La compote de Côme #245 - du dimanche 5 octobre au dimanche 12
On répare, on se reflète, on est sûr.es de nous.
Jeux de rôles

Mysterious Ways – Je suis sincèrement touché que mon idée de jam à la con continue de produire de belles choses, tel ce jeu a priori écrit par quelqu’un de croyant et qui parle de miracles qui n’en sont pas forcément, ou plutôt d’actes qu’on va tout faire pour faire passer pour des miracles. En cela il s’inscrit dans la grande tradition des jeux de parlotte dans lesquels le but est d’avoir la foi la plus mauvaise possible, ce qui me paraît tout à fait approprié vu le contexte !

Castlevanilla – Je suis comme tout le monde, une esthétique choupignonne et je deviens d’un seul coup moins regardant : par exemple je pourrais dire que Castlevanilla manque un peu de substance pour en faire le jeu de romance dans un manoir gothique qu’il rêve d’être, mais il est tellement joli que, eh bien, je ne vais rien dire du tout et en profiter pour faire briller mes mirettes.

Interwoven – J’ai un peu reculé devant ce jeu dont la métaphore queer ne pourrait être plus claire (ton âme et ton corps sont détachés, comment faire pour qu’ils se réconcilient?) en comprenant qu’il s’agissait du volet pratique d’un travail de recherche ; mais en réalité Interwoven n’a pas grand-chose d’intellectualisant, à part peut-être l’usage d’un jargon un peu inutile. C’est en revanche un storygame intéressant, sorte de version alternative de L’Altération, dans laquelle on explore des souvenirs pêle-mêle en choisissant ceux que l’on va garder. Une belle entrée de l’autrice dans le monde du jeu de rôle, je suis curieux de voir ce qu’elle sortira par la suite !
Bande dessinée

Sunday – Les comparaisons avec un magnum opus de l’ordre de Ulysse de Joyce ou À la recherche du temps perdu de Proust s’imposent à la lecture du dernier livre d’Olivier Schrauwen ; on y retrouve la même volonté d’aller fouiller la psyché d’un individu, même dans ses recoins les moins attirants, et de transformer le quotidien en quelque chose d’épique. La tendance de la bande dessinée contemporaine à explorer le monde intérieur de mecs blancs détestables est assez fatigante, mais la tentative de Schrauwen est sans doute la plus réussie en la matière, avec un long monologue intérieur pendant 400 pages, contrebalancé par moult parallèles graphiques souvent peu subtils. Mais tout ça fonctionne, ou en tout a fonctionné sur moi… Il faut dire que je suis toujours client pour des entreprises tout à fait déraisonnables.
Littérature

Racine(s) & Reflet(s) – Je ne peux dire ici que ce que j’ai déjà dit maintes fois dans la compote : je n’y connais rien en poésie moderne et j’ai toutes les peines du monde à apprécier la prose sonore de Racine(s) & Reflet(s) au-delà de ses effets les plus évidents. Il me reste alors à parler du livre lui-même, petite merveille d’artisanat dégottée aux Intergalactiques il y a quelques mois et dotée d’un procédé aussi gadget qu’indispensable, à savoir un marque-page servant de miroir aux quelques pages et vers imprimés à l’envers. Pourquoi, je n’en sais fichtre rien, mais l’effet est fabuleux...
Non-fiction

Jonas à la flûte – Je pourrais aller chercher plus d’informations sur ce petit texte ramassé au hasard d’un bac de librairie, en disséquer les tenants autobiographiques, fouiller les entretiens éventuels de l’auteur pour mieux saisir ce qu’il ne fait qu’évoquer en ces quelques pages… Mais je crois que cette part de mystère sied bien à cette nouvelle qui parle de musiques étudiées dans les tréfonds de l’enfance, sans qu’on sache vraiment si Pellegrino en tire une nostalgie ou une sorte de traumatisme, et du mystérieux Jonas dont le fantôme ne fait que planer sur le texte sans jamais s’y poser. Du mystère, des musiques entêtantes, un spectre, et pourtant tout cela a les atours de la normalité, ce pourrait être le début d’un long roman : ça demeurera une petite nouvelle, enchâssée dans un fort joli volume.
Série

The Bear saison 4 – Après une 3e saison qui était celle de l’implosion, il était temps que The Bear se calme et cette saison 4, si elle n’est pas sans enjeux dramatiques, est celle de l’apaisement. Petit à petit, les différents personnages de la série font face à leurs failles et s’engagent dans les conversations difficiles et nécessaire – sans qu’il soit une seule fois question de se lancer dans une thérapie, qui serait beaucoup plus efficace, mais bon. La série commence un peu à ployer sous le poids de ses intrigues secondaires, et il va y avoir du boulot l’année prochaine pour amener tout ceci vers une série de conclusions satisfaisantes, mais en attendant c’est un plaisir de revoir d’anciennes têtes et d’observer cette tapisserie de personnages névrosés en quête de rédemptions.
Film

