La compote de Côme #244 - du dimanche 28 septembre au dimanche 5 octobre
Du catch, un buisson et du ukulélé.
Jeux de rôles

Try Not To Wrestle – J’aime bien les jeux qui parlent de frustration, de ne pas arriver à dire ce qu’on voudrait dire, de sortir le mauvais geste au mauvais moment… Tout ça a l’air très sérieux mais le jeu que j’ai publié sur le sujet ne l’est pas et Try Not To Wrestle non plus puisqu’il y est question de catcheurs qui ne peuvent pas s’empêcher d’aider des inconnu.es sur la route du match et de se lancer dans des enquêtes trop grandes pour eux (ou aller bosser au bureau ; ou déclarer leur flamme à leur crush) mais qui ne peuvent pas non plus s’empêcher de taper sur des gens. Le tout est peut-être un poil trop mécanique à mon goût, mais d’un autre côté, avoir une échelle qui mesure ta rage ou ton sens de la retenue, c’est une sacrément bonne idée...

After Words – Bon, clairement, un jeu Belonging Outside Belonging qui traite des hétéronymes (des pseudonymes d’auteur avec une vie propre, pour faire court) partait clairement gagnant pour moi. Ajoute à ça un game design aux petits oignons, des citations de Pessoa et consorts en guise de description de personnages et je suis tout à fait conquis ! L’auteur.ice connaît bien son sujet et ça se sent. Bon, comme tout jeu BoB, ce n’est clairement pas pour les débutant.es (il faut sans doute un peu de bouteille pour arriver à une histoire satisfaisante avec ce qui est fourni ici) mais je suis clairement dans le public cible, alors...
Non-fiction

Rendre le monde indisponible – De façon ironique, ce petit essai d’Hartmut Rosa a attendu longtemps sur ma pile de lecture avant d’être attrapé, détrôné qu’il était par de plus gros et attirants volumes que lui. Il faut dire qu’il y a toujours de quoi être impressionné en se lançant dans la lecture d’un essai philosophique, mais dans le cas présent je n’avais pas de quoi m’en faire : nonobstant quelques tournures alambiquées, tout ceci se comprend très bien et complète ma pensée actuelle sur le monde quotidien et contemporain qui nous entoure (à savoir que – je mets mon chapeau de vieux con précoce – tout va trop vite, on ne prend plus le temps de prendre le temps et on pense que tout devrait nous être dû dans un temps inférieur à 10 secondes). Je m’inclus bien entendu dans mes propres critiques, et je trouve intéressantes les réflexions en miroir de Rosa qui démontre comment, en voulant rendre le monde disponible, on a en réalité éloigné sa disponibilité… Mais pour comprendre ça il te faudra sans doute lire son essai, car je suis bien incapable de te l’expliquer clairement en un seul paragraphe !
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OctoGônes 2025 – Je continue ma tournée* mondiale** du mois d’octobre puisqu’après avoir été hier à Seine de Jeux, je serai le week-end prochain à Lyon pour OctoGônes, qui est un peu le Superbowl du jeu : y a plein de bruit et d’odeurs désagréables, des bails pas ouf sur l’organisation et on rentre à la maison les poches pleines de billet, mais tout ça c’est pour les fans n’est-ce pas. Il y a significativement plus de chance pour que, toi qui me lis, tu y passes une tête, n’hésite donc pas à venir sur le stand du Rayon alternatif me faire coucou ! C’est une occasion en or d’être dépité.e en te rendant compte que je ne sais plus qui tu es alors qu’on s’est parlé la semaine dernière, une offre en or !
* 2 dates en octobre et après c’est fini
** En France et si le train roule bien
Série

The Mighty Boosh saison 1 – C’est rare mais me voilà à abandonner, ou du moins arrêter temporairement, une série qui s’avère moins enthousiasmante que prévue. Je ne m’attendais certes pas à de la comédie absurde du niveau de l’immortel Monty Python’s Flying Circus, mais, alors que The Mighty Boosh est plus récent que MP’sFC, j’ai trouvé ça plus daté, moins efficace niveau rythme, bref globalement plus ennuyeux. Oui, il y a de l’absurde et du rigolo, mais une grosse partie des épisodes pourrait se résumer par « 2 types un peu neuneus et imbus d’eux-mêmes discutent » et ça n’a pas tout à fait suffit à titiller ma curiosité… Je n’exclus pas totalement d’y revenir un jour, mais ça pas être tout de suite du tout !
Films

Boyhood – Ça pourrait être un film prétentieux et chiant : certes, étirer le tournage d’un film sur 12 ans et ainsi bénéficier du vieillissement en temps réel du cast est un tour de force, mais il faut une sacrée narration pour que ça vaille le coup, non ? Eh bien, surprenamment, il n’y a pas vraiment d’intrigue dans Boyhood qui se contente de suivre ses personnages dans leur vie normale, avec un ton presque documentaire, et ce pendant 2h45… Et ça a totalement marché avec moi, sans m’ennuyer une seconde. J’ai adoré la banalité touchante de ces gens, les suivre dans leurs errances, leurs erreurs et leurs réussites, et j’aurais volontiers continué l’expérience encore quelques heures (et quelques années) !

