La compote de Côme

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août 24, 2025

La compote de Côme #238 - du dimanche 17 août au dimanche 24

Des lézards, des oies et des gros robots.

Jeux de rôles

Panic in the Cockpit – Cette semaine j’ai changé d’ordinateur, quittant la grande famille des Mac pour la première fois depuis des dizaines d’années. Du coup je dois tout réapprendre, ça me prend du temps, et je me sens un peu comme dans ce jeu qui emprunte largement à Keep Talking and Nobody Explodes et autres jeux où les informations sont dissymétriques, ici dans le cadre du pilotage d’un gros robot. Ça pourrait être déjà très rigolo d’appuyer sur plein de boutons sans trop savoir ce que ça fait (un peu comme quand je cherche certains caractères spéciaux sur mon nouveau clavier) mais le jeu n’oublie pas que, quand on pilote un gros robot, c’est généralement qu’on a une mission à remplir, et tu te doutes que celle-ci va être catastrophique. Comme quand je cherche à faire tourner Aff… OK j’arrête les comparaisons.


The City We Knew – Ça ne te surprendra pas d’apprendre que j’aime les jeux avec des villes, et j’aime les jeux où l’on raconte des histoires… The City We Knew, malgré un graphisme inexistant, combine agréablement ces deux aspects puisque l’on va, à tour de rôle, y raconter des histoires sur ce que l’on sait de la Cité, qui ne correspond jamais tout à fait à la réalité. L’accumulation de récits va aboutir à un portrait kaléidoscopique, jamais tout à fait exact, de la Cité, et n’est-ce pas au fond la façon dont toutes les villes du monde se composent une identité ?


Cuck Tent Game – Imagine, tu es coincé.e dans une tente avec un vampire et un loup-garou, pendant plusieurs heures… Il va falloir tenir, et surtout faire des mini-jeux dans une ambiance à la Firebrands, ce qui permet une fois de plus d’aboutir à un jeu dont le concept est stupidement absurde mais qui prend très au sérieux son game design et aboutit à quelque chose de finalement très tendre et intime, où l’on va se dire des secrets et partager nos émotions, qu’elles soient douces ou violentes. Une belle découverte !


Ms. Goode’s School (for Bad Witches) – La poésie, pour moi, c’est assez mystérieux, surtout dans sa forme anglophone où c’est le rythme qui compte plutôt que le nombre de syllabes comme dans les pays civilisés (je plaisante, c’est bien plus classe comme ça!). Ça ne m’étonne donc pas trop que quelqu’un imagine un jeu de magie qui utilise la poésie, tant les deux sont liés… Avec une louche de tarot par-dessus et un système de progression narrative léger mais efficace, Ms. Goode… est venu à l’improviste dans ma liste de lecture et je ne le regrette pas !


Bande dessinée

Spent – Spent c’est une bande dessinée d’Alison Bechdel sur la place de l’argent dans sa vie et dans la société… Non attends, c’est un ouvrage sur le fait de vieillir et se sentir dépassée par les événements… Enfin c’est plutôt un roman graphique qui est une sorte de suite des Gouines à suivre… Mais c’est aussi un commentaire méta sur la célébrité de Bechdel et comment elle lui colonise l’esprit et l’empêche de travailler… Oui mais c’est surtout une histoire sur le polyamour… Bref, Spent ne rentre dans aucune case, ce qui pourrait être une force mais donne au final une œuvre un peu fouillis, qui finit par ne rien raconter de passionnant mais à laquelle on pardonne parce que ses personnages sont attachants. Ce qui n’est pas si mal, mais de la part de Bechdel, je m’attendais à un peu mieux...



Littérature

Les Guerrillères – Ma lecture des Guerrillères fut une expérience étrange puisque j’ai commencé par en entendre beaucoup de bien de la part de Milouch, puis j’ai abordé le bouquin par une sorte de lecture en chœur qui confinait au jeu de rôle, à moins que ce ne soit l’inverse. Au final, c’était une façon pas plus absurde qu’une autre d’aborder un roman qui ne cesse de tourner autour de son centre sans jamais s’y poser, qui revient encore et encore sur des descriptions d’une société féminine fantasmée, engagée dans une guerre aux contours flous, sans jamais vraiment proposer de narratif. Ça m’a fait penser à certains récits de Volodine mais avec une poésie plus douce, qui ne perd néanmoins pas de sa colère ni de son mystère. C’est le genre de livres que je pourrais ouvrir cinquante fois encore et toujours y trouver de nouvelles choses, hypnotisé que j’ai été dans mes lectures précédentes, y tirant des impressions plutôt que des souvenirs de formules choc… Il faut dire qu’on ne fera pas mieux de celles qui sont sur la couverture.


Jeunesse

Une folle journée à la fête foraine - Ça pourrait être un album des plus mignons : une bande de copines passe une journée à la fête foraine, y croise des choses étranges, joue à disparaître pour se faire peur… Sauf que ce n’est pas un jeu et que les personnages disparaissent vraiment, une par une, ne laissant que de vagues traces dans le décor. Et à la fin, il n’en reste qu’une, qui semble ne se souvenir de rien… Ça pose son atmosphère dérangeante, ça n’explique rien, et je crois bien avoir lu sa première histoire d’horreur à ma fille sans vraiment le vouloir.

Série

Interior Chinatown saison 1 – Il y a beaucoup, beaucoup trop de séries policières, alors tant qu’à en faire une de plus, autant qu’elle s’écarte des standards ; autant qu’elle parle principalement de Chinatown et de gentrification, de difficulté à s’intégrer ; autant qu’elle devienne de plus en plus méta à mesure que les personnages changent de masques et cherchent à s’échapper de leurs conditions ; autant faire en sorte que l’étiquette de « série policière » ne soit au final qu’une excuse pour produire une série pas si étrange que ça (ou alors je vois trop de trucs étranges) mais carrément rafraîchissante !


Film

Wild at Heart – L’affiche révèle bien ce que le titre français du film, Sailor & Lula, cache mal : il y a un grand déséquilibre dans ce film qui se présente comme « une histoire d’amour en enfer » (ce sont les mots de Lynch) mais qui va plutôt caser Nicolas Cage dans ce qui s’approche le plus d’une comédie lynchienne, plutôt basse de plafond, et Laura Dern dans un film de torture porn de plus en plus insoutenable. Entre les deux, il y a une galerie de personnages repoussants, une histoire de gang et de vengeance, mais on s’en fiche un peu, tout comme de la happy end, tant rien ne compte tant que d’alterner les répliques du personnage pataud de Cage avec une humiliation supplémentaire pour celui de Dern. Tu auras deviné que seule une de ces deux ambiances m’a réjoui.


Jeu de société

Reverso – Ça faisait longtemps que je voulais m’essayer aux puzzles de la gamme Smartgames mais je les avais toujours trouvés un peu chers, et doutais de ma patience à aller jusqu’au bout de la chose… Voici que je tombe sur ce Reverso qui outre son petit prix s’affiche comme un fidget puzzle, c’est-à-dire un machin que l’on tripote jusqu’à arriver à la solution presque par hasard plutôt que par jus de cerveau concentré. Et ma foi, ça marche très bien, avec une vingtaine de combinaisons possibles à la base et des petits défis disponibles sur Internet qui viennent relancer la machine une fois arrivé au bout. Bref, voilà à la fois une nouvelle façon de m’occuper les doigts quand mon cerveau est concentré sur une autre chose, et une nouvelle chose à faire pour procrastiner au lieu de bosser, je gagne donc sur les 2 tableaux !


Musique

Mes Aïeux, À l’Aube du printemps – Je te l’avoue, parfois je ne sais pas forcément ce dont je vais te parler au bas de cette compote et je fais souvent mon choix au dernier moment du vendredi. Comme j’ai un nouvel ordinateur, j’ai dû remettre à zéro mes compteurs de lecture sur l’ensemble de mon immense discothèque (oui, je suis ce genre de personnes), alors je me suis dit que je pouvais bien laisser le hasard choisir de quoi j’allais parler pour une fois… Alors je vais t’éviter l’album d’inédits de Buck 65 (tu en as assez soupé) et plutôt te parler de cet album sélectionné au presque-hasard. J’ai une grande tendresse pour Mes Aïeux, un groupe de folk-funk québecois qui n’a pas vraiment percé autant que Les Cowboys Fringants chez nous malgré, à mon sens, un plus grand niveau mélodique et des textes souvent plus engagés… Cet album-là est leur dernier, qui s’ouvre sur une piste tout à fait typique pour le groupe, bourrée d’allusions à une sorte de connexion avec la nature ancienne du Canada vue comme un idéal, avec un tempo globalement tranquilou, ce qui change pour un groupe plutôt swinguant jusqu’ici. Oui, il y a quelque chose d’un peu conservateur, utopiste à l’ancienne, chez ce groupe qui conspue la modernité et admire les oies sauvages, mais aussi quelque chose de séduisant dans ce folk à l’ancienne qui reprend le concept de la ritournelle, de la chanson en spirale qui a bien conscience de sa légère démagogie. Il y a toujours des sortes de contes chantés mais l’humour des disques précédents est largement absent ; comme s’il y avait une lassitude, ou une urgence. Peut-être qu’au fond, il y avait juste le temps de chanter une dernière chanson en chœur avant de se dire au revoir ; et c’était toujours ça de pris, un bel adieu en douceur.


