La compote de Côme #230 - du dimanche 22 juin au dimanche 29
Des cardinaux, des cristaux et des lettres.
Jeux de rôles

Godslayer - La blague du jeu, révélée dans sa note d’intention, est qu’il est une copie quasi conforme du Uno, sauf que là on essaye de détruire un dieu ancien, vengeur et omniscient… Ben moi j’y vois pas une blague mais une façon très élégante de se réapproprier un jeu de société ultra-connu en y injectant des mécaniques rôlistes et changeant tout à fait son atmosphère d’habitude colorée ! Non vraiment, j’y vois plutôt du très bon game design qu’une blague.

Catty Cardinals - Ultime entrée dans la Pope Gam Jam que j’avais lancée comme une blague il y a quelques temps et qui a finalement donné de fort bons jeux, cette contribution nous met dans la peau de cardinaux conservateurs tout à fait pas contents du nouveau pape progressiste, une situation totalement fictionnelle donc. Ce qui fait son sel, c’est que les cardinaux ne peuvent bien sûr pas faire explicitement part de leur désarroi, ce serait inconvenant et risquerait l’ire de la Suspicion, rôle tenu par un autre joueur. Bref, Catty Cardinals est un jeu où il faut sous-entendre ce qu’on ne peut dire, ce qui résume je crois 90% des interactions sociales humaines ?

Witness the Fallen - Attention, là on plonge dans le jeu de rôle expérimental réservé aux expert.es, ou en tout cas aux personnes amatrices de choses vraiment en dehors des clous ! Car je ne sais pas à quel point on peut qualifier ce jeu, qui se propose de désosser un poème pour faire l’éloge d’un personnage décédé avant de recomposer d’autres poèmes avec les mots piqués jusqu’ici, comme jeu de rôle à proprement parler (en opposition à une sorte d’exercice d’écriture sur lequel on a déposé une légère couche de fiction). Peu importe au final car l’idée est vraiment belle, et me confirme que je ne suis pas le seul à chercher depuis un certain temps les passerelles possibles entre jeu et poésie…
Bandes dessinées

Donjon Parade tomes 11 et 12 - C’est ainsi des Donjon avec des dessinateurs invités, certains collent mieux que d’autres… Ainsi, je serais en peine de t’expliquer pourquoi mais autant j’ai trouvé le tome 11 de Donjon Parade très chouette, non seulement parce que le dessin exagéré de Soulcié colle bien à l’ambiance, mais aussi parce que cette idée de gourou à protéger est assez rigolote, autant le tome 12 m’a semblé un brin en dessous niveau graphique, alors que le récit tient ses promesses dans le n’importe quoi qui devient de plus en plus n’importe quoi. En tout cas, j’ai relevé dans les deux tomes de légères erreurs de dessin (un œil qui manque ici, une foule trop clairsemée là) qui me fait me dire que publier 6 albums en un an, c’était peut-être un poil trop ambitieux pour l’équipe !
Littérature

The Eyes of the Dragon - J’ignorais jusqu’à l’existence de ce roman de Stephen King avant d’en commencer la lecture, et pourtant il n’a rien de mineur ; mais le fait qu’il s’agisse d’un conte de fantasy, pour un auteur surtout connu pour ses histoires d’horreur contemporaine, explique peut-être cela. Quoiqu’il en soit, The Eyes of the Dragon a été un très bon passe-temps, avec ses chapitres très courts et sa prose presque conversationnelle qui évoque efficacement le conteur auprès du feu. L’histoire n’est pas en elle-même des plus originales (il y a quelques rebondissements dans l’histoire de ce jeune prince injustement accusé du meurtre de son père, mais aucun n’est véritablement surprenant) mais on se laisse prendre agréablement par le récit, surtout avec la présence d’un des grands méchants récurrents de King qui fait toujours plaisir.
Page de pub

La Magicienne aux 1000 cristaux - Oui oui, promis je vais me calmer sur les sorties mais j’ai profité de mes premiers congés estivaux pour enfin mettre au propre et en page un jeu solo qui traînait sur mon disque dur depuis des mois. J’en suis plutôt content, notamment parce que je ne connais pas beaucoup de jeux de rôles qui utilisent les mécaniques du Sudoku dans leur système de jeu, et aussi parce que j’ai trouvé une jolie police pour le titre. Je ne sais pas quand je continuerai cette petite série de jeux solos aux mécaniques inhabituelles, mais ce ne sont pas les idées qui manquent…
Séries

