La compote de Côme

S'abonner
Archives
septembre 14, 2025

La compote de Côme #241 - du dimanche 7 septembre au dimanche 14

Des chevaliers, des poules avec des dents et des personnages détestables.

Jeux de rôles

The Molly House – Je devrais froncer très fort des sourcils face à ce jeu qui a été créé en partie avec des IA génératives ; mais je devrais aussi être content qu’un jeu résolument queer ne se cache pas d’avoir un message politique ; ah, que faire… Peut-être, tout simplement, relever que The Molly House fait davantage d’efforts que 90 % des jeux solos qui passent sous mes yeux, avec beaucoup de conseils et de guidage pour incarner un molly, c’est-à-dire un prostitué du 18e siècle britannique. Le jeu est pauvre en mécaniques, mais s’avère, juste à la lecture, riche en sentiments, et ce malgré son malencontreux usage technique.

Those Little Towns – Au moment où j’écrivais Two Summers, la version en anglais de Deux Étés, j’avais eu recours à Those Little Towns : un petit supplément écrit par l’ami Gulix qui proposait une poignée de tables aléatoires pour créer sa petite ville américaine et la nommer. Au fil des années, le projet a pris du bide, et il est finalement sorti dans sa version finale la semaine dernière : le matos fourni force le respect, quand je vois le mal que j’ai pour remplir une seule table aléatoire… Il y a là de quoi détailler une petite ville des USA dans les moindres détails, et boudiou que ça me donne envie de replonger dans Delta Green ou autre jeu du genre rien que pour m’en servir !

A Season Chang’d – Décidément, la fièvre des jeux médiévaux ne se calme pas… Celui-ci est plutôt chiche en contenu mais propose un système de bingo très malin, à la fois côté joueurs et côté MJ : une grille que l’on remplit de moments que l’on souhaite croiser dans l’aventure, qui vont nous rapporter des bonus (ou, plus prosaïquement, indiquer la fin du jeu) si on les aligne en rangée ou diagonale. De toute façon, je suis convaincu qu’il faut davantage croiser bingo et jeu de rôle...

The West Dennison Township Book Club (and Amateur Detective Agency) - Oui oui, on sait, il existe déjà un jeu d’enquête avec des mamies membres d’un club de lecture… Mais là où TWDTBC(aADA) se démarque de Brindlewood Bay, c’est d’une part avec sa présentation fort efficace en poster, et surtout par cette idée d’un jeu qui s’acolle à un réel club de lecture et qui utilise le livre lu actuellement par ses membres comme support de système et d’intrigue. Le résultat, c’est sans doute des parties un peu bancales, mais je préfère largement ça à du réchauffé !

Bande dessinée

Here – Après avoir vu l’adaptation en film de cette BD de Richard McGuire (voir plus bas), je voulais relire l’original : il n’a rien perdu de sa puissance expérimentale, chacune de ses doubles pages figurant le même coin de maison dispersé dans le temps. Je n’aime rien tant que lorsqu’un média exploite à fond ses capacités et c’est le cas ici, avec une œuvre qui n’aurait pu exister sous aucune autre forme : une vertigineuse enfilade de petits moments, reliés plus thématiquement que narrativement, dans laquelle on pourrait se perdre en boucle des heures durant. Une façon de dire qu’en un endroit donné, à la fois tout et rien est possible...

