La compote de Côme #250 - du dimanche 9 novembre au dimanche 16
Deux cent cinquante semaines plus tard, je continue de te raconter ma vie (culturelle).
Jeux de rôles

Kassandra King - Un jour, peut-être, je finirai par être convaincu par les jeux de rôle solos : ce ne serait pas un mal, puisque je vais jusqu’à en écrire… Kassandra King passe assez proche de la réussite complète pour moi, en parvenant à émuler assez correctement l’ambiance du film noir et en reprenant le système d’enquête de Brindlewood Bay pour en faire quelque chose qui tient tout seul (ou presque, il s’y ajoute le diable qui passait par là). Il y a toujours ce pis-aller d’écrire ce qu’on joue qui n’est pas loin, alors qu’un dictaphone et un.e secrétaire seraient tout aussi efficaces...

Threadcutters – Je parlais la semaine dernière (ici ou ailleurs, je ne sais plus) de ma lassitude face à la baston en jeu de rôle qui s’immisce même là où on n’en veut pas et fait toujours un peu la même chose tiède (promis, ceci n’est pas une métaphore des LLM). Eh bien Threadcutters est un bon contre-exemple : jeu centré entièrement autour de la baston stratégique, on y joue des assassins qui bondissent d’un monde ésotérique à l’autre et remplissent des contrats, le tout avec une méta-intrigue et des cartes de tarot. C’est, une fois de plus, pas vraiment ma came, mais une belle démonstration de ce qu’on peut faire d’intéressant en la matière.

No Future – Voilà une belle série de coïncidences avec ce dernier jeu d’Adam Vass, qui comme d’habitude se présente avec un style impeccable : il y est question de concert de punk et de boucles temporelles, sujets non seulement chers à mon cœur mais également très proches de mes réflexions créatives du moment. Comme dans tous les jeux de Vass, il y a une immédiateté dans son game design qui donne immédiatement envie de s’emparer du jeu : son side gig en tant que musicien n’y est sans doute pas étranger...

H.A.G.S. – On a ici une sorte de concentré de ce qui se fait sur itch en matière de jeu de rôle indé : un jeu queer, plein de bonnes vibes, qui présente bien sous toutes les coutures mais reste fondamentalement incomplet (sans aucune promesse qu’il soit enrichi un jour). Sa lecture me donne carrément envie de rejoindre ce sabbat de sorcières dont le but est de défendre ses adelphes queer, mais je regrette que la partie dédiée aux aventures que peut vivre ce sabbat soit un peu réduite… Voilà en tout cas, comme d’habitude, qui me donne des paillettes d’énergie dans ce domaine !
Bande dessinée

Parrondo Poche n°1 – Et voilà que Madeleine tire par hasard ce petit bouquin de ma bibliothèque et que, comme toutes les quelques années, je retombe en amour devant l’œuvre de Parrondo : j’aime très sincèrement son dessin naïf et ses histoires d’une douce poésie, qui se présentent en plus ici dans un format à la Pif Poche, un peu comme la bande dessinée d’Élodie Shanta dont je te parlais la semaine dernière… Un vrai plaisir donc de relire les aventures de ces personnages pileux, et de, pour une fois, vraiment faire les petits jeux qui sont proposés une page sur deux, car si on n’abîme pas ses livres pour sa fille, quand le fera-t-on ?
Non-fiction

Histoire d’un ruisseau – À côté de chez ma mère, dans le sud (genre vraiment à 10 minutes de marche) il y a une forêt au milieu de laquelle coule une rivière, dégringolant les dénivelés en cascades. Je n’ai cessé de penser à elle tout au long de ma lecture du texte d’Élisée Reclus, qui parle de l’eau avec une langue liquide, à laquelle j’ai eu du mal à accrocher tout à fait (normal pour de l’eau) mais dont le style poétique m’est resté en tête, et m’a donné envie d’aller me promener dans cette forêt...
Jeunesse

Bergères guerrières, les novices – Tu te souviens peut-être que j’avais lu les tomes de Bergères Guerrières à Madeleine, qui s’était aussitôt réclamée de cet ordre 100 %, tout en regrettant un peu mon choix car les derniers tomes n’étaient vraiment pas pour enfants de son âge. Et voici qu’un album jeunesse, préquelle des quatre autres, débarque ! Cette fois-ci, c’est pile-poil dans le mille : histoire d’amitié et d’aventures, univers passionnant uniquement suggéré et surtout patte graphique incroyable, qui en plus se paye le luxe de changer en cours de route… Vu qu’on l’a lu à peu près 124 fois cette semaine, je pense qu’on peut dire que c’est une réussite.
Série

Only Murders in the Building saison 5 – Cette saison-là d’OMitB, j’y allais en connaissance de cause : encore des histoires de gens riches qui se trouvent un peu de frissons en résolvant des crimes, encore plus cette année qui aurait pu être l’occasion de discourir un peu sur la lutte des classes pour les nuls, mais non. Néanmoins, la série reste agréable à regarder, parce que le trio des protagonistes a une super alchimie : on pourrait d’ailleurs presque les écouter ergoter comme des mamies pendant 20 minutes plutôt que de faire semblant d’enquêter, ça serait presque mieux...
Spectacles

