La compote de Côme

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juillet 6, 2025

La compote de Côme #231 - du dimanche 29 juin au dimanche 6 juillet

Miami, l'Alsace et le Ritz.

Jeux de rôles

Make it Snow (and by ‘it’ I mean this zine) - Bon, encore une entrée dans cette rubrique qui n’est pas vraiment du jeu de rôle… Mais je ne pouvais pas ne pas parler de ce mini-zine poétique, qui évoque les souvenirs d’un lieu d’autrefois, y compris quand ils sont douloureux, en proposant d’accompagner sa lecture d’une destruction progressive du matériau. L’idée est superbe, la réalisation aussi, rien à redire.

Knock! #5 - Il y a quelque chose d’absolument fascinant pour moi dans l’OSR et les kilotonnes de contenu qui sont disponibles pour « faire du donj’ à l’ancienne mais en fait pas du tout » : entre les bestiaires, les scénarios, les conseils et les analyses, on pourrait ne lire que ça toute la journée. La 5e livraison de Knock!, qui se présente comme un bric-à-brac contenant toutes les choses précitées, participe à ma fascination : je n’ai probablement besoin de rien de ce qui s’y trouve, je ne trouve pas la plupart des contenus très intéressants, malgré toute leur qualité… Je m’interroge surtout sur cette prévalence de la fantasy sous toutes ses formes sur absolument tous les autres types de jeux de rôle. Je ne dis pas qu’il faudrait passer à autre chose (même si, tu t’en doutes, je le pense) mais je me demande tout de même pourquoi les autres genres ou univers de jeux ne recueillent pas autant d’enthousiasme…

Prey No More - J’ai déjà parlé dans cette compote, il y a fort longtemps, de ma relation complexe avec Hotline Miami : j’adore le jeu, son style et les sensations qu’il procure, mais je suis toujours un peu ambivalent avec les représentations d’ultra-violence comme quelque chose de cool. Arrive Prey No More, qui reprend les grandes lignes de l’esthétique de HM en renversant le cadre : on n’est plus un loser qui s’abîme dans des missions pour un mystérieux commanditaire mais le même genre de loser qui a échappé aux griffes de riches sadiques et revient pour se venger. Ça change tout et ça fait de PNM un jeu plutôt attirant, qui me donne très envie d’opérer le même renversement de cadre pour mon fameux jeu VIOLENCE/SEXE/CACA… Mais je t’en reparlerai un autre jour !

Campfire Stories - Il y a quelque chose d’immédiatement séduisant avec les jeux de rôle qui proposent de se raconter des histoires, et en un sens c’est assez logique, puisqu’une partie de jeu de rôle peut se résumer à une histoire contée de façon improvisée. Alors bon, quand tu rajoutes en plus un Sasquatch et les preuves qu’il laisse derrière lui, difficile de résister ! Oui, il y a quelque chose d’un brin amateur dans Campfire Stories mais le jeu reste sacrément bien pensé, avec une mécanique d’enquête qui m’a un peu rappelé le jeu de société Cryptide…

Bande dessinée

Sacrées sorcières - Ma lecture récente de Toutes les époques sont dégueulasses m’a donné envie de découvrir cette adaptation en bande dessinée de Sacrées sorcières, que j’avais manqué à sa sortie pour n’être pas (encore) le bon public : entre-temps, j’ai lu le roman Sacrées sorcières à ma fille, qui a adoré, et j’ai découvert l’antisémitisme patent de Dahl… L’adaptation que fait Bagieu du roman est très réussie graphiquement, se payant quelques audaces oubapiennes, mais elle est également très fine, minimisant autant que possible les défauts du récit initial et mettant en lumière ses qualités, tels les multiples non dits qui émaillent l’intrigue et son rapport sans fard à la violence et la mort. Résultat, ma fille a encore plus adoré que le roman et passe désormais ses journées à me réclamer une relecture, ou à tourner seule les pages du gros volume dès qu’elle le peut !