Non-fiction

L'Internet des enfants, une histoire secrète de l'internet qui éduque, amuse et exploite la jeunesse – J’étais très intrigué par ce bouquin prêté par l’amie Lisa, et pas seulement à cause de sa très belle couverture et maquette : je fais partie de la génération pour qui internet est arrivé à l’adolescence et a (tout) changé au fil des années. Je me suis donc beaucoup retrouvé dans le Far West croqué par les premiers chapitres du livre, qui rappellent qu’on y croisait d’autres types d’horreurs et de problèmes que maintenant, mais qu’elles étaient déjà là, en parallèle d’une certaine liberté qui, elle, n’a cessé de s’amenuiser. Rahmil démontre bien comment l’arrivée de la vidéo et du capitalisme dans l’internet a gâché à peu près tout, et brosse un portrait glaçant de ce qui attend la jeunesse aujourd’hui, me faisant, il faut bien le dire, assez peur pour ma fille qui a aujourd’hui 6 ans. Tous ces constats, le livre les pose bien, mais cela manque un peu de solutions ; je comprends bien que ce n’est là ni le métier ni la tâche de l’auteur, mais on repose du coup son travail en pensant qu’il n’a été fait qu’à moitié.

Jeunesse

Quand les poules auront des dents – Quelle chance qu’un enfant inconnu ait mis entre mes mains ce livre à la bibliothèque, car il combine bien des choses que j’adore : ça commence comme une critique du capitalisme très peu voilée (il y a même une métaphore pas si discrète des camps de la mort nazis, chapeau pour l’audace!) mais ça tourne très vite à quelque chose de plus absurde et méta, sans perdre de son message d’origine. Bon, la pirouette à la Monty Python pour conclure l’album sent un peu le manque d’inspiration pour une fin en bonne et due forme, mais je suis totalement client donc ça ne m’a pas vraiment gêné !

Page de pub

SEXE/VIOLENCE/CACA 3 : RÉBELLION SUR LA PLANÈTE ÉTRON – Autant ne plus le cacher, ce jeu est une méta-blague, un délire que j’ai poussé beaucoup trop loin : celui de voir si je pouvais écrire le pire jeu possible en termes de mauvais goût, tout en le gardant jouable et dans le respect des personnes qui y jouent. Je ne suis pas celui qui peut dire si c’est réussi, mais en tout cas, c’est là… Et si j’obtiens assez d’argent en février 2026, je l’imprime sur du papier toilette, histoire d’assumer ma bêtise jusqu’au bout.

Séries

The Boys saison 4 – À ce stade, il n’y a plus trop de surprises dans The Boys : la plupart des super-héros et héroïnes continuent leur processus de fascisation ou de réponse/défense contre cette fascisation ; tout y est dégueu et toute excuse est bonne pour caler quelques scènes délirantes ; globalement, le monde va vers sa perte à cause d’un tyran mégalomaniaque et inarrêtable. Ce qui est intéressant c’est bien entendu comment tout cela se combine, et de ce point de vue cette saison 4 est un peu décevante, se contentant de faire avancer par à-coups ses diverses intrigues et de mettre les choses en place pour une 5e et dernière saison qui s’annonce explosive. Un heel turn malvenu (mais attendu) mis à part, je suis curieux de voir ce que ça va donner...

Ballroom, danser pour exister - Tout comme Drag Race France m’a fait découvrir le monde du drag (dans sa version bling) je découvre un peu plus avec ce documentaire le monde du ball (dans sa version bling) ; pas n’importe lequel puisque c’est celui qui s’est montré aux Jeux Olympiques de 2024, mais c’est tout de même un aperçu de cet univers si vibrant dans lequel tout un pan du monde queer prend sa revanche. On y suit quelques personnages, bien sûr, histoire d’avoir un peu de narratif, mais ç’aurait aussi bien pu être 26 minutes de défilé à chaque épisode que j’aurais été tout aussi content. Surtout que je n’ai toujours pas compris comment ne pas se péter la jambe avec ce fameux truc de se projeter en arrière par terre...