King Kong Théorie – Alors voilà, je n’ai jamais lu le livre de Despentes qui est à présent une référence, mais on ne peut pas tout avoir lu que veux-tu. C’était donc une surprise de découvrir ce texte pour moi sur scène : un texte hautement déclamable, et qui n’a rien perdu de son caractère percutant, par plus d’un aspect. Je lui pardonne ses angles morts, ses aspects datés, pour me concentrer sur ce qui fait encore recette aujourd’hui, sublimé par une mise en scène minimale et efficace, agitée d’un (gentil) esprit punk : le droit d’être une meuf sans s’en excuser, et au contraire s’en énerver.

Les Corps Incorruptibles – Je crois bien que je ne verrai pas de spectacle aussi incroyable que celui-ci en 2025. Et pourtant, un seule en scène qui parle des métiers de la mort, ce n’était pas gagné d’avance… Mais Aurélia Lüscher a une présence magnétique sur scène, et sait habiter son sujet d’anecdotes drôlissimes, le tout avec une mise en scène très maligne, qu’elle fait évoluer au fil du spectacle. Et puis il y a ce coup de poing aux deux tiers, qui fait basculer le spectacle de « vraiment pas mal » à quelque chose d’extraordinaire et poignant que je m’en voudrais de te révéler ici. On en sort avec autant la banane que les larmes aux yeux, et l’envie saugrenue de ne plus avoir trop peur de mourir.
Films

Hilda et le Roi de la montagne – Longtemps après notre visionnage de la saison 2 d’Hilda, Madeleine a enfin tenu cette semaine à savoir ce qui advenait par la suite ; j’avais patiemment attendu, ayant déjà vu toute la saga et me souvenant du film faisant le pont entre les saisons 2 et 3 comme de grande qualité. Mes souvenirs ne m’ont pas trahi : étirer une seule aventure sur un long-métrage est un bon choix, qui laisse la place à l’épique et à l’action, mettant légèrement en retrait les relations d’Hilda avec ses ami.es qui font par ailleurs le sel de la série. Et puis, au revisionnage, difficile de ne pas deviner derrière l’existence des trolls tenus à l’écart de la cité une métaphore plus qu’explicite du racisme et de ce que les anglophones appellent l’otherness, certes peu subtile mais bienvenue pour des enfants...

Acide – Les incursions du cinéma français dans le fantastique d’auteur restent trop rares et c’est bien dommage car quasiment à chaque fois que j’y plonge les yeux, j’en ressors des pépites ; ainsi cet Acide qui commence comme bien des drames familiaux du cinéma français mais mute assez rapidement en autre chose. Aux relations tendues se superpose une histoire de début de fin des temps, bricolée avec quelques effets convaincants et un rythme haletant, et à partir de là le film cavale jusqu’à une conclusion sans concession ni optimisme, qui demande tout de même d’être de bonne humeur pour l’encaisser. Une belle découverte !
Podcast

Le Secret du coffre rouge / Le Mystère Mornefange – J’ai passé une bonne partie de cette semaine (pour ne rien dire des dernières) à avaler les 150 épisodes de cette double fiction radiophonique, dont le premier volet m’avait été recommandé par Milouch comme parfait feuilleton pulp (ça tombait pile pour moi qui suis tout à fait à jour de La Chute de Lapinville et n’ai pas le courage de me lancer dans Signé Furax). C’est effectivement pulp jusqu’à la moelle, avec une quête pseudo-mystique à travers l’Europe (pour Le Secret du coffre rouge) et des histoires de momies maudites (pour Le Mystère Mornefange), bref l’impression d’écouter du Tintin avec qui plus est une grande qualité sonore et d’acteur.ices. Mais du pulp, ce feuilleton en a aussi les défauts : beaucoup, beaucoup d’accents exagérés, dont certains extrêmement gênants, et un sexisme rampant qui gâche pas mal le plaisir. Tout ceci est bien moins présent dans Mornefange, dont la conclusion est par ailleurs (un peu) moins précipitée que dans le premier volet, mais ça vient quand même diminuer une œuvre de grande qualité… qui me donne à la fois envie de me replonger dans mes projets de jeu avec des journalistes, et d’écouter Le Perroquet des Batignolles.
Musique