Non-fiction

Ferrette et ses environs - J’ai déniché il y a quelques temps ce guide de voyage des années 50, présentant une ville d’Alsace inconnue de moi, à tel point qu’il était tentant de le lire comme une fiction, surtout à l’aune de mon Guide de Mande-la-Forêt… Ce que j’ai donc fait, me plongeant avec bonheur dans le style suranné du texte et très marqué idéologiquement (à la droite du catholicisme, tu t’en doutes). Évidemment, comme texte de fiction ça ne vaut au final pas grand chose puisqu’il n’y a pas d’intrigue à proprement parler et que les personnages y sont rares (à l’exception d’une figure de poète local et de Napoléon qui passait par là). Néanmoins, il y a tentation de voir dans ce petit objet un terreau fertile, même si je ne sais pas encore pour y faire pousser quoi…

Jeunesse

Une histoire d’amour - J’aime bien les livres de Gilles Bachelet, XOX et OXO étant un autre favori de ce foyer. Avec Une histoire d’amour, l’astuce est différente : si l’on ne lisait que le texte, cela pourrait passer pour un récit tout à fait banal, avec d’ailleurs sa dose de clichés sexistes, racontant une histoire d’amour de son début à sa fin… Sauf que tous les personnages sont des gants de ménage, sans que cela soit relevé ni expliqué d’une quelconque manière. Ça rend l’ensemble vraiment drôle à décortiquer et permet une toute autre lecture…

Séries

Doctor Who 2023 saison 2 - J’ai depuis longtemps accepté Doctor Who comme une série camp, dans laquelle il ne fallait pas trop réfléchir aux intrigues soigneusement maquillées pour sembler complexes, ni à la logique des personnages ; il suffisait de s’attacher à la performance des acteurs (Ncuti Gatwa y est, cette année et comme toujours, absolument radioactif de charisme) et se laisser porter. Mais même avec ces attentes assez basses, cette saison fut compliquée à avaler : d’abord parce qu’elle repose énormément sur le retour de tout un tas d’entités et d’intrigues secondaires des années précédentes, comme si la série était incapable d’amener de nouvelles idées… Ensuite parce que son arc narratif n’a tout simplement aucun sens et s’écrabouille comme un gâteau fondu en fin de saison. Ce n’est donc pas si étonnant que, à l’heure où j’écris ces lignes, il n’y a aucune garantie que la série vénérable revienne l’année prochaine : ses défauts ont peut-être fini par supplanter ses qualités.

Squid Game saison 3 - Je me doutais bien que j’allais être déçu par la fin de Squid Game, car aucune critique molle du capitalisme ne peut tout à fait être efficace en étant diffusée par la plus grosse plate-forme de streaming du monde (I’m a Virgo de Boots Riley étant peut-être l’exception confirmant la règle). Pourtant, cette saison 2 et demi (elle continue directement l’intrigue de la précédente) a de nombreuses qualités, surtout quand elle se concentre sur ce que la série fait de mieux, c’est-à-dire la mise en scène de jeux cruels dans lesquels les relations humaines sont poussées à leur point le plus cruel. Mais hélas, un rebondissement dans les premiers épisodes laisse sa trace totalement invraisemblable jusqu’à la fin de la série, et comme si ça ne suffisait pas, les sous-intrigues inutiles se révèlent… inutiles, jusqu’au bout. Le message idéologique de la série se dissout dès lors dans ses ratages narratifs, et je ressors de tout cela avec de bons souvenirs trop épars pour prétendre que c’était une saison intéressante.

Hilda saison 2 - Les intérêts de ma fille sont revenus vers Hilda ces derniers temps et lors de nos sessions vidéo, on a enfin fini la saison 2 de la série à travers laquelle nous avions lentement navigué ces derniers mois. Avec un visionnage aussi étalé dans le temps, je serai bien en peine de pointer vers un détail narratif ou un autre, même si je note le grand développement des ami.es d’Hilda par rapport à la bande dessinée, un ajout vraiment bienvenu, et l’intention de la série de continuer d’adhérer à une forme de fantastique qui change vraiment de ce qu’on peut voir ailleurs (même si il y a un ordre de sorcières, ce que je pardonne parce qu’elles sont trop cool). De toute façon, rien de tout ça n’a énormément d’importance, puisque pour ma fille je sais que ce qui est chouette à propos d’Hilda c’est que c’est une petite fille qui vit plein d’aventures extraordinaires dans la nature, allant même jusqu’à désobéir à sa mère pour ça, même si elles se réconcilient ensuite ! Et même en étant au courant du twist final de la saison (on avait déjà lu la BD dont l’intrigue est tirée), j’ai eu beaucoup de plaisir à la voir se tortiller sur le canapé, en attente de la suite…

