La compote de Côme #252 - du dimanche 23 novembre au dimanche 30
Des failles, des lumières et des rats.
Jeux de rôles

Always Delve Deeper – Il y a ce principe, dans les jeux de la famille de l’OSR, qui consiste à dire que les règles ne sont là que pour couvrir les cas où on ne peut arriver à une décision par la discussion ; en l’état, les règles sont donc volontairement incomplètes et Always Delve Deeper pousse cette logique à son maximum en proposant des bribes de règles, des tables aléatoires reliées à rien de précis, en comptant sur son lectorat pour combler les trous. Ça marche impeccablement, en se contentant d’évoquer un univers rendu plus riche par ses non-dits, surtout lorsqu’il est aussi bien écrit et plein de choses très originales, ce qui n’est jamais évident dans une famille déjà bien remplie...

Apawthecaria: A Poultice Pounder Adventure – Voilà un jeu solo qui ne fait pas semblant : 200 pages pour incarner un petit animal qui parcourt la campagne afin de soigner ses prochains, dans une ambiance des plus cottagecore qui soit, c’est vraiment très réjouissant ! Oui, il y est toujours question d’écrire dans son journal ce qu’il se passe, mais aussi de concocter des potions, de rencontrer des voisin.es et surtout de se déplacer sur une carte d’une façon qui a fait « tilt » pour moi et débloqué quelques idées logées dans un coin (à propos d’une course dans l’espace, donc rien à voir)...

Mum Chums – J’avais lu ce jeu de l’amie Tanya il y a quelques temps mais ce n’était pas tout à fait la version finale, et je n’étais sans doute pas dans les bonnes dispositions pour l’apprécier… Les temps ayant changé, je trouve à la relecture que c’est un sacré bon petit jeu, et un sacré OVNI aussi puisqu’il propose d’explorer la relation de mères avec leurs enfants, tout en réalisme et en tendres sentiments mais sans ignorer les moments difficiles qui peuvent survenir parfois. Un jeu au discours social parfaitement assumé, donc, et qui s’apprécie encore plus avec une tasse de thé qui plus est : le tout est vraiment très britannique, pour mon plus grand plaisir.

Mûrs murmures au mur – Lors de notre dernière réunion de l’OuJePo (je ne t’ai pas encore parlé de l’OuJePo ? Rassure-toi, ça viendra) nous avions pour tâche de créer un fragment faisant partie d’un jeu de rôle qui n’existe pas, histoire de voir si ça pouvait tout de même tenir debout. L’ami Marc nous a tous.tes coiffé.es avec son Mmam, faux compte-rendu d’un faux jeu tiré d’une époque révolue et n’ayant jamais tout à fait existé : il y a quelque chose de très poétique dans son petit texte, et de très ludique aussi puisqu’on a immédiatement envie d’essayer de remplir les interstices (une fois de plus) et de croire mordicus à ces mûrs murmures. Bon, la fonte n’est pas tout à fait d’époque, mais elle est si jolie qu’on lui pardonne...
Bande dessinée

Couv_def_V2.tif – Je t’avais déjà parlé l’année dernière de cette créature bizarre mise sur pieds par Erwann Surcouf, faite de redessins à l’arrache de couvertures réelles de bande dessinée. Eh bien voici que le bougre a renouvelé l’exercice et que c’est toujours aussi OuBaPien et drôle, et pas seulement lorsqu’on connaît les œuvres d’origine ; il y en a une poignée là-dedans dont je ne connaissais pas l’existence, ou la couverture, et admirer le trait foutraque d’Erwann me suffit à les apprécier !
Littérature

Wyrd Sisters – Ça faisait un peu de temps que je n’avais pas poursuivi mon marathon Pratchett mais m’y revoilà ! Dans ce 6e livre, on repart du côté des sorcières, déjà un peu vues auparavant… et qui dit « sorcières », pour un auteur britannique, dit « Shakespeare », et donc « théâtre », et je ne vais pas te mettre d’autres mots entre guillemets mais tu vois le mélange. On est encore plutôt du côté de la parodie que de l’intrigue originale, mais contrairement aux premiers romans du Disque-monde, ici il s’en dégage quelque chose de très réussi, comme si le mélange de tous ces hommages disparates donnait plus que la somme de ses parts (à l’exception peut-être de clins d’œil à Laurel et Hardy ou Charlot, un peu hors propos pour moi). Un bon cru, donc, mais y en a-t-il vraiment des mauvais ?
Non-fiction

Regarde les lumières mon amour – Milouch m’avait chauffé de ouf sur ce petit opus d’Annie Ernaux qui parlait de centre commerciaux, et vu mon attirance pour les espaces hétérotopiques, je ne pouvais qu’être tenté… Je savais aussi à l’avance qu’il ne s’agissait pas là du meilleur de l’autrice, et en effet : le livre se contente d’aligner des observations sociales au doigt mouillé, certaines faisant mouche, d’autres pas vraiment, et on reste un peu sur sa faim. Tout cela ne touche pas assez à l’intime, domaine riche pour l’autrice, ou prétend peut-être trop être ce qu’il n’est pas...
Jeunesse

Hazel la petite sorcière, une année dans la forêt – Camille est tombée par hasard sur ce livre à la bibliothèque, et moi j’en suis tombé amoureux ! Outre qu’il rayonne de choupitude dans ses dessins, il me rappelle follement les aventures de mes chers Ranelot et Buffolet, mais cette fois-ci avec une sorcière solitaire qui traverse 4 saisons et une forêt en vivant de charmantes et petites aventures… Un gros coup de cœur, et une très probable inspiration pour l’un de mes projets de 2026 !
Page de pub

