depuis l’avoir croisé à la médiathèque, et sans avoir pu le lire à Madeleine qui était alors trop jeune ; cette semaine j’ai enfin comblé ce trou et rangé ce magnifique livre dans ma propre bibliothèque, avec bonheur. On pourrait le qualifier d’album jeunesse, oui, mais c’est surtout un livre d’une beauté époustouflante, avec des sérigraphies dans lesquelles on pourrait se perdre des heures et un récit qui m’a réellement surpris par sa densité et ses multiples rebondissements, que j’aurais encore suivi avec plaisir pendant une bonne centaine de pages au moins. C’est rare que je me sente autant happé par un univers qui mélange allègrement des parfums de Miyazaki et de Thomas Munier tout en gardant son identité propre, qui creuse (parfois littéralement) un monde que j’ai trouvé fascinant, et dans lequel j’irai sans doute me replonger fréquemment !
Les 3 meilleurs jeux de société auxquels j'ai joué en 2024
En 2024, j'ai parlé de 22 jeux de société (2 de moins qu'en 2023) et mes meilleures expériences furent :
The Number - C’est le genre de jeux minimalistes, aux règles explicables en 5 minutes, que j’aime beaucoup : ici, le concept est de tâcher d’écrire un nombre de 3 chiffres le plus élevé possible (pour gagner un maximum de points) tout en essayant de faire en sorte que nos chiffres ne se retrouvent pas dans d’autres nombres, pour ne pas être éliminé. C’est donc un jeu qui mêle un brin de chance et de stratégie à des tentatives de comprendre ce que l’autre va mettre, avec un vrai suspense de bout en bout et pour des parties pas trop longues. Un futur classique ?
Splendor Duel - Celui-ci était déjà un classique à mes yeux mais il ne faisait pas encore partie de ma ludothèque, ce qui est à présent chose faite ! La version de base de Splendor fait partie de ces jeux auxquels nous avons joué à deux des dizaines de fois, il était donc logique de finir par se laisser tenter par une version faite spécifiquement pour deux, qui, loin de se contenter d’une simple transposition du jeu, en réinvente une grande partie des mécaniques et vient bouleverser nos habitudes, notamment en ce qui concerne la prise de jetons qui est au cœur du jeu. Sans surprise vu l’équipe derrière, Splendor Duel est une mécanique bien huilée dans ses moindres détails et c'est devenu depuis un classique de la maisonnée !
The 7th Citadel : Les Tambours funestes - Après l’avoir sérieusement poncée pendant les grandes vacances, j’ai fini la première des deux campagnes de The 7th Citadel au bout de… 20 heures ? Davantage ? C’était en tout cas génial et je commence à regretter de ne pas avoir pris les extensions du jeu, échaudé par mes parties de The 7th Continent qui m’avaient un peu lassé, notamment par leur difficulté. Mais ici le jeu est très différent : pas de die & retry, plutôt un jeu à missions en partant toujours (ou presque) du même endroit, la citadelle du titre qu’on améliore au fil de notre partie. L’échec d’une mission ne signifiant pas la fin de la campagne, les conditions de véritable échec sont donc très faibles, sans enlever à une difficulté que, jouant en solo, j’ai souvent senti me frôler… Je pourrais développer longtemps sur les myriades de petites trouvailles de game design qui font de ce jeu une pépite, entièrement basé sur un système de cartes à révéler (et à ranger pendant parfois de longs moments, mais l’écoute de podcasts est là pour ça !) avec plein de surprises et de variations sur cette mécanique centrale. Quel plaisir, en tous les cas, d’arpenter ces territoires et de comprendre peu à peu leur mythologie, tout en ayant le sentiment, au bout de cette première campagne, de n’avoir même pas vu la moitié du jeu. C’est peut-être cela qui lui manque : un mode de jeu où l’on pourrait arpenter librement le jeu, histoire d’en découvrir les moindres recoins… Peut-être dans une future extension ?
Les 3 meilleurs jeux de rôles que j'ai lus en 2024
En 2024, j'ai parlé de 178 jeux de rôle (15 de plus qu'en 2023, je suis une cause perdue) et mes meilleures expériences furent :
AUTHORITY - La sortie en version imprimée cette année de ce jeu de l'ami Marc était une grande occasion ! C’est, comme les autres jeux de Marc d’ailleurs, un bijou de concision en ce qu’il parvient à produire une satire sur l’autorité dans la fiction, un commentaire sur le rôle du MJ et un jeu méta dans lequel on peut littéralement changer les règles du jeu en cours de route, tout ça avec une poignée de cartes à peine et un design tout en concision. Bref, c’est un petit chef d’œuvre d’OuJePo et je suis extrêmement content qu’il existe !
