La compote de Côme

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octobre 19, 2025

La compote de Côme #246 - du dimanche 12 octobre au dimanche 19

Vampires, gouines et mélasse.

Jeux de rôles

Smash the Hexarchy – L’idée de base est excellente : imaginer un territoire dans lequel les gens vivent vraiment et littéralement à l’intérieur d’un hexagone, dominés par un pouvoir autoritaire qui décide ce qui figure sur la carte et n’y figure pas, et imaginer que ces gens se rebellent. Hélas, l’exécution de StH pèche un peu, avec des règles pas forcément claires et surtout un déroulé un peu brouillon, qui comme pas mal de jeux sur itch pourrait se résumer par « voilà, maintenant que vous avez saisi cette cool idée bricolez pour que ça fasse de cool parties ».

Mythomorphosis – Voici encore un jeu qui m’a principalement séduit par son identité visuelle impeccable, grâce aux illustrations toujours superbes de momatoes et une façon d’amalgamer des images hétérogènes qui colle bien à son thème : il s’agit en effet ici de suivre les méandres d’un mythe, comment il naît et engendre de multiples variations jusqu’à devenir presque méconnaissable. On peut bien sûr appliquer le principe à des contes réels, même si le jeu propose avant tout d’utiliser ce principe pour explorer les mythes fondateurs d’une société imaginaire...

Les Sylvonautes 5.0 - Ce qui est passionnant avec les jeux de l’ami Thomas, c’est de suivre leur évolution, comme une plante qu’on revisiterait de temps en temps pour admirer ses nouvelles fleurs et combien elle a bien poussé depuis la dernière fois. Ainsi, j’avais quitté Les Sylvonautes quand c’était un petit jeu Belonging Outside Belonging, tenant en une poignée de fiches et dans une belle économie ; c’est à présent une belle somme d’une soixantaine de pages, augmentant sensiblement son contenu sans trahir sa promesse initiale, celle d’un jeu tenant entièrement dans ses fiches et très largement customisable. Eh bien, on dirait que petit à petit cette petite plante devient un arbre… Peut-être, un jour, un livre ?

Elegy – Encore un jeu de vampires ? Encore un jeu solo ? Oui, mais celui-là ne s’intéresse pas vraiment à la mémoire du personnage et au fait qu’il vive des centaines d’années ; non, celui-là se base sur le vénérable jeu de rôle Vampire dans lequel on jouait des super-héros avec du maquillage de gothique. Je peux difficilement résister à cette lettre d’amour envers l’un de mes jeux chouchous de mes débuts en tant que rôliste, surtout quand il reprend intelligemment les mécaniques d’Ironsworn pour faire agir et évoluer son personnage...


Non-fiction

Mémoire de fille – Lire un livre d’Annie Ernaux, c’est souvent se prendre quelques gifles derrière une écriture faussement neutre, mais celle-ci fait peut-être plus mal que d’autres. Arrivée au bout ou presque de sa carrière d’autrice (même si je lui souhaite d’écrire encore moult ouvrages passionnants), Ernaux y revient sur une agression sexuelle traumatique, qui a planté ses griffes en elle pour longtemps, et elle décortique comment ce qui peut paraître d’une cruauté anodine pour un devient souffrance durable pour elle. Nulle leçon universelle à tirer, nulle morale derrière cet ouvrage qui finit par se perdre et se dissoudre dans ses méandres, car la vraie vie n’offre pas de solutions toutes faites.


Films

Jigarthanda Double X – J’ai enfin pris le temps cette semaine de m’attaquer à un des films de Kollywood qui traîne sur mon disque dur, et l’ascension n’a pas été facile, tant les 45 premières minutes partent dans tous les sens, posant les enjeux du reste de l’histoire sans qu’on en comprenne tout à fait les tenants au départ. Mais enfin les choses se mettent en place et l’histoire de ce faux cinéaste infiltrant l’entourage de ce méchant brigand est assez plaisante à suivre, jusqu’à ce que le film bifurque à nouveau et nous embarque dans ce qui a presque les accents du conte tragique, pirouette audacieuse qui à mon sens n’atterrit pas tout à fait. JDX reste, je pense, un bon exemple de compromis entre des choix d’auteurs, voire artistique, et un cinéma plus commercial, et ça me donne envie de fouiller un peu la filmo de son réalisateur !


Rebel Dykes – Scoop : Milouch m’a avoué hier qu’elle s’était endormie devant ce documentaire chroniqué fin août ! Pour remédier à ce scandale, il fallait le revoir en bonne compagnie, ce qui fut fait. Un documentaire punk de plus, donc, par les punks et à propos des punks, ou plutôt de la frange fouteuse de merde des lesbiennes londoniennes des années 1970-80, celles qui s’introduisaient dans des camps militaires, pratiquaient le SM quand ce n’était pas encore à la mode et mille autres choses incroyables. Le film produit une incroyable bouffée de fraîcheur, mais aussi un sourire quand on voit l’intérieur bourgeois de certaines protagonistes âgées aujourd’hui, et puis aussi un serrement de coeur quand on se rend compte que leurs combats sont aujourd’hui plus que jamais au centre de l’actualité...