TWST – Things We Said Today – Qu’est-ce que c’est que ce film ? Ce n’est pas un documentaire, puisqu’il s’y ajoute des voix de personnages fictionnels et quelques dessins sur les images d’archive. Ce n’est pas un récit sur les Beatles, puisqu’on les voit si peu et qu’on les quitte bien vite avant leur entrée à Shea Stadium. Alors, est-ce un docu-fiction sur New York ? Ben, on y voit aussi des images des émeutes de Los Angeles en 1995, et la réaction de la communauté afro-américaine… Et puis il y a aussi des extraits poético-littéraires… Bref, c’est un joyeux bazar que ce TWST, mélange de moments de chaos intense et de longs moments lents, un tourbillon unique en son genre qui n’a pas réussi à tout à fait me convaincre, sans pour autant cesser de me fasciner.

Raiponce – Comme tous les vendredis soirs ou presque, c’était cinéclub à la maison et Madeleine avait très envie, cette fois, de regarder Raiponce. Ce n’est clairement pas le meilleur Disney, et je ne suis toujours pas habitué au design des personnages féminins aux yeux qui leur mangent la moitié du visage ; mais c’est aussi que le film utilise trop de clichés narratifs pour que ça passe, avec le duo « jeune fille naïve mais débrouillarde et garçon roublard mais fragile et gentil » qu’on a trop vu pour que ça passe encore. On se console avec une représentation intéressante des relations mère-fille abusive, des personnages d’animaux rigolos (le cheval qui se comporte comme un chien est très réussi) et une chanson dans une taverne vraiment très drôle. Ça ne fait pas un bon film, mais ça évite de trop s’ennuyer en le regardant...
Jeu vidéo

The Rise of the Golden Idol : The Lemurian Phoenix – J’avais besoin de m’éloigner un peu de Silksong cette semaine et de réduire la pile des jeux qui m’attendent patiemment, d’où mon exploration du 2e DLC de Rise of the Golden Idol, le jeu d’enquête où il faut mettre les bons mots dans les bonnes cases. Celui-ci n’atteint pas la complexité du DLC précédent et demeure globalement dans la tonalité à laquelle je suis à présent habitué, avec de nouveaux décors qui ne demandent pas de se rappeler des chapitres précédents, ouf. La difficulté est en revanche bien présente et j’ai plusieurs fois été obligé d’y aller un peu au pif jusqu’à tomber sur la bonne solution, ce qui est un peu décevant… Mais bon, l’un des puzzles requiert le décodage d’un nouveau langage, ce dont je raffole toujours, alors tout est pardonné.
Musique

Sophie Madeleine, The Rhythm You Started – Je crois bien t’avoir déjà parlé de cet album il y a des années, alors que cette compote approchait à peine du numéro 50, tu ne m’en voudras pas si je t’en reparle cette semaine ! Il faut dire que ma grande sympathie pour cet album ne tient pas au nom de famille de sa chanteuse mais à ce combo impossible à résister d’une voix enjôleuse, de rythmes entraînants dès les premières notes et d’un usage immodéré du ukulélé. Ça donne une musique pop absolument impeccable, parfois tristoune, parfois dansant, dans tous les cas assumant tout à fait son côté twee qui fait franchement du bien. Car parfois, on n’a besoin de rien d’autres que des chansons d’amour un peu kitsch mais réalisées avec une précision d’orfèvre… et du ukulélé.
L’arrière-queer de Milouch