Zero Dark Thirty – J’ai bien du mal à comprendre pourquoi ce film, finalement pas très différent de pas mal de thrillers de ces dernières décennies, a tant rassemblé la critique : parce qu’il se targue de fictionnaliser un pan important de l’histoire du XXIe siècle naissant ? Parce qu’il fait semblant de montrer que c’est si dur de travailler dans les renseignements (tout en semblant légitimer l’usage de la torture) ? Ce qui est certain, c’est que c’était sacrément long (pourtant moins qu’un Boyhood) et ennuyeux, surtout que la fin de l’histoire, on la connaît...
Musique

Angil and the Hiddentracks, NOW – Il y a cet effet magique, avec la musique, qui fait qu’on peut écouter en différé quelque chose qui a été enregistré dans l’instant, capté sur le vif, comme ce fut le cas avec l’avant-dernier album d’Angil and the Hiddentracks, capturé dans les conditions du direct. L’album est sandwiché entre deux chansons qui ne perdent pas de temps à installer leur ambiance de tourbillon et est, sans surprise, bourré de pépites à mes oreilles : des chansons d’amour au hook terriblement entêtant, échappant tout juste au sirupeux, des chansons s’échappant comme des cris du cœur, un hommage à Trish Keenan et un autre à l’art en général, et surtout cette chanson terriblement belle, dont chaque mot me touche au plus profond, un portrait de l’artiste à 32 ans accompagné d’une vidéo si touchante. C’est l’album que l’on fait quand on a encore un peu de répit, un peu de temps à perdre mais juste une poignée, et une sorte de certitude sur notre place dans le grand lac artistique.
L’arrière-queer de Milouch

Woke de Despentes, Preciado, Anne Pauly et Julien Delmaire
Avant toute chose, je tiens à dire que j'aime bien le travail de Despentes, je suis très admirative de King Kong Théorie, je trouve que la plupart de ses romans ont un souffle qu'on ne peut pas lui renier. De même, j'ai des désaccords de fond avec Preciado mais je peux reconnaître la qualité de sa plume.
Ceci étant dit, je trouve que Woke est une pièce vraiment pas terrible (et la politesse me retient de dire plus). Déjà bon, appeler ta pièce Woke, c'est quand même pas l'idée du siècle... Alors oui, ça joue sur la subversion que vous essayez de performer tout au long de la pièce à tel point qu'à des moments ça en devient caricatural : genre quand les personnages disent que « la pièce va être interdites parce que trop subversive ».
Mais bon : on est devant votre pièce, elle tourne depuis 1 an et demi et sauf erreur de ma part, elle n'a pas été interdite donc, le couplet faussement subversif, peut-être qu'on aurait pu l'enlever, non ?
Bon, je m'énerve déjà alors que je vous ai pas parlé du reste, mais j'y viens. Le pire pour moi, c'est le concept de la pièce. Qui, si elle n'avait pas été donnée par ces auteur⋅ices là, se serait tout bonnement faite dégager.
Et oui, parce que Woke nous raconte l'histoire de quatre auteur⋅ices en résidence à Montreuil et qui essayent d'écrire une pièce de théâtre. C'est quel niveau de foutage de gueule ?! Ça pourrait être brillant (et des gens sûrement très brillant ont dû faire de super trucs là-dessus) mais je vous promet que ça ne l'est pas. On suit donc pendant 2h30 les déambulations des quatre personnages dans une vision sur-caricaturée de l'univers culturel français avec parfois (il faut le reconnaître) de bons envois assez touchants et justes sur le féminisme, ou les luttes anti-racistes, mais tout le reste, c'est vraiment plat, pas très inspiré et surtout noyé dans une avalanche appelo qui s'abat en une vague ridicule dans les 10 dernières minutes où la pièce tente de soulever la salle dans une forme d'insurrection.
Et je crois que ça y est, cette pièce combinée à la lecture de Clochec a acté ma rupture avec l'esthétique appeliste (et surtout l'esthétique appeliste appliquée à la théorie queer). Ça me saoule !
Non, les gens ne se soulèvent pas parce qu'une pièce (ou toute autre œuvre culturelle) les enjoint à le faire. Iels se soulèvent quand leurs conditions de vie, l'oppression qu'on leur impose deviennent tellement dures qu'il n'est d'autres choix que celui de l'insurrection, cf. toutes les révolutions merde !
Je suis saoulée de cette lecture déconnectée de la réalité des personnes que cette pièce prétend représenter. Et si je suis aussi énervée c'est aussi que ben, on est du même bord politique, et moi je suis triste quand mon bord politique fait un truc aussi nul.
Après, je nuance quand même mon propos, la pièce a plu à des personnes qui l'ont vue avec moi et c'est toujours mieux que Bigard. Et puis bon, au moins cette pièce à le mérite d'être un peu drôle sans être ni homophobe, ni miso, ni transphobe ni raciste. Mais bon, ça c'est juste le minimum, pas ce qui fait une bonne pièce !
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— À une époque c’était la mode de grimper en haut de bouts de bois (et non, pas juste pour réclamer la garde des gosses).
— Click. (Attention, ça clignote pas mal.)
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie du Incredible Bongo Band.