Le Mangeâme – En parlant de projets, je me dépêche de publier ce petit jeu solo avant d’avoir plein d’autres choses à promouvoir ! Il fait partie de ma petite série des « Derniers immortels », ces jeux solos dans lesquels j’explore une façon différente de jouer. Ici, il s’agit de créer des arbres généalogiques, quelque chose que j’ai déjà tenté sous d’autres formes et qu’il me tardait d’essayer à nouveau. Je ne sais pas si ça fonctionne mais au moins ça n’a jamais été fait — ce qui, en passant, pourrait être un slogan pour pas mal de mes créations...
Spectacle

Último Helecho - « Un monde tellurique révélé par la musique et la danse » dit le dossier de presse de Último Helecho, et vraiment je n’ai pas grand-chose de plus à dire : une série de chants et de musique aux confluents du baroque et de l’Amérique du Sud, qui se déplient progressivement, donnent vie à un décor figé et transforment les pierres en lave et les corps en tourbillons, sans aucun répit. Un véritable régal à tous points de vue, mais de la part du duo Nina Laisné / François Chaignaud, c’était à prévoir !
Films

Chicken Run – Ça faisait terriblement longtemps que je n’avais pas vu Poulets en fuite, comme on dit au Québec, mais j’en gardais un très bon souvenir. Et en effet, le film est très efficace : il accumule joyeusement tous les clichés des genres croisés du film d’animation jeunesse et du film d’évasion, mais avec toute la maîtrise de son sujet (et de la pâte à modeler) faisant qu’on ne peut pas lui reprocher grand-chose. Bref, un Mel Gibson mis à part, ça n’a pas pris beaucoup de rides !

Rats! – Je ne sais pas trop par quel bout prendre Rats!, un film qui parle de… euh… on pourrait dire qu’il s’agit de la confrontation entre un ado vaguement délinquant et une flic complètement déjantée, mais ce serait faire semblant que ce film est presque normal et dénué de toute absurdité, alors que c’est à peu près précisément l’inverse. Rats! fonce dans tous les sens sans passer par les portes, enchaîne une scène scato avec de la baston, et des machins surréalistes, et des personnages étranges… Et curieusement, au bout de cette pile de n’importe quoi, il en ressort une fraîcheur et un rythme qui se laisse apprécier jusqu’au bout. Mais bon, j’ai pas compris qui avait l’arme nucléaire, au final...
Jeu vidéo

Egg – Je suis toujours plongé dans Silksong (auquel je joue environ 20 minutes par semaine, donc ça va durer un certain temps), et j’avais un autre jeu de puzzle duquel te parler, mais au final c’est dans ce petit jeu du grand Terry Cavanagh que j’ai perdu quelques heures cette semaine. On y incarne un simple œuf, qui se promène dans un décor digne des plus moches jeux vidéos des années 1990… et ça fonctionne terriblement bien : défis physiques plus ou moins redoutables, chemins cachés, fins alternatives, tout y est, y compris un bruitage à la bouche absolument adorable.
Musique

King Gizzard & the Lizard Wizard, Teenage Gizzard / Willoughby’s Beach EP / 12 Bar Bruise – Depuis le temps que je te parle de KGLW par petits bouts dans cette compote, il était temps d’y consacrer une chronique… Cette semaine j’ai beaucoup écouté leurs derniers concerts, sortes de grandes messes techno-trance qui s’éloignent une fois encore de ce qu’ils ont fait précédemment, et je me suis dit qu’un petit retour aux origines serait intéressant. Car dans ses premières productions, le groupe était plutôt dans un mélange entre surf rock, garage rock et une sorte de blues sursaturé ; dans les 3 cas, ça abuse de la reverb, la batterie a un rythme pas loin du punk et ça verse de temps en temps dans l’expérimental, comme un petit avant-goût de ce qui surviendrait plus tard. Beaucoup de fraîcheur et d’à peu près dans ces premières compositions, donc, et le début d’un long chemin pour moi car je compte bien remonter la piste de la discographie de KGLW… et elle est longue !
L’arrière-queer de Milouch

La fille dans l'écran de Lou lubie et Masnon Desvaux
J'entendais parler de cette BD depuis des années et en mal de romance lesbienne (cf. mes déboires avec Mort d'une librairie) je l'ai enfin lu !
La fille dans l'écran c'est un récit à quatre mains, celles de Lou Lubie et de Manon Desvaux, qui conte la rencontre amoureuse (par email interposé) de deux meufs. L'une vie au Québec, l'autre en France, l'une doit son trait à Lou Lubie l'autre à Manon Desvaux.
Et oh mon dieu, c'est si beau et si fin. Mon cœur s'est serré quand il le devait, mes larmes ont coulé... Mais mes yeux ont aussi vu au-delà de la tendre histoire une superbe créativité graphique.
Dans la mise en page et le trait il y a vraiment quelque chose de fort et d'inventif, d'autant plus dans ce processus de co-création !
Bref, c'est de la bien belle BD et une bien belle histoire, j'adore !
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— À cause de l’ami Nicolas je suis totalement obsédé par le travail de Juliette Green, en particulier ceci que j’achèterais volontiers quelques centaines d’euros si ça existait en version papier.
— Une chouette plongée dans l’univers d’un concepteur de grilles de mots croisés (et sa thèse cheloue).
— Un autre sympathique épisode de podcast, cette fois sur l’omniprésence des flics sympathiques au cinéma.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Andrzej Kucybala et son orchestre.
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