Films

Here – Comment est-ce possible d’émuler une bande dessinée expérimentale en film ? Eh bien, Robert Zemeckis essaye un peu, avec quelques scènes tirées de l’œuvre originale et un système de cadres plutôt convaincant, qui… Ah pardon, on me signale qu’il gâche immédiatement ces effets avec des personnages en carton-pâte, une intrigue sans intérêt, des effets spéciaux générés par IA et destinés tout droit à la poubelle de l’imagination et des clichés en veux-tu en voilà dans les dialogues. La plus grosse erreur, à mon sens, est de chercher à plaquer un fil narratif principal à une œuvre qui n’en a pas : ça ne marche tout simplement pas, et toutes les vignettes isolées du film fonctionnent beaucoup mieux que cette histoire d’amour et de mémoire ensevelie sous des kilos de sucre.

La Belle et la Bête – Film culte de l’enfance de Camille, nous avons enfin montré le conte de fées de Cocteau à Madeleine cette semaine, non sans appréhension des cauchemars à venir ; mais non, elle a plutôt été fascinée par ces images de magie « pour de vrai » (car avec des acteurs), et un peu confuse il faut le dire quant à l’intrigue qui n’est pas des plus clairs (surtout dans sa conclusion à tiroirs qui mélange tout, y compris la crédibilité). Je me suis laissé prendre moi aussi à vouloir déambuler dans le palais merveilleux de la Bête, où les objets chuchotent, les mains sans corps se tendent et les visages nous suivent des yeux avec bienveillance et solennité. L’occasion aussi pour moi de me rappeler de ce podcast de Delphine Saltel qui rappelait que le conte originel de La Belle et la Bête est plus complexe qu’il n’y paraît et peut tout à fait être lu comme une leçon sur le consentement...

Jeu vidéo

DROD: Journey to Rooted Hold – J’avais envie de retrouver le DROD de mes souvenirs, celui qui mêle ses meilleurs puzzles à une intrigue surprenamment dense, et on commence à toucher cela du doigt avec ce 2e opus qui amène pas mal de nouveau du côté des mécaniques (avec hélas beaucoup de redites pour mieux faire comprendre lesdites mécaniques) et un début d’intrigue clairement réfléchi de longue date puisqu’elle courra sur les 2 épisodes suivants. Le level design est également mieux réfléchi avec des allers-retours dans et entre les niveaux, des puzzles qu’on traverse plusieurs fois avant de pouvoir tout à fait les résoudre, et une chasse aux secrets tout aussi plaisante que dans mon souvenir.

Podcast

La Chute de Lapinville, chapitres 1 et 2 – C’est par le lobbying de l’ami Jan que j’ai fini par jeter une oreille à ce feuilleton podcastique, mais aussi parce que j’étais intrigué par son défi d’en publier un épisode de 5 minutes par jour depuis des années. Ça s’écoute très bien en binge hearing, et si j’avais un peu peur dans les premiers épisodes (marteler que le protagoniste est un pervers narcissique, alors qu’il n’a qu’un caractère détestable, est un gros faux pas pour moi), ça s’améliore nettement au bout de quelques épisodes ; les personnages principaux restent globalement des têtes à claques et l’aspect satirique est parfois un peu trop facile, mais le côté feuilletonesque marche à plein et j’ai très envie de savoir comment Lapin va provoquer la fin du monde… J’imagine que j’aurai la réponse dans 500 épisodes ?

Musique

Anne Sylvestre, Dans la vie en vrai – J’avais envie d’écouter de vieux vinyles de chanteuses françaises cette semaine et c’est celui-ci que j’ai ressorti ; à cause de « La Vaisselle », bien sûr, chanson avec laquelle Madeleine a découvert le plaisir de dire des gros mots, mais aussi et peut-être surtout pour la tristesse avec le sourire qui se dégage de chansons comme « Dans la vie en vrai » ou « Coïncidences », qui montre aussi le grand talent de Sylvestre pour tisser des histoires en quelques vers et se confronter aux sujets dérangeants (ici les maladies causées par la pollution, ce qui est un peu mou écrit comme ça, mais pas quand elle le chante). Anne Sylvestre, dans chacun de ses disques, a le don des mélodies finement tissées, de la poésie qui serre le cœur, elle qui chante tout ce qu’elle a envie de dire, et je me ravis d’avoir encore bien des pépites à découvrir dans sa discographie.