L’arrière-queer de Milouch

Rebel Dykes 

En ce moment, je suis dans ma vibe archives ; ce qui induit pas mal d'émotions, de chouettes découvertes mais aussi des moments beaucoup plus hasardeux du genre : rentrer dans une librairie en demandant : « Est ce que vous auriez des autobiographies lesbiennes des années 60 ? » et évidemment, être un peu déçue de la réponse. 

Bref, tout ça pour dire que quand on m'a recommandé Rebel Dykes, un docu sur le mouvement lesbien anglais dans les années 80, j'ai foncé comme une petite moto ! Oui, je suis une pocketbike voir même une pocketdyke (clairement mon apex en terme de jeux de mots) ! Et je ne peux que vous inviter à faire de même ! C'est un docu cash et sans beaucoup de concession sur les grandes dynamique du mouvement lesbien de ces années. 

On y retrouve donc : 

L'occupation autour du camp militaire de Greenham (clairement le Larzac en mieux) 
La création des premières soirées BDSM lesbiennes en Angleterre et le backlash bien vénère du mouvement lesbien (clairement nos dramas par stories interposées n'ont rien inventé...) 

Et plein de témoignages de meufs de cette période, des séquences animées pour recréer des archives... Il en ressort à la fois l'incroyable liberté que pouvait avoir ce mouvement, mais aussi et déjà les grandes fractures avec un féminisme beaucoup plus Bon Teint Bourgeois (BTB) qui régissait ce qu'il est acceptable ou non d'avoir en terme de lesbianisme (toute ressemblance avec les mouvements LGB without the T est bien entendue non fortuite).

Bref, c'est une bonne tranche d'histoire lesbienne et je ne peux que vous inviter à vous asseoir à coté du gâteau (ou sur le gâteau, au point de punkitude où on en est). 



Le mass et la plume

J’ai vu M le Maudit de Fritz Lang.
Dans les prochains mois, je vais essayer de voir — ou de revoir — des films dits « cultes ». J’ai donc commencé avec ce film des années 30, sorti en 1931, dans une Allemagne traversée par des tensions internes qui mèneront le pays là où l’on sait.

C’est l’histoire d’un sociopathe qui s’en prend à des enfants, provoquant une véritable psychose dans la ville. Dans un mouvement paradoxal, aussi bien la police que les malfrats vont chercher à identifier le coupable. Une fois trouvé, le film déploie toute l’ambiguïté de la justice : est-on responsable si l’on n’a pas conscience de ses actes ? Et n’est-on pas soi-même un monstre lorsqu’on se place au même niveau que l’assassin ?

Formellement, le film repose sur de nombreux plans fixes, mais Fritz Lang parvient à instaurer une angoisse palpable, tout en variant les émotions. Il sait aussi montrer le ridicule de certaines situations (par exemple, lorsque un des chefs de la pègre (tueur lui aussi) devient à son tour le procureur de l'assassin des jeunes filles).

J’avais vu plusieurs extraits, mais jamais le film dans son intégralité. Et j’ai trouvé cela passionnant : le réalisateur réussit à saisir les contradictions profondes de l’âme humaine, accentuées par les conditions extérieures. Le jeu de l’acteur incarnant l’assassin est remarquable, et la mise en scène d’une grande maîtrise.

Je comprends parfaitement pourquoi ce film est devenu culte. C’est une œuvre à voir.


Et toi,

qu’as-tu compoté cette semaine ?


Par ailleurs :

— Heureusement qu’il y a des sites comme celui de la Neckbeard Society pour préserver la mode d’antan.

— Dan a lu beaucoup de livres, assez pour en faire une sacrée compote.

— Lizard.

­— Je me sens totalement nul avec mon adresse mail d’une banalité affligeante.


Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Dear Pola.

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