La compote de Côme

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juin 22, 2025

La compote de Côme #229 - du dimanche 15 juin au dimanche 22

Sueur, minimalisme et yeux laser.

Jeux de rôles

I am a Cannon - Franchement, il me vendait du rêve ce titre, car qui n’a pas rêvé d’incarner un canon le temps d’un jeu ? Un canon qui tire des arcs-en-ciel en plus ? Hélas, il faut bien admettre que la réalisation n’est pas à la hauteur de la promesse, puisque dans ce jeu on va se contenter de tirer des cartes pour savoir où se dirige l’histoire, sans beaucoup de contrôle sur celle-ci. Dommage, le potentiel était là !

Drink My Sweat - Au-delà de son très bon titre, j’ai tout de suite aimé Drink My Sweat parce qu’il se pose comme un jeu violent qui a un discours réfléchi sur la violence, à savoir (je résume grossièrement) « dans la vie c’est pas cool mais dans un jeu ça peut défouler ». À partir de ce postulat, et du constat que tout le monde, y compris l’autrice du jeu, interprète mal Fight Club, c’est une proposition de JdR dans laquelle on va raconter comment des meufs se tapent sur la gueule pour se faire du bien… et c’est à peu près tout, la mécanique se résumant vraiment au minimum vital (et encore). Tel qu’écrit, le jeu manque sans doute un peu de matière pour y jouer plus d’une heure grand max sans commencer à patauger, mais ce sera une heure de qualité !

The Blackjack Job - J’ai toujours eu un petit faible pour les jeux de casse et leur infinies variations autour d’un genre bien ancré dans le paysage ; j’en ai moi-même commis deux dont un avec des animaux zombies, c’est dire. Dans cette livraison-là, le casse se résume à une partie de Blackjack qui sert à résumer ce qu’il s’y passe, avec le petit twist supplémentaire qu’une partie de l’équipe cherche peut-être à faire capoter l’opération plutôt que de la voir réussir. C’est un jeu tout à fait mineur mais il y a quelque chose de séduisant, et de plutôt réussi, dans son minimalisme !

Littérature

Minimale - Tiens, en parlant de minimalisme, ce tout petit roman sur l’obsession du « zéro déchet » était plutôt prometteur, moi qui, comme tant d’autres bobos, m’intéresse de près à la question… En suivant la vie d’une femme de riche cadre supérieur qui s’y met pour occuper ses journées jusqu’à devenir influenceuse sur les réseaux, il y avait de quoi traiter intelligemment le sujet, que ce soit dans les angles morts de son hypocrisie (tout jeter pour faire des conférences à Dubaï) ou la bascule vers une certaine folie, à la Pierre Patrolin (tout jeter, jusqu’où ?). Malheureusement, le roman n’explore pas vraiment ces deux pistes, préférant aller vers le terrain beaucoup moins fertile des tensions dans la famille de la protagoniste. Encore une belle idée pas assez développée…

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Sous les craquelures de l’océan d’or - Dans une compote du mois dernier, je te parlais du formidable album de A Silver Mt. Zion composé de 4 pistes d’un quart d’heure ; c’était loin d’être innocent car tout du long je travaillais à un jeu inspiré par cette musique de fin du monde. Ça y est, le jeu est sorti et je me suis bien amusé avec sa mise en page, sans doute trop pour une proposition finalement très abstraite qui ne parlera qu’à une frange des gens qui jouent à mes jeux ! Au moins, je me suis fait plaisir…

Prête-moi ton cœur électrique - En parlant de se faire plaisir : l’été dernier, on avait avec les copaines écrit ce jeu de rôle sur des robots qui explorent leurs émotions. J’ai mis du temps à le mettre en ligne et encore plus de temps à le mettre en page, mais enfin ça y est ! Je trainais sans doute des pieds parce qu’absolument personne n’attend ce jeu, entrée très mineure dans ma vaste ludographie, mais je n’aime pas laisser les choses à moitié faites et donc ça y est, c’est fait, je peux cocher cette petite case dans ma to-do list.

Séries

Bluey saison 1 - Tu te rends compte que tu es un parent raisonnable quand tu constates qu’il nous a fallu presque un an pour regarder la première saison de Bluey, certes composée de 52 épisodes… C’est le genre de séries pour enfants qui rentre dans une de mes catégories préférées et dont j’ai déjà parlé ici, celle des moments du quotidien rehaussés par l’imaginaire. Ici il est surtout question de petites filles à l’imagination débordante et de parents (principalement le père) qui les accompagnent, voire les encouragent dans cette voie ; il en résulte une bonne humeur à laquelle il est franchement difficile de ne pas succomber. Si j’en avais regardé 100 à la suite, je n’aurais sans doute pas le même discours, mais égrenés ainsi le long de longs week-ends c’est très appréciable !

Squid Game saison 2 - Tout à fait une autre ambiance avec la 2e saison de cette série que j’ai avalée en moins d’une semaine, ce qui prouve l’immense efficacité de sa dramaturgie. Pourtant, il y a des choses à lui reprocher, à cette saison 2, à commencer par le fait qu’elle n’est en réalité que la moitié d’une intrigue qui se conclura en saison 3 (heureusement pour moi, la diffusion de celle-ci est imminente), mais aussi par ses quelques faux pas scénaristiques (ce qu’il se passe en dehors de l’île n’a pas grand intérêt), idéologiques (la critique de la démocratie tombe moins juste que celle du capitalisme) ou rythmiques (les scènes d’action du dernier épisode sont chiantes à mourir). Mais bon, tout ça reste une machine extrêmement bien huilée, et il y a un vrai plaisir à retomber dans cette logique de jeux cruels, avec le petit coup de poignard dans la plaie induit par les deux personnages qui, à l’inverse des autres, savent très bien ce qui se joue ici. J’ai donc assez peu de doutes sur le fait que Squid Game saura se conclure en beauté !