Yellowjackets saison 3 - On a traîné pendant des mois pour voir les premiers épisodes de cette 3e saison, que j’ai finalement continuée seul, et ce n’est pas totalement surprenant : quand la série avait commencé, on avait un peu de mystère et beaucoup de récit de survie à la dure, et puis on s’est graduellement enfoncé vers le mysticisme et les moments un peu (parfois beaucoup) irréalistes. La saison 3 de Yellowjackets poursuit cette tendance vers un ton plutôt camp et des épisodes qui privilégient l’avancée de l’intrigue à la logique, et ma foi, au moins on ne peut pas reprocher à la série de traîner ses pieds tant il se passe de choses tout au long de la saison. Je suis un peu plus dubitatif du projet de continuer encore 2 saisons au lieu d’une, mais ma foi, on verra bien…
Film

The Phoenician Scheme - Il ne faut pas s’attendre à des choses radicalement nouvelles d’un film à l’autre de Wes Anderson : comme un Quentin Dupieux, le réalisateur est à présent enfermé dans sa formule, pour le meilleur ou pour le pire. Cette livraison-là, bourrée évidemment de tics visuels, d’un casting 6 étoiles et de personnages plus ou moins stéréotypés, comme c’est le cas depuis plusieurs films maintenant, tient mieux la route à mes yeux qu’un French Dispatch ou un Asteroid City ; c’est que avec The Phoenician Scheme, on est dans l’aventure pulp débridée, qui n’est pas sans rappeler un certain nombre d’albums de BD franco-belge avec son intrigue farfelue qui n’est qu’une excuse pour montrer des personnages et des décors plus extravagants les uns que les autres. Bref, ce coup-ci l’artificialité a fonctionné pour moi et je me suis bien amusé, surtout une fois que j’ai laissé mes attentes de complexité narrative et émotionnelle au vestiaire.
Jeux de société

Cert - Dans le genre des puzzles sur papier, Cert est une entrée mineure mais tout de même impressionnante : ce n’est pas rien de se dire que le jeu a été créé en 48 heures… Le mélange entre fiction non linéaire et puzzles de placement de pièces fonctionne plutôt pas mal, le jeu se payant même le lux d’une fausse fin qui m’a poussé à tricher un peu pour voir au-delà. En finissant le jeu cette semaine, j’ai eu l’idée de quelques trucs intéressants à tester dans le domaine, il n’est donc pas impossible que je commette des jeux du même genre à l’avenir…
Podcast

Vivons heureux avant la fin du monde - J’ai été ces derniers temps aspiré par la voix de Delphine Saltel, journaliste dont j’ai toujours bien aimé le ton un rien naïf et la démarche consistant à partir de ses propres expériences pour élargir le cadre. Le cadre, ici, c’est celui de sujets de société au sens le plus large du terme, mais qu’on pourrait résumer, comme le titre du podcast, à « Comment faire pour aller mieux, soi et avec les autres ». Ça sonne développement personnel mais ce sont en réalité des réflexions pêle-mêle sur ce qu’on mange et ce qu’on boit, comment on éduque nos enfants, notre rapport à la technologie, et j’en passe… Le podcast a un énorme biais, dont Saltel ne se cache pas du tout, c’est d’être créé depuis un point de vue petit-bourgeois avec tout un tas de privilèges. Mais comme c’est également mon cas, tout cela m’a plutôt parlé !
Musique

Fabrica Obscura, Do Not Wander into the Woods - Est-ce que c’est un conte musical un rien sombre ? Un actual play romancé d’une partie de jeu de rôle imaginaire ? Du folk spoken word ? Peu importe, c’est surtout la bonne surprise de la semaine, à savoir un EP entier créé par le collectif des copaines de la Fabrique imaginaire, leur propre réponse à la Jam this Album pour laquelle j’ai commis un jeu la semaine dernière. Au-delà de la construction imaginaire derrière tout ça, et du sacré travail de montage pour des machins enregistrés séparément et à distance, Do Not Wander into the Woods est musicalement très chouette, une sorte d’ambiant acoustique qui fonctionne également très bien en version uniquement instrumentale. Bravo à la commu, donc, comme on dit, et vivement la tournée !
L’arrière-queer de Milouch

Lettres suspendues de Sihem Mazan
Ça y est, c'est le grand retour des éditions Hystériques et Associées dans l'arrière-queer !
Lettres suspendues, ce sont des lettres que Sihem Mazan a adressé à son père et qu'elle n'a jamais envoyées. Elle nous les livre ici, compilées. Ça parle de colonisation et de rapport au colonisateur, d'ascension sociale et de violences de classes et enfin de tendresse non donnée et de violence omniprésente.
Je n'ai pas la vie de Sihem Mazan, mais lire ce livre a pincé des cordes chez moi et m'a ramené dans ma propre exploration de ma relation à mon père. Les mots que Sihem Mazan posent y sont justes et donnent de la peau sur ces liens de barbelés. Et toujours, tout se tend dans ce rapport à cette figure mi-démiurge mi-démon que peut être celle du paternel.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— Si tu veux tout savoir sur comment on transfère des piles de sel depuis un bateau vers un entrepôt, eh bien voilà.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Chad VanGaalen.