L’arrière-queer de Milouch

Blackouts - Justin Torres 

C'est l'amie Eugénie qui m'avais recommandé Blackouts avec quelques mots clefs qui savent me convaincre du genre : hobos, queer et archives ! 

Mais si   j'avais une bonne mémoire , je me serais souvenue que le taulier en avait déjà parlé  il y a quelques mois [NdC : c’est vrai].

Et oh mon dieu quel banger ! 

Franchement je ne sais pas si quelque chose parviendra à surpasser ce monument cette année !!

C'est le récit d'une relation entre un jeune homme gay et un beaucoup plus âgé   et mourant

C'est le récit d'un livre, Sex Variant, de son autrice dans les années 30 et de la spoliation de son travail

Travail  basé entre autre sur l’œuvre de l'institut des sciences sexuel de Berlin qui subira la destruction par les Nazis

C'est un entrelacement de la réalité et de la fiction  entre l'archive et l'intime. Une ode à la tendresse mâtinée de violence 

C'est des liens qui m'ont fait péter le cerveau et  crier de les découvrir

C'est des relations avec d'autres chroniques de l'arrière-queer entre la violence de la route et les ascendances incongrues

C'est un absolu et un indispensable 

J'espère mettre la main sur des choses dont il parle et pouvoir vous en parler

Le mass et la plume

J’ai lu L’Enfant rivière d’Isabelle Amonou. Toujours en tant que juré pour Folio, j’ai découvert ce livre d’une auteure qui, d’après la petite bio en début d’ouvrage, écrit habituellement des polars. Sur certains chapitres, on sent d’ailleurs cette patte, mais ici nous ne sommes pas du tout dans le polar. Le roman a été écrit après un séjour à Gatineau, ville québécoise faisant face à Ottawa, la capitale administrative du Canada.

Dans un Canada d’anticipation en plein effondrement, on suit la vie de Zoé et Thomas, deux êtres qui se sont aimés mais que la disparition de leur enfant a séparés. C’est un récit intense, tendu comme le personnage de Zoé, et très dur. J’ai particulièrement aimé la manière dont l’effondrement du monde devient partie intégrante de la vie intime de ces deux personnages marqués par la tragédie.

De nombreux sujets difficiles sont abordés — l’inceste, le traitement des enfants autochtones par les Québécois, la façon de réagir face à l’effondrement — mais toujours intégrés à l’histoire, sans gratuité. Le roman est d’autant plus marquant qu’il résonne avec notre actualité : l’auteure imagine les États-Unis effondrés, et les Canadiens confrontés à des vagues migratoires venues du Sud, avec toutes les problématiques que l’on connaît déjà aujourd’hui.

C’est un livre qui m’a marqué, et que j’ai trouvé pour l’instant le plus intéressant des quatre lus dans la sélection. Je recommande vivement. Note : 9/10.

Et toi,

qu’as-tu compoté cette semaine ?

Par ailleurs :

— Je ne t’avais pas partagé un long article en anglais d’Ed Zitron sur l’IA générative, pourquoi c’est nul (comme tu le sais) et pourquoi il n’y en a plus que pour quelques années, maximum, avant que ça se casse la gueule (comme tu ne le sais peut-être pas)… mais ça tombe bien, le voici traduit et résumé en français  !

— Et sinon, en anglais, un article sur ces petites mains dont on broie le cerveau à travailler à la place des IA génératives.

— Emmerdez-vous plus, et plus vite que ça (le ton est sentencieux mais le fond est intéressant).

Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Jim Noir.

Ne manquez pas la suite. Abonnez-vous à La compote de Côme:
Lancez la conversation :
Cet e-mail vous est présenté par Buttondown, la façon la plus simple de démarrer et développer votre newsletter.