Jeu vidéo

Supraland – J’ai décidé que la vie était trop courte, et que j’avais trop de choses à découvrir en ce bas monde pour me forcer à aller jusqu’au bout de jeux qui, au bout d’un moment, finissent par me lasser. Dommage car Supraland était bien parti, avec son gameplay faisant penser à du Metroid en plus coloré, et son petit personnage évoluant dans un monde à la Pikmin à la recherche d’améliorations pour aller un peu plus loin… Je me démerdais même pas mal, tombant sur un grand nombre de secrets et me sentant approcher du boss final, lorsque je me suis rendu compte que l’absence totale de carte du monde, alliée à des objectifs pas clairs en cette dernière phase de jeu, me décourageaient d’aller plus loin. Je te souhaite d’avoir plus de courage que moi, car le jeu en vaut la peine, je crois !



Musique

Sleep, “Dopesmoker” – J’aime bien utiliser des métaphores visuelles pour décrire la musique que j’écoute, tu l’auras remarqué. Mais alors comment qualifier cette piste d’une heure, au-delà de l’adjectif sludge qu’on utilise communément pour la qualifier en anglais ? Ça retranscrit assez bien, je trouve, ces vagues sombres qui traversent “Dopesmoker”, comme des nuages zébrant d’éclairs un désert au sable noir, une longue traversée qu’on imagine même interminable, une perlée de variations musicales autour d’une ligne de basse quasi continue, quelques chants gutturaux perçant le tout, bref, une avalanche de mélasse sonore. De quoi passer à travers une semaine épaisse comme de la mélasse.



L’arrière-queer de Milouch

Entre ici et avant, il y a la mer de Nelly Slim 

Hop hop hop, on reppart chez Hystériques et associéEs avec ce premier roman de très haute volée de Nelly Slim. Entre ici et avant, il y a la mer (oh mon dieu ce titre !) c'est un récit d'apprentissage du lesbianisme et de la queerness d'une jeune femme originaire de Tunisie qui vient faire ses études en France. 

C'est un texte brûlant à la croisée des questions queer, coloniales et anti-rascistes. Ce sont malheureusement des histoires que l'on voit trop peu et qui est ici racontée avec beaucoup de sensibilité. S'y croise la découverte de qui on est, la fidélité à la famille et à son histoire et tous les grands et petits tiraillement que cela produit. C'est le premier récit de Nelly Slim et j'espère qu'il y en aura pleins d'autres ! 



Le mass et la plume

J’ai joué à Indika. C’est un jeu vidéo créé par un studio russe, dans lequel on incarne une nonne chargée de remettre une lettre à un prêtre. On entre immédiatement dans un univers weird, à plusieurs niveaux de lecture. Le jeu alterne entre des phases d’exploration et de puzzles (pas très complexes), de courts mini-jeux de type arcade qui retracent le passé d’Indika et expliquent pourquoi elle est devenue nonne, et deux séquences marquantes où il faut résoudre des énigmes dans un double monde : le réel et le diabolique.

Le thème est étonnant et ne ressemble à rien de ce que j’ai pu voir jusque-là. C’est un jeu court — moins d’une dizaine d’heures — mais doté d’un univers étrange, sordide et visuellement soigné. Mention spéciale à la séquence de l’usine de poissons, particulièrement marquante.

J’ai été intrigué tout au long de l’aventure, même si certains passages sont assez durs, notamment dans les thématiques abordées. On sent toutefois un manque de budget, qui donne parfois une impression de jeu inachevé. Je le recommande malgré tout, justement parce qu’il est court.



Et toi


Steve : Salut Côme !

Il y a quelques jours tu dormais chez-moi et tu me surprenais en plein milieu du visionnage d'un polar français d'Alain Corneau, Le Choix des Armes sorti en 1981. Je te racontais le début du film qui menait vers une confrontation entre un Yves Montant en ex-malfrat rangé des affaires devenu éleveur de chevaux avec sa femme, interprétée par Catherine Deneuve, et un jeune évadé de prison incontrôlable et sanguin joué par Guillaume Depardieu. Je concluais par une prédiction assez évidente sur ce qui allait suivre : « Ça tourne mal ». J'avais bien-sûr techniquement raison mais, après avoir pris le temps de finir le film, je dois aussi dire que cela tourne à la fois un peu plus mal que je le pensais mais, aussi, que ça tourne triste. On est pas dans le film de catastrophe criminelle où l'on se réjouit du dysfonctionnement des plans des protagonistes et du chaos ambiant, du « fiasco » pour reprendre le titre d'un célèbre JdR. Ici on s'attache à (presque) tous les personnages et on atteint le générique de fin le coeur serré.



Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?



Par ailleurs :

— Comme l’auteur de cette vidéo, j’adore les héros de bande dessinée qui sont là depuis 100 ans, toujours avec le même humour mou.

— Grâce à l’ami Nicolas, j’ai beaucoup été ému par cette série audio sur le suicide d’un jeune homme ; les raisons qu’on a du mal à trouver, la façon de (sur)vivre ensuite, et comment garder une trace de Grégoire qui ne soit pas emplie de larmes. J’en ai profité pour enchaîner sur cette autre série audio beaucoup plus légère, une vie d’amours et de radio sous forme de messages de répondeurs.

— Si toi aussi ton enfant a commencé te parler des Labubus, un long article explique d’où ils viennent et pourquoi ils sont là pour un moment.


Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Camion Bip Bip.

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