Pauline Clochec, Après l'identité
Ça y est, Pauline Clochec débarque en Y pour remettre les pendules à l'heure sur la théorie queer !
Oui dans ma tête, les penseur.euses débarquent en véhicule pour balancer leurs théories avant de repartir en pétaradant. Foucault est sur une grosse moto (genre une Honda), Buttler est à dos de Licorne, Dorothy Alisson a un side-car et évidemment, Marx est en limousine !
Alors que trouve ton dans ce Après l'identité ? Et bien, Clochec y poursuit le travail amorcé dans Trans Matérialiste (rappelez-vous on en avait parlé dans le numéro 150 de la compote! [NdC : archive hélas perdue du temps pré-Buttondown...). Elle développe ainsi autour des questions du genre en tant que classe sociale en mettant ici en avant le concept de transitude et l'idée que la transition est plus un moment, un processus qu'un état. En ce sens, elle continue son fight (fight poli) contre les théoriciens queer, notamment Bourcier et Preciado qui en prennent quand même un peu pour leur grade. Elle invite ainsi à sortir d'une position individuelle sur le genre et l'identité et à embrasser des vues beaucoup plus collectives et de classe.
Je suis globalement en accord avec Clochec, notamment sur ses analyses matérialistes (oh ironie d'écrire ça dans une rubrique qui s'appelle l'arrière-queer mais que voulez vous, j'ai signé un bail de 5 ans sur ce nom).
J'aime bien ce qu'elle dit sur l'idée que la théorie queer a trop souvent tendance à chercher les causes (psychologiques) de la transition plutôt que se concentrer sur les conditions de réalisation de ces transitions. Les penseur.euses queer reprennent en ce sens la continuité des théories médicales les plus fumeuses autour d'une transidentité inscrite dans les gènes.
Cependant, je ne sais pas si j'adhère à tout. Notamment, j'ai du mal à comprendre comment Clochec se situe face aux personnes non binaires. Elle en parle un peu, mais je trouve que l'on passe très très vite sur le sujet et on voit bien que ce n'est pas ce qui l'intéresse. Et c'est bien dommage (j'ai la même critique envers Beaubatie).
Pour conclure, je vous recommande bien sûr la lecture de ce livre. Que vous soyez un.e indécrottable matérialiste qui ne jure que par Marx ou un.e queeriste branché.e qui n'a que Preciado à la bouche. En effet, comme me l'a très justement fais remarquer une amie, il est beau que ces débats théorique puissent avoir lieu. Ça montre la vivacité de notre mouvement (qui en prend quand même pleins la gueule en ce moment) et la pluralité des points de vue qu'on peut avoir sur un phénomène qui est assurément social.
Et pour un cas pratique d'application, rendez-vous à la prochaine arrière-queer ! #teasing #ellefaitdesliens #quaijefaitdemonsamedisoir?
Le mass et la plume

J’ai lu Fragile/s de Nicolas Martin. J’ai découvert ce livre grâce au club de lecture Le Bocal, un Discord de jeu de rôle. C’est exactement ce que j’aime dans ce club : il me fait lire des ouvrages que je n’aurais sans doute jamais ouverts, et dont je n’aurais même pas soupçonné l’existence. Fragile/s en fait partie.
Son auteur, Nicolas Martin, a animé l’émission « La Méthode scientifique » de 2016 à 2022, où la science-fiction occupait une place centrale. On comprend mieux, en lisant ce roman, pourquoi : il puise largement son inspiration dans l’anticipation, la dystopie et la SF — même si ce dernier aspect a parfois divisé certains lecteurs du club.
On suit Typhaine, inscrite dans un programme expérimental visant à mettre au monde un enfant sain, dans une France dystopique dirigée par les « Néopatriotes ». Le point de départ, qui rappelle celui de La Servante écarlate, décrit une société occidentale frappée par l’effondrement de la fertilité et où la plupart des naissances sont touchées par le syndrome de l’X fragile.
Le roman mêle habilement anticipation sociale (la vie sous un régime fasciste, la question des immigrés, l’eugénisme et ses expérimentations), réflexions sur la parentalité et la santé mentale, avant de basculer, dans sa dernière partie, vers une touche de pure science-fiction. J’ai beaucoup aimé son style : un mélange de journal intime et de passages extérieurs (articles, dossiers, actualités) qui enrichissent l’univers. L’écriture est directe, sans fioritures, et rend la lecture fluide et efficace.
Comme souvent dans l’anticipation, le roman parle finalement plus de nous que d’un futur hypothétique : le rôle imposé aux femmes dans les fantasmes des fascistes, la manière dont les immigrés — pourtant essentiels dans un pays en crise démographique — sont perçus, ou encore les dérives autoritaires d’un État. Quant à la fin, surprenante pour certains, elle ne m’a pas dérangé, même si elle évoque les twists des téléfilms du samedi soir de M6 à la fin du XXe siècle.
C’est sans aucun doute le meilleur livre que j’ai lu au club cette saison. Je ne peux que le conseiller, même si je préviens : c’est une lecture très dure. Un chapitre en particulier, consacré à une amie de Typhaine, est véritablement insoutenable.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— L’histoire du mystérieux inconnu qui s’est incrusté dans un mariage au Royaume-Uni.
— En juin prochain, j’ai très envie d’aller voir les 24 heures du Myon…
— …ou alors les championnats du monde de conducteurs de tram en septembre.
— J’ai passé beaucoup trop de temps à jouer avec ce modulateur virtuel de Sleng Teng Riddim.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Poppy No Good.