La compote de Côme #256
La dernière livraison de l'année est pleine comme un œuf de Pâques
Jeux de rôles

Nephiloth – Il y a les déraisonnables comme moi, qui sortent plus de jeux en un an qu’une année comporte de mois, et il y a ceux qui prennent leur temps, raffinant méticuleusement leur projet jusqu’à ce qu’il soit le meilleur possible. L’ami Mathieu est de ceux-là, proposant ici la version de travail d’un jeu qui l’occupe depuis des années, une version largement maniée de Nephilim à la sauce Firebrands, ou pour le dire de façon moins obscure, la possibilité d’incarner des êtres mystiques et immortels à travers une série de mini-jeux narratifs. Pour avoir testé la bête, je peux attester que ça marche très bien ; je dirais bien que j’ai hâte de voir la suite, mais je sais que c’est une hâte qui va se compter en années...

Revolt! – J’aime bien les jeux de Jason Price, ils sont toujours impeccablement faits, mais j’ai toujours la sensation qu’ils manquent d’un petit quelque chose, et Revolt! ne fait hélas pas exception. Sur le papier pourtant c’est très prometteur : un jeu qui parle de révolution, entièrement à base de cartes nous donnant des amorces de scènes… Sauf qu’à ces amorces sont liées des valeurs chiffrées qui ont une importance pour la fin du jeu et qu’on ne peut pas modifier, rendant le tout très aléatoire. Et puis, sur un plan plus idéologique, un jeu qui me permet de jouer ce qui mène jusqu’à la révolte, sans aller en explorer les ramifications autrement que par « et si vous voulez rejouer, dites qu’un nouveau monarque monte sur le trône et qu’il faut recommencer la révolte », ça me dégonfle un peu l’intérêt.

What I’ve Been Through to be Here / Repent – En étant honnête, je n’ai pas tout compris des mécaniques de What I’ve Been Through…, plutôt attiré par sa promesse d’un jeu solo inspiré par LOST ; c’est en allant lire Repent, la source desdites mécaniques et un jeu solo sur les derniers instants d’un personnage avant sa mort, que j’ai pigé. Je trouve du coup assez maligne cette idée d’une liste d’actions se réduisant comme peau de chagrin et ne nous offrant que quelques victoires avant une série inévitable d’échecs, comme on ne peut que retarder et non stopper le moment de la mort.

The Walls Will Swallow You – Un jeu qui se passe dans une maison hantée, ce n’est pas évident ; on peut vite tomber dans la caricature, les clichés faciles, ou à l’inverse quelque chose de trop technique qui enlève l’angoisse de l’équation. J’ai (qui est surpris ?) tenté moi-même quelque chose en la matière et The Walls Will Swallow You est une entrée tout à fait honnête dans son genre, avec juste assez de flous et d’interstices pour y glisser ce que l’on veut. Je regrette peut-être un peu que ce flou s’étende aux règles, pas toujours claires, mais on n’est pas loin d’un jeu que j’aurais aimé écrire !
Littérature

Le Cercle de la croix – Je crois bien que c’est Laurence qui m’a recommandé ce roman il y a bien longtemps de ça ; il faut dire que j’ai mis un moment à trouver le courage de m’attaquer à ses 900 pages bien tassées et à son décor de ville britannique du 17e siècle. Le coût d’entrée du Cercle de la croix n’est donc pas évident mais il est vite remboursé face à l’intrigue à la Rashōmon que propose le roman : quatre points de vue autour d’événements similaires, dont un meurtre dont læ coupable reste peu clair.e jusqu’aux derniers chapitres. Le but de l’auteur semble être surtout de nous dépeindre les débats religieux et médicaux qui agitaient la société britannique de l’époque, mais j’avoue que j’ai préféré l’astuce littéraire de l’ensemble, gardant le reste en toile de fond.

Death of a Salesman – On est tout à fait dans le genre de lectures que je détestais en étant élève, c’est-à-dire les bouquins pas hyper intéressants imposés par les profs… Sauf que cette fois, le prof c’est moi et je suis celui qui vais imposer la lecture de cette pièce à mes élèves. En réalité, je pense que son histoire de grands rêves brisés et d’espoirs déçus, son mélange de passé et de présent, sont plutôt de qualité, mais sous forme de texte c’est assez compliqué à lire ; il faudra que je regarde ce que ça donne une fois transposé sur scène pour être tout à fait convaincu.
Non-fiction

Corvée de sexe : pourquoi les femmes se forcent encore – En tant qu’homme cis hétéro, difficile de prétendre, malgré tous les bons comportements dont je tâche au quotidien de me parer, que je suis entièrement innocent des choses dont Maylis Castet parle dans ce petit volume. C’est un livre qui dit les termes, souvent crûment (parfois avec un ton provoc un peu gratuit mais qui fournit aussi de belles punchlines) et qui ne tourne pas autour du pot pour expliquer qu’il y a de très nombreuses femmes qui se forcent pour faire du sexe avec leur conjoint, que ça ne concerne pas que les générations précédentes, ni des femmes au foyer un peu naïves sur leur condition ; ça touche toutes les femmes, sans beaucoup d’exception (y compris l’autrice de l’ouvrage) et décrit des choses que, personnellement, j’ai reçues comme des gifles salutaires. De quoi déprimer un peu plus sur les relations femmes/hommes, certes, mais aussi de rêver, en plissant les yeux, à des parties de sexe plus apaisées...

Kimchi Overdose #31 : l’impression qui domine – Je suis loin d’avoir la collec’ complète des fanzines de Martin Lafréchoux, qui en fait d’ailleurs l’historique en ce moment sur Mastodon, mais celui-ci, avec sa couverture promettant du récit non-linéaire, m’a fait bondir. Ce que j’ai eu entre les mains, ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais : on a ici une livraison des plus intimes, qui gratte un portrait de Lafréchoux sur ces dix dernières années dans tous ses doutes, ses souffrances, ses errances mentales en boucle. Une écriture ciselée dans de la belle tristesse.
Page de pub

Un jour d’hiver, dans un aéroport – C’est rigolo des fois le… Je l’ai déjà faite ? Ah pardon. Mais c’est vrai que c’est amusant de tenir entre mes mains ce petit jeu de rôle, initialement écrit en 36 mots pour rire et un projet d’Hergé qui m’a toujours fait fantasmer… Après une partie cet été, je me suis dit qu’il méritait d’être augmenté un peu, et j’ai presque immédiatement pensé à Tony Papin pour l’illustrer ; et une fois devant le résultat, ben franchement ç’aurait été gâcher que de ne pas en produire une version imprimée (et ainsi prolonger ma série des jeux illustrés par des dessinateurs de talent). Me voici donc avec des centaines de petits exemplaires sur les bras, et ça tombe bien car tu peux les acheter, ainsi que mes autres jeux, en allant visiter ce site !
Séries

Columbo, saison 1 – Clairement, Columbo n’est pas le genre de séries qu’il est intéressant de binger, tant le squelette de ses intrigues ne variera pas d’un épisode à l’autre : il y a toujours un gars ou une meuf de la haute qui tue quelqu’un d’autre, souvent par appât du gain, et pense que Columbo ne va pas flairer l’embrouille… Tout l’intérêt de la série repose évidemment sur les duels entre Columbo et læ coupable, le premier semblant tout savoir et læ deuxième persuadé.e que rien ne se saura. L’intelligence des scénaristes est de ne jamais nous dévoiler ce que Columbo a dans la tête, impossible donc de savoir à quel point il bluffe ou il a beaucoup de chance… Une très bonne découverte que cette première saison, en tout cas, et je vais tâcher de prendre mon temps avec la suivante, même si je me connais !

Poker Face saison 1 – Ce n’était pas prévu mais cette même semaine, nous terminons de regarder la première saison d’une série très inspirée par Columbo (va pas me dire que Natasha Lyonne copie pas un peu les maniérismes et le phrasé de Peter Falk!)… du moins au début. Car si Poker Face modernise clairement ce qui faisait la force de Columbo, c’est-à-dire nous présenter un meurtre avant de le détricoter jusqu’à l’arrestation du coupable, ici la formule est légèrement modifiée, se doublant d’une sorte de road movie sur 10 épisodes et d’un arc narratif courant sur toute la saison (et aussi, une protagoniste qui peut détecter quand les gens mentent). J’ai beaucoup aimé la cinématographie de la série et son défilé de guest stars, mais je suis moins convaincu sur l’intrigue au long cours, obligeant le personnage de Natasha Lyonne à devenir plus ou moins indestructible et nous amenant vers des développements pas toujours inspirés et des résolutions trop rapides ; mais bon, j’en reprendrai une deuxième assiette avec plaisir !
Spectacle

La Vie en vrai – Je le savais bien que j’allais chialer en allant voir ce spectacle sur l’œuvre d’Anne Sylvestre et le rapport de Lucie Sansen et Marie Fortuit à celle-ci… et ça n’a pas manqué. Non seulement La Vie en vrai me rappelle que la discographie d’Anne Sylvestre regorge de chansons incroyables, bien au-delà du magnifique « Les gens qui doutent », mais en plus les récits d’adolescence des artistes sont terriblement touchants et résonnent avec la nostalgie que je continue d’entretenir avec mes propres 15 ans. J’ai donc bien usé mes mouchoirs, et illico acheté l’intégrale d’Anne Sylvestre, histoire de pouvoir bientôt t’en rabattre les oreilles ci-dessous au lieu de musique psychédélique australienne...
Films

Chronicles of a Wandering Saint – Je voulais initialement voir ce film pour avoir une vision de ce que peut être une relation honnête et sincère à la religion, dans son sens le plus terre à terre et quotidien, et sur ces points le début de Chronicles of a Wandering Saint ne m’a pas déçu : scènes lentes, situations ordinaires, croyants touchants de banalité… jusqu’à ce que le film bascule, quasiment sans prévenir, dans une ambiance non pas totalement différente mais à côté de tout cela, sans perdre de sa tranquille beauté. J’ai donc en un sens trouvé plus que ce que j’étais venu chercher avec ce film, pour mon plus grand plaisir !

Amélie et la métaphysique des tubes – Par coïncidence, j’ai également vu cette semaine ce film avec Madeleine, adaptation d’un roman autobiographique d’Amélie Nothomb que je me souviens avoir lu et aimé dans mes jeunes années. Je n’en ai que peu de souvenirs mais il me semble que son adaptation cinématographique en gomme la plupart des réflexions philosophiques, pour ne garder qu’un enchaînement de moments d’enfance presque banals, et devenir une célébration de ces souvenirs épars dont on reconstitue en puzzle une enfance. Le film a de plus la force de ne pas rechigner à évoquer, plus ou moins explicitement, des sujets difficiles comme la mort et la guerre, sans prétendre qu’une petite fille de 3 ans (ou de 6) en saisira toutes les subtilités.

Harry Potter à l’école des sorciers – Exercice de pensée : regarder ce film en compagnie de Madeleine, qui le découvre pour la première fois, comme si moi-même je ne connaissais rien sur la saga ni son autrice transformée au fil des années en sac poubelle humain. Eh bien, il faut reconnaître que c’est un excellent film pour enfants : l’univers nous bombarbe de merveilles, l’intrigue se tisse élégamment le long d’épisodes a priori disjoints et nous révèle sa petite surprise finale, et puis il y a ce truc formidable de voir de la magie « pour de vrai » comme le dirait ma fille. Certes, du haut de mon regard d’adulte, j’ai aussi vu les dizaines d’incohérences, un univers pas du tout logique, tout un tas d’emprunts plus ou moins discrets… mais j’ai choisi de fermer les yeux dessus, le temps de quelques heures !
Jeu vidéo

Hollow Knight: Silksong – Il est temps pour moi d’admettre que je ne finirai pas Silksong, comme j’ai laissé d’autres jeux sur le seuil du générique de fin : il ne me reste que les deux boss finaux à affronter (ceux de l’acte 2 et non de l’acte 3, pour les geeks de l’assistance) mais j’ai décidé de ne pas m’y frotter. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé ce jeu effectivement très difficile, même s’il m’a terriblement frustré à de nombreuses reprises : seulement, j’estime être satisfait par l’expérience qu’il m’a proposé, en sachant que je n’irai pas au fond de ses secrets, et reconnaissant humblement ne pas avoir le niveau pour me coltiner les derniers combats sans grincer de courroux. C’est peut-être ça, la maturité !
Musique

The Phoenix Foundation, Merry Kriskmass EP – Je ne peux déroger à la tradition et ne pas te parler d’un album de Noël cette semaine, mais j’ai souhaité m’écarter un peu des classiques (c’est-à-dire, chez moi, les albums 8-bits, les reprises folk et les innombrables mashups). Et donc, pourquoi pas de la pop rock bien tranquilou venue de Nouvelle-Zélande ? Il n’y a absolument rien qui rappelle Noël dans le rythme impeccable de “Everybody’s Money”, dans le gentiment satanique “Party Below” ou dans le Zeldaesque “The Man Next Door”, alors c’est un peu limite… Bon allez, y a un rythme vaguement « boule à neige » dans “Wrestling with Demons”, on va dire que ça passe.
L’arrière-queer de Milouch

Sang Chaud de Fanny Lallart
Il y a quelques semaines, enivrée par l'odeur de vin chaud qui se répandait dans les rues et pleine d'une inébranlable confiance en moi telle que peut l'offrir une bonne séance de psy, j'ai passé la porte des Mots à la Bouche pour chercher des romans lesbiens afin de préparer ce mois lesbien de l'arrière-queer. Il paraîtrait même que j'ai crié : « HOLÀ libraire, donnez-moi vos meilleurs hystoires lesbiennes, j'ai fort à faire et moult arrière-queers à rédiger ! ». J'avais donc pris celui-ci au milieu de plein d'autres parce que la couverture était stylée.
Quand je dis que la couverture était stylée, je veux dire que tout dans la couverture me plaisait, de la sobriété de la photo à l'effet sablé de son pelliculage en passant par ce qu'il y avait écrit dessus.
Et je dois dire que l'intérieur ne m'a pas déçue non plus. Amalgame de poèmes lesbiens, de tentatives de couple et de meurtres mâtinés de désespoir, de doom scrolling et de luttes sociales, Sang chaud c'est tout cela à la fois et bien plus. Une écriture écorchée au couteau et forgée à la lueur d'un projecteur 5000 W de la fashion week mourante. L'enfant illégitime de Baise-Moi né dans la solitude et la perte d'espoir.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— Nous en sommes encore assez protégé.es, mais pour le jour où des data centers envahiront nos pénates, voici comment s’en prémunir.
— Et pourquoi pas discuter en morse ?
— Je suis sûr que ne pas avoir accès au Wikipédia des phares te manquait.
— Un long et intéressant (même si alarmiste) billet sur l’importance de faire l’effort de lire, y compris quand c’est long et compliqué.
— Non seulement il y a une nouvelle émission d’Internet Exploreuses qui parle très intelligemment de l’IA, mais en plus je découvre que la même chaîne héberge des pastilles mensuelles de Zeph & Ramo, voilà qui m’emplit de joie ! Je n’ai d’ailleurs pas encore avalé la vidéo de 3 heures (!) des deux zozos sur les jeux de pêche, mais elle promet d’être fantastique.
— luvan nous offre une belle mixtape pleine d’hiver et de musique folk !
— La formidable histoire du pope of dope (qui me rappelle la série High Maintenance ainsi bien sûr que ce clip formidable).
Des bises
et peut-être à dans deux semaines, en compagnie d’Anne Sylvestre (qui d’autre ?).
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