Of Whites & Reds - Un de ces « jeux » avec des guillemets autour, le propos de OW&R est au moins clair : faire la révolution en renversant le MJ et l’histoire qu’il tente d’imposer et en laissant le peuple (les joueurs) se saisir des moyens de production (narration). Le tout est motorisé avec une sorte de système PbtA, se présente avec les atours d’un manifeste politique d’il y a un siècle… et est d’une opacité totale dans la partie réservée au MJ, dont le style verbeux (imitant parfaitement ses inspirations !) m’ont totalement empêché de comprendre comment, exactement, pourrait se dérouler une partie de OW&R. Mais ce n’est pas bien grave, car rien que l’objet en lui-même force l’admiration !
Le Passé du futur - J’ai eu l’occasion, il y a quelques mois, de passer une journée avec Simon Petterson, excellente personne et auteur de jeu de rôle qui nous a fait tester ses jeux suédois alternatifs. Je ne m’étendrai pas ici sur Voyage en Alatrie parce qu’il n’est pas (encore) disponible en français, mais j’aurai toutes sortes de louanges à faire quand ce sera le cas ; en attendant, tu peux lire et jouer au Passé du futur pour apprécier le game design impeccable de Petterson. C’est une sorte de version plus mécanique et peut-être aussi plus efficace de mon jeu de retrouvailles mélangé à mon jeu sur deux époques, avec ce petit truc très bien trouvé d’être deux à se partager les moments « avant » et « après » du personnage. Vraiment un petit bijou !
Les 3 meilleurs livres jeunesse que j'ai lus en 2024
En 2023, j'ai parlé de 11 livres jeunesse (8 de moins qu'en 2023) et mes meilleures expériences furent :
The Rock From the Sky - On avait découvert les livres de Jon Klassen l’année dernière avec l’excellent On a trouvé un chapeau ; ici, c’est encore une histoire rigolote de tortue avec un chapeau, mais pas que ! C’est aussi une histoire de rocher qui manque d’écraser des animaux, de projection dans le futur où des créatures à la HG Wells rôdent, et de héros ronchons qui s’en sortent grâce à de gros cailloux tombant mystérieusement du ciel. Bref, c’est très beau, totalement absurde et avec juste ce qu’il faut de noirceur cachée !
Hilda et le géant de la nuit / Hilda et le Troll / Hilda et la parade des oiseaux - J’ai continué à lire Bergères guerrières au-delà du tome 1 à Madeleine, mais ça n’a pas marché : l’intrigue devenait plus complexe, plus sombre, les pages plus longues à lire… Pour tenter de l’en détourner, j’ai eu l’idée d’emprunter Hilda et le géant de la nuit à la bibliothèque : j’avais beaucoup aimé la série (à part sa dernière saison, comme tu le sais) et la BD, au moins dans ses premiers tomes, semblait plus abordable à une petite fille de 4 ans et demi. Eh bien, bingo : on est allés chercher les autres tomes le week-end suivant tant ça lui a plu, après qu’elle m’ait avoué que ça ne la dérangeait pas de ne pas terminer Bergères guerrières. Luke Pearson, vieux rascal, tu marques encore des points !
Sacrées sorcières - Je ne suis pas peu fier d’avoir lu cette année l’intégralité de Sacrées sorcières à Madeleine, avec certes quelques coupes et reformulations, en maintenant tellement son intérêt que maintenant elle cherche à savoir qui est secrètement une sorcière quand on se balade dans la rue. Je n’avais pas relu ce roman depuis plusieurs décennies et fus donc surpris de constater que ça se finissait bien moins mal que dans mon souvenir et qu’il y avait quand même pas mal de tirage à la ligne et de répétitions, sans que je sache réellement si c’est quelque chose qu’on retrouve dans les autres livres de Dahl. En tout cas, un plaisir de retrouver cette prose qui se complait à décrire des choses révoltantes avec le genre de petit sourire qu’on se passe d’un·e initié·e à l’autre !
En 2025,
- Je compte bien continuer à lire un paquet de romans de Stephen King, et d'autres gens aussi
- Je compte bien lire beaucoup, beaucoup plus de jeux de rôles qu'il n'est raisonnable, car on ne se refait pas
- Je compte aussi écouter beaucoup, beaucoup de musique et en parler tant bien que mal
- Je compte bien continuer de rendre cette compote de plus en plus queer
- Je compte bien sur toi pour t'éclater dans ce que tu découvres et ailleurs, et passer une année de plus de 365 jours ! (Oui, exactement comme l'année passée)