Film

Le Château ambulant - Nous continuons en famille l’exploration de la filmographie de Miyazaki, avec ce film que je n’avais pas vu depuis très longtemps et dont je ne gardais que peu de souvenirs en dehors du château du titre et de la transformation en vieille dame de la protagoniste. Comme tout bon film Ghibli, il y a en réalité là-dedans beaucoup de choses complexes qui s’entrechoquent : des réflexions sur la fluidité de l’identité, sur la santé mentale, sans oublier une représentation de la guerre comme quelque chose de dur et violent, ce qui est assez rare dans un film pour la jeunesse (en tout cas dans ceux que nous avons montré à Madeleine jusqu’ici). Malgré sa longueur, le film reste une sorte de conte qui se termine en une pirouette et laisse pas mal de moments mémorables (même si pas toujours compréhensibles au-delà de leur symbolique) !


Jeux vidéos

Lorelei and the Laser Eyes - Pendant que tout le monde sauf moi s’éclate sur Blue Prince, j’explore les couloirs de l’hôtel de Lorelei and the Laser Eyes qui est très bien parti pour être mon jeu de puzzle préféré de l’année. Pourtant, j’ai d’abord eu un peu de mal avec ses énigmes à base de chiffres et d’années, qui me semblait un brin arbitraire et tout à fait hors d’une certaine cohérence (à défaut d’un réalisme qui n’a jamais été invité à la fête)… Mais petit à petit, la logique de l’univers se met en place, on comprend d’où sort cet hôtel où derrière chaque porte verrouillée se cache un puzzle dissimulant lui-même une énigme qui nous donne une clef qui servira plus tard à déverrouiller une autre porte. Au fond de ces spirales vertigineuses, il y a une atmosphère des plus lynchiennes, qui part dans tous les sens tout en restant harmonieuse, avec des tons de noir et de rouge et un hommage à pas mal de vieilles formes ludiques tant qu’à faire. C’est vraiment une masterclass en termes de ce qu’on peut faire narrativement avec des puzzles et en termes de non-linéarité, avec en plus ce plaisir tout personnel de noircir des dizaines de bouts de papier avec des annotations qui, dans quelques semaines, ne voudront plus dire grand chose. Vraiment un chef d’œuvre du genre.

Linelith - J’ai découvert par hasard que le créateur de l’excellent Patrick’s Parabox avait aussi commis ce petit jeu, une sorte de The Witness en extrêmement réduit, qui se joue en une heure à peine. Et en effet, la filiation est là, avec ce principe de lignes à tracer en respectant un certain nombre de règles non écrites, et la révélation progressive de la complexité de l’espace de jeu… J’ai par ailleurs apprécié que les puzzles les plus simples n’aient pas qu’une seule solution, permettant un peu plus de souplesse dans l’apprentissage du jeu. Vraiment une heure très bien dépensée, qui a échauffé mes neurones à présent avides de défis plus complexes !


Musique

Treize, Treize non-stop - J’en ai je crois assez peu parlé ici jusqu’à maintenant mais j’ai une faiblesse pour la musique au synthétiseur, en particulier la synth wave, ce genre faussement rétro dont le mini-album Treize non-stop est un bon exemple. La synth wave, c’est le genre par exemple des garçons sensibles qui pleurent en cachette, qui chantent du Françoise Hardy et pensent beaucoup à la mort. Mais la musique de Treize va aussi souvent chercher sur les terres de l’electro, voire de la techno : ça reste de la musique de bloc (de gothiques), dont les 7 pistes s’enchaînent sans respirer, pour un total de 9 minutes dans les territoires de la musique sombre. Une petite plongée en eau glacée qui fait du bien cette semaine.

L’arrière-queer de Milouch

La Guerre des filles de Christine Singer

Après Les Guerillères, je continue d'écluser de vieux livres que je n'avais jamais pris le temps de lire. Ça faisait 7 ans que La Guerre des filles attendait patiemment dans ma bibliothèque. Je l'avais acheté à Violette and Co (ancienne version) à la même époque que ma « lecture » des Guerillères.
Alors que dire de ce livre qui a lentement pris la poussière ?! 

Et bien étonnement (ou pas) j'en ressors un peu comme après le livre de Wittig. L'histoire m’est un peu passée à coté. J'ai retenu l'essentiel, c'est le combat d'émancipation d'une troupe de femmes libres face à une société patriarcale dont certaines proviennent. L'ensemble baignant dans une ambiance médiévale en bohème...
Mais au-delà de cette histoire, c'est surtout le flow qui m'a cueillie. Il y a des scènes vraiment incroyables de batailles et de chevauchées à travers la nature. Les descriptions sont superbes, empruntant beaucoup au champ des herbes et des plantes sauvages. C'est très joli mais ça tombe assez rapidement dans une essentialisation « femme = nature sauvage », « homme = société industrieuse » qui me convainc moyennement. Mais je ne sais pas si on pouvait attendre autre chose de quelqu'un qui a l'air aussi versée dans le développement personnel et la sagesse orientale.

Le livre / conte se finit assez abruptement par un dernier baroud d'honneur très fort et sacrificiel et au terme duquel les protagonistes disparaissent dans le sang et l'honneur. Je ne sais pas exactement quelle métaphore on peut en tirer sur les expérimentations et les pas de côté qui se font écraser par un système. Ça résonne assez avec des discussions récentes que j'ai pