La compote de Côme

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juillet 13, 2025

La compote de Côme #232 - du dimanche 6 juillet au dimanche 13

Des lettres, des mutilations et des joints.

Jeux de rôles

Out For Delivery - Mon problème, avec pas mal de jeux solos, c’est que j’ai souvent l’impression qu’ils ne fournissent que la moitié d’un jeu, et je pense que cette impression vient du fait que la mécanique principale de la plupart d’entre eux se résume à « tire des trucs au hasard et écris le journal de ton personnage à leur propos ». Ça me paraît un peu court et paresseux, et Out For Delivery ne déroge pas à la règle… Ce qui est bien dommage, car un jeu où l’on incarne un facteur sur une petite île aurait pu offrir bien plus : des intrigues concernant les personnages secondaires, des moyens d’enrichir la cartographie de l’île, un système pour améliorer le bureau de poste, que sais-je… Tout ça sonne un peu jeu vidéoesque, ce qui n’est pas étonnant vu que le jeu va clairement chasser sur les terres d’Animal Crossing… Avec le même graphisme mignon, mais avec un contenu et une boucle de jeu beaucoup moins riche.

Club Guro - Club Guro est un autre jeu de rôle à l’inspiration vidéoludique ; on pourrait même dire que c’est une adaptation quasi-directe de Doki Doki Literature Club, dont je te parlais ici. On y retrouve le même décalage entre le kawaii et l’horrible, les mêmes aspects méta de narration en boucle qui m’ont plu dans le jeu vidéo et qui me semblent plutôt bien transposés ici. J’ai bien tiqué sur quelques aspects mécaniques pas très clair mais comme ce n’est clairement pas là-dessus que l’intérêt du jeu repose, ce n’est pas très grave !

You Will Die in this Place - Je vous jure que je n’ai pas fait exprès de ne lire que des jeux de rôle inspirés par d’autres trucs cette semaine, ainsi va la vie. En tout cas, il est évident dès les premières pages qu’on est encore devant le jeu de quelqu’un qui ne s’est toujours pas remis de House of Leaves : je le dis avec tendresse, tant ce bouquin a aussi été important dans ma vie, mais bon ça fait 25 ans quoi. Surtout qu’appliquer son principe de narration multi-couches et non fiable, et (par petites touches) ses mises en page typographiquement inventives, à ce qui se résume fondamentalement à un mégadonjon sauce OSR, je ne suis pas sûr d’être entièrement convaincu… Il y a certes un discours méta là-dessous (sans surprise), quelque chose d’un peu plus touchant et intéressant, mais dissimulé derrière tant de verbiage et de choses peu intéressantes ludiquement parlant pour moi (à part ce truc que j’adore d’employer une mécanique très différente pour chaque type de personnage) que ça n’a pas réussi à m’atteindre.

We Eat Roses to Grow Thorns - Bon, ce jeu qui parle de relations toxiques et de personn(ag)es couverts de blessures à peine refermées n’est pas vraiment quelque chose auquel j’ai envie de jouer… En revanche, en tant que document de jeu, c’est un petit bijou : à part une page d’introduction, l’intégralité de l’univers de jeu, de ses intentions, du déroulé d’une partie est contenu dans les fiches (de personnages et de décor, comme dans tous les jeux Belonging Outside Belonging, duquel il fait partie). Ça demande une lecture attentive, et je suis admiratif de la façon dont l’auteur est parvenu à faire s’entrechoquer entre eux tous les éléments !


Littérature

Sourcery - Il n’y a pas grand chose de thématiquement neuf dans ce 4e roman du Disque-monde : on y suit beaucoup Rincevent, on y parle beaucoup de magie, et tout menace de se casser la gueule mais en fait non. En soi, ce n’est pas très grave, la prose de Pratchett étant toujours aussi affûtée et la lecture toujours aussi plaisante ; je préfère, en un sens, que l’univers du Disque-monde s’étoffe peu à peu et garde sa propre cohérence interne avant de faire de grands parallèles avec les idéologies et technologies de notre monde, comme ce sera de plus en plus le cas à l’avenir, dans mon souvenir…


Jeunesse

Crasse-Tignasse - Camille a ramené à la maison l’autre jour ce petit volume d’un auteur allemand du 19e siècle, recueil d’histoires courtes à portée éducative et illustrées un brin maladroitement, comme ça se faisait pas mal à l’époque. Sauf que le livre est étonnamment cru et direct dans ce qu’il raconte, avec des enfants qui meurent ou finissent mutilés parce qu’ils n’écoutent pas leurs parents, et même une histoire qui ferait presque figure de pamphlet anti-raciste, une surprise pour l’époque ! Et maintenant j’espère bien que Madeleine va manger ses brocolis, sinon je les lui enfonce dans les yeux.

Séries

The Devil’s Plan saison 2 - Je me suis souvenu, en regardant cette deuxième saison du jeu télévisé sud-coréen vaguement inspiré par Squid Game (personne ne meurt, on ne fait que des jeux de société) que j’avais il y a plusieurs années regardé une série sud-coréenne dont chaque épisode durait 90 MINUTES (et il y en avait VINGT) : c’était sympa, mais un peu longuet tout de même. L’impression m’est revenue car la saison 2 de The Devil’s Plan traîne quand même pas mal en longueur, avec des explications de règles qui couvrent les moindres points hypothétiques, des parties elles-mêmes très longues avec parfois peu de rebondissements, et des longueurs aussi dans les tractations entre les joueurs… Bref, c’était long. Ce n’était pas non plus inintéressant même si globalement plus tourné vers la trahison et la formation de camps entre les candidats que dans la saison 1, et moins de rebondissements de dernière minute parce que tout le monde savait qu’il y aurait encore une pièce secrète. J’espère que la saison 3, s’il y en a une, saura atteindre un meilleur équilibre !

Silo saison 2 - J’avais comparé la saison 1 de Silo à une série d’enquête, à ceci près qu’elle se déroulerait dans un décor dystopique : ce n’est plus vraiment le cas dans cette 2e saison qui se coupe en deux, avec d’un côté un huis clos entre deux personnages, tous deux fascinants mais à l’intrigue qui traîne en longueur pour que ça dure toute la saison, et de l’autre côté des tractations politiques et une révolution qui bout lentement, ce que j’ai trouvé plus intéressant même si également plus prévisible. Après avoir un peu traîné la patte, la saison se termine de façon doublement explosive tout en fournissant un certain nombre de réponses au spectateur, et j’ai à présent très hâte de savoir où tout cela va mener car je pense que ce sera vers des endroits inhabituels !


Jeu vidéo

LOK Digital - Je n’ai pas pu attendre la réception de mon nouvel exemplaire papier de LOK pour y rejouer (j’avais offert le précédent), préférant cette semaine me jeter dans sa version numérique, notamment pour y observer si l’expérience de ce petit jeu de puzzle consistant à beaucoup noircir de cases était similaire. J’y ai retrouvé presque tous les puzzles du bouquin, dont j’avais oublié pas mal de solutions : c’était autant un plaisir qu’une frustration que de m’y coltiner à nouveau. Mais surtout, j’ai pu découvrir plein de nouveaux niveaux (environ 2 fois ce qu’il y a dans le bouquin, sans parler de tous les niveaux bonus !) qui ont mis mes méninges à rude épreuve et exploitent à fond le fait de faire tout cela sur un écran et non avec un crayon. Bon, à la fin j’ai regardé plusieurs fois des soluces, car je ne suis toujours pas quelqu’un de patient, mais c’était très chouette de retrouver ces petites créatures !

Musique

Mr. Bungle, California - Avec Mr. Bungle, l’un des multiples groupes de Mike Patton, on ne savait jamais trop à quoi s’attendre, sinon qu’on serait surpris et que ça taperait dur. C’est peut-être pour ça que California, le troisième et dernier (?) album du groupe - qui leur a valu une fâcherie ridicule avec les Red Hot Chili Peppers - s’ouvre avec “Sweet Charity” sur quelque chose de plutôt tranquille, avec quelques mesures plus sombres et des changements de rythme, annonçant globalement un disque estival, plein de lumière et de vagues tranquilles. Cette impression s’efface dès la 2e piste avec laquelle on retrouve l’ambiance de swing inquiétante des albums précédents, et cette alternance va habiter tout l’album. Il y aura ainsi des balades déchirantes et des valses hésitantes (avec du gros son), des chansons qui ressemblent un peu à du surf rock des années 60 (avec des grosses guitares) et même des chansons qui parviennent à muter d’un style musical à l’autre sans perdre de leur unité (avec de la grosse percu). C’est en soi un bon résumé de ce qu’était Mr. Bungle : quelque chose qui tirait vers le métal mais avec une volonté toujours présente d’expérimenter, de sauter d’une case à l’autre, tout en gardant son identité et en gardant toujours une part d’ombre au coin du soleil.


L’arrière-queer de Milouch

Chlorine de Jade Song

C'est l'été, il fait chaud et pour la première fois depuis 5 ans, nous avions décidé de tester la piscine juste en face de chez nous. C'était donc le moment idéal pour lire et vous parler de Chlorine de Jade Song.
Et bien je n'ai pas été déçue du voyage!
Je vais essayer de pas vous spoiler trop le truc mais le spoil risque de m'échapper.

Alors, Chlorine, c'est l'histoire d'une jeune nageuse qui se consacre corps et âme à son envie de nage jusqu'à souhaiter devenir une sirène. 
C'est un roman d'apprentissage, de body horror et évidemment, un roman qui parle de piscine. C'est trash, très trash mais dans ce style un peu chirurgical et précis qui m'a rappelé Yoko Ogawa. Il y a ce côté : « Je vous découpe le cœur mais chaque lamelle sera posé soigneusement à côté ». En plus de ça, il y a évidemment une histoire lesbienne de haute volée (on apprécie) et l'ensemble du bouquin peut clairement être lu comme une métaphore d'une transition (promis, c'est pas moi qui pose ma lecture, je l'ai lu dans d'autres reviews). C'est beau et violent, avec un réalisme très froid mais qui frappe très juste. Sur la fin, j'ai été obligé de fermer le livre quelques heures parce que ça tapait trop fort dans des endroits pas vraiment cicatrisés donc faites quand même attention à vous si vous y plongez. Plongeon qui clairement pour moi vaut la peine.
Et évidemment, big up infini à Anouck Faure pour la couv de l'édition française chez Argyll ! C'est juste magnifique !

Et toi,

qu’as-tu compoté cette semaine ?


Par ailleurs :

— L’ami Steve me fait découvrir “Clues by Sam”, un petit jeu de déduction quotidien qui va me permettre de repousser encore davantage le moment de la journée auquel je me mets au boulot.
— William Shakespeare était probablement un fumeur de joints.
— Au Moyen-Âge, on se trucidait quand même pas mal en Angleterre.
— Ça n’intéressera sans doute que les pires aficionados de Wes Anderson mais j’ai trouvé cette rétrospective par le réalisateur lui-même fort intéressante ! Je ne sais pas à quel point c’est de la fausse modestie de sa part de se présenter comme un amateur qui a eu de la chance, mais il m’apparaît plus sympathique que pas mal des réalisateurs stars d’aujourd’hui.
— Je découvre ce site absolument incroyable, dans lequel on peut se perdre des heures à regarder les occurrences de tel ou tel détail dans les œuvres d’art de la Renaissance. Le même site permet d’ailleurs de générer des tableaux, ou presque.
— Une histoire passionnante des boîtes de nonnes (oui, le présentateur fait la même blague que celle que tu as en tête dans l’intro du podcast).
— Il y a un siècle, c’était bien vu d’être gros (quand on était un bourgeois).

Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de James Elkington & Nathan Salsburg.

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