Klunk, כּK – Quand la Raïa, mon groupe de punk préféré, est mort, je vais pas te mentir j’étais bien tristoune. Et puis voici que débarque dans ma vie et mes oreilles la météorite de Klunk, qui a vécu 12 ans mais n’a sorti qu’un petit album il y a maintenant 8 ans, et a repris ce flambeau d’une façon différente, ici en le mêlant à la musique klezmer, avec en sus quelques accents de metal. Ça donne un son absolument impeccable, qui se lève contre la police sur des airs de violons chanteurs, qui pousse des rabbins à faire du head banger ou qui se lève sur les barricades. J’aurais aimé que Klunk dure encore des années, sorte des dizaines de chansons qui donnent envie de danser que de se battre, mais il n’y eut que cet éclat : tant pis, je m’en sers tout de même encore de temps à autre pour allumer mon feu.
L’arrière-queer de Milouch

Le politique est-il personnel ? de Vanina Mozziconacci, Chandra Talpade Mohanty, Kathleen Martindale, Barbara Omolade & Mimi Orner
C'est la poursuite de mes lectures chez Hystériques et associées avec ce petit livre de théorie sur les rapports entre éducation (ici à la fac et c'est important pour la suite) et féminisme.
Et ça partait super bien avec un article de Vanina Mozziconacci (coordinatrice de l'ouvrage avec l'incroyable Noémie Grunnenwald) où elle démonte (en partie) ce lieu commun : « Le féminisme est avant tout une affaire d'éducation ». Je vous raconte pas tous l'article mais j'ai trouvé ça super. Notamment parce que ça replace le féminisme comme une lutte dans un rapport de classe de genre (olala, du féminisme matérialiste chez Hystérique et associÉes mais je tombe de ma chaise...) et que ça met en avant que la lutte et l'établissement d'un rapport de force sont au moins si ce n'est plus important que l'éducation. Il y a en plus de ça un certain nombre de critiques très intéressantes sur le coté individuel (qui a dit développement personnel ?) que peut prendre le féminisme bourgeois et vraiment c'est trop cool !
Puis vint le deuxième article de Mimi Order et là, je dois avouer que je n'ai rien compris. Parce que c'est bien beau de faire un livre qui questionne féminisme et éducation et qui dit que les féministes doivent saisir les fourches plutôt que les craies (là j'extrapole un peu, le livre dit pas ça) mais si pour comprendre ce livre il faut avoir un méga bagage culturel et savoir ce qu'est la pensée foucaldienne en rapport avec le post-structuralisme ben ce livre malheureusement il ne sortira pas beaucoup de l'université... Bref, très déçue de ce second article !
Le troisième de Chandra Talpade reprend pas mal les idées développées par Mozziconacci avec un axe plus centré sur les questions d'antiracisme et c'est trop bien ! Grosse critique constructive (par une personne concernée) des méthodologies nord-américaines autour des classes sur les questions raciales et les tokens racisés... Bref, très intéressant même si en en sortant j'étais peu sûre de ce qu'il fallait faire concrètement. Ça m'a donné envie de lire d'autres ouvrages de sa part.
Le quatrième article par Kathleen Martindale fait un lien très chouette entre théorie, autobiographie et parcours prolétaire, c'est très cool !
Et le dernier par Barbara Omolade est une synthèse assez rapide mais néanmoins incisive sur la pédagogie féministe noire aux USA. Avec plein de réflexions sur la position enseignant / enseignée...
Dans l'ensemble je suis donc mitigée. Pour moi l'article de Mozziconacci vaut clairement la lecture du bouquin mais il survole nettement les autres en terme de charge politique et de clarté. Un peu déçue aussi que toutes les questions soient aussi centrées sur l'université. Ça donne une bonne cohérence à l'ouvrage mais clairement, ça l'éloigne des préoccupations de pas mal de monde.
Le mass et la plume

J’ai écouté The End de Mammoth. Un album de rock à la croisée du grunge et du métal, où l’on retrouve des influences de Foo Fighters ou de Queens of the Stone Age. Le projet est mené par Wolfgang Van Halen, fils d’Eddie Van Halen, rien que ça. C’est le troisième album du groupe, que je ne connaissais pas avant de tomber dessus par hasard — merci la playlist Rock/Métal d’iTunes !
Et franchement, si vous aimez le rock « à papa », vous tenez là l’un des albums de l’année dans le genre. J’ai particulièrement apprécié la diversité des morceaux : on ne réécoute pas sans cesse le même titre sous un nom différent, il y a une vraie variété de styles et d’ambiances.
Bref, mon album rock du moment, que j’écoute en boucle depuis que je l’ai découvert.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— Oreo.
— Une fascinante compétition dans laquelle des souris robots courent le plus vite possible dans un labyrinthe.
— Un petit podcast d’une heure très intéressant sur le fait de se développer et de partager son art sans être sur les réseaux sociaux (ici ça parle de musique mais ça peut s’appliquer à d’autres trucs).
— Pendant longtemps j’étais persuadé que s’il y avait moins souvent la queue aux toilettes des hommes qu’à celles des femmes, c’est que ces dégueulasses ne se lavaient ni les mains ni la verge, mais ça semble plus complexe (et sexiste) que ça.
— Camille m’envoie ces belles reprises de “Barbie Girl”.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Mark Oliver Everett.