The Rehearsal saison 2 - J’avais adoré la perplexité dans laquelle m’avait plongé la première saison de The Rehearsal : est-ce que c’était un documentaire ? De la fiction ? De la comédie ? Du cringe à l’état pur ? Cette 2e saison, tournée vers le monde de l’aviation et les problèmes de communication entre pilotes, continue de répondre « oui » à toutes ces questions, avec toujours des mises en abîme vertigineuses et la capacité de Nathan Fielder à se présenter à la fois comme un maestro de la mise en scène (au sens premier du terme) et quelqu’un de tout à fait aveugle aux sentiments humains. Et c’est justement là où je trouve cette saison supérieure à la première : au fil des épisodes s’y développe une certaine empathie pour ses personnages, une attention aux émotions qui rend toute cette folie acceptable et même touchante. Bien entendu, tout cela n’est peut-être qu’une vaste fumisterie, et cela fait partie du principe même de la série…

Jeu de société

Abdec - Ça faisait plus d’un an que ce jeu du mirifique Blaž Urban Gracar, créateur entre autres de All Is Bomb et de LOK dont j’ai déjà chanté les louanges ici, prenait la poussière sur mon bureau. Il faut dire que ce petit livret, qui ne paye pas de mine, est redoutable, puisqu’il s’agit d’un jeu de puzzle dans lequel aucune règle ou presque n’est expliquée. Alors au début, ça va, on arrive à déduire assez facilement ce qu’on doit faire et comment… Et puis les choses se complexifient, on en vient à douter de nos assertions premières, et assez rapidement on se retrouve face à un mur. Qu’on escalade, pour se trouver face à un autre mur… Bref, Abdec est difficile, mais l’ascension vaut vraiment le coup et quand je l’ai reprise (avec une aide non négligeable, surtout sur les derniers puzzles) j’ai adoré ce que j’ai découvert. Surtout que, comme on peut s’en douter au vu des indices semés le long du bouquin, les puzzles optionnels et cachés abondent et amènent à des révélations vraiment incroyables, qui viennent hisser le jeu dans mon top 5 des pépites du genre. À ne pas manquer, donc, mais il faut avoir les neurones en forme…


Musique

Queen, Jazz - Je ne sais pas vraiment pourquoi Jazz est un de mes albums préférés de Queen (« un des » car « le préféré » est trop difficile à définir) : à cause de sa pochette étrange ? De son titre qui n’a absolument aucun lien avec le son déployé par le groupe ? Il y a quelque chose de tout à fait décalé qui m’attire : c’est le côté camp et too much de Queen, qui se déploie ici tout au long de la face A, avec un titre d’ouverture d’une puissance vocale incroyable mais empilant les paroles qui ne veulent pas dire grand chose, une ode aux filles à gros cul ou aux gens qui préfèrent faire du vélo que de se brancher sur le dernier truc pop à la mode — une énergie qu’on retrouve en fin d’album avec “Don’t Stop Me Now”, une chanson qui devient mille fois meilleure avec le bon danseur. Sur le reste de Jazz demeure un certain décalage, avec des pistes comme “Let Me Entertain You” ou “Fun It” qui sonnent un peu menaçantes… Mais au fond, Jazz est un album assez prototypique de Queen, avec ses balades pleines de chœurs et ses chansons heavy metal ; et un final avec un montage sonore jamais égalé, à part par Cornelius ou par Velma au début de Ludwig. Du rigolo, du romantique, du gros son et de l’expérimentation à la frange de la frange : du Queen tout craché, quoi.


L’arrière-queer de Milouch

Affiche ton ex

Je poursuis mes écoutes de fictions France Culture avec le terrifiant Affiche ton ex. Une fiction où l'on suit le récit de plusieurs meufs au prise avec des comptes Fisha. Vous connaissiez les comptes Fisha ? Moi je ne connaissais pas donc je vais vous résumer la dégueulasserie du procédé. Ce sont des comptes où des mecs viennent poster des nudes que des meufs (souvent leur ex) leur ont envoyés. C'est dégueulasse, c'est clairement de la vengeance immonde et ça a des conséquences. Et on parle pas d'un petit phénomène. À l'heure actuelle, c'est plus de 1200 comptes qui ont été fermés et le plus gros canal Telegram de diffusion comptait 233 000 membres ! 233 000 ! C'est genre la population d'une ville comme Lille... 
C'est horrible et c'est cette horreur que j'ai ressentie à l'écoute de la fiction Affiche ton ex. C'est une histoire assez simple dans ce qu'elle dit mais c'est un podcast fort et qui m'a mis les larmes aux yeux tout au long de son écoute. On y voit la détresse des jeunes femmes (souvent juste des lycéennes), le patriarcat destructeur à l’œuvre et des tentatives de sororité qui lui font face. Je crois qu'un des trucs qui m'a le plus marquée à l'écoute de la fiction, c'est cette question lancinante qui revient à chaque épisode : « Pourquoi les mecs font ça ? » Alors bien sûr, j'ai des éléments de réponse mais quand on est face à ces agissements, c'est bien la question qui se pose et la sidération qu'elle induit qui nous glace. 

Et toi

Cédric : Le Barman du Ritz
Philippe Collin est apparu un jour dans nos vies. Ma femme est rentrée du travail en me disant « Faut que je te parle d'un podcast que je viens d'écouter sur les femmes résistantes » et je lui ai répondu « Ah ben moi aussi, je viens d'écouter une nouvelle série sur Pétain, tu devrais aimer ». On s'est alors rendu compte qu'on venait tous les deux de découvrir Philippe Collin (qui était avant cela notre manière à nous de franciser Phil Collins, car on sait rire dans cette maison). Et hasard du calendrier, quelques jours plus tard, je me suis retrouvé en dédicaces au salon du livre de Québec en même temps que lui. J'ai découvert un homme très sympathique et je suis revenu avec ce livre dédicacé.

C'est une fiction historique qui raconte la vie pourtant réelle de Franck Meier, qui était barman au Ritz, pendant l'Occupation. C'est déjà en soit une prémisse très intéressante, mais on découvre très rapidement que Meier est juif, ce qui va rendre sa position encore plus risquée. Alors, évidemment, l'Occupation n'a pas la même lourdeur quand elle prend place dans un hôtel de luxe qui sert de repère alcoolisé aux gradés allemands et au gratin parisien. Mais le Ritz devient un lieu de connivence et de magouilles, on va regarder la direction de l'hôtel ménager la chèvre et le chou, les habitués docilement courber l'échine devant les occupants, le petit personnel tout faire pour s'en sortir... Et comme Meier a une réputation établie (il était auparavant barman à New York et a écrit un livre faisant référence dans le milieu), il a un certain espace pour manoeuvrer maladroitement dans ce microcosme mondain.

C'est un roman qui parle de compromission et de résistance. Tout y est évidemment en dégradés de gris (à part quelques vrais salopards), ce n'est pas du tout un récit sur l’héroïsme. Son seul défaut, c'est qu'il est parfois un peu scolaire tant on sent que l'auteur veut communiquer des éléments historiques, mais c'est vraiment pour dire de pinailler. C'est une lecture qui ne fait pas toujours du bien au moral, mais qui narre un aspect atypique de la guerre sans le rendre glamour. Vous croiserez même plusieurs artistes français dans ses
pages et vous direz « Ah tiens, je savais pas qu'il/elle avait agi de la sorte… » Et tandis que le fond de l'air s'extrême-droitise de jour en jour, on se surprend à retrouver dans ce roman des thématiques d'actualité qu'on pensait naïvement n'appartenir qu'au passé...


Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?


Par ailleurs :

— “Your Woman”, le single de White Town, a une histoire vraiment passionnante que je ne soupçonnais pas, depuis son auteur à son sujet en passant par sa composition…
— D’ailleurs, si tu aimes bien l’histoire de la musique, voici sept heures de femmes faisant de la musique électronique entre 1938 et 2014.
— À croire que tout magasin a commencé par être un Pizza Hut.
— Si t’avais besoin de dessiner des trucs dans l’Autriche de la Renaissance, il y avait déjà des portfolios bien plus intéressants que nos recherches Internet d’aujourd’hui.
— J’aimerais en savoir beaucoup plus sur le Fuck Tree (merci Tony Papin !).
— Tony Papin me fait également découvrir ce formidable podcast réalisé au sein d’un hôpital psychiatrique, par les patient.es alleux-mêmes.

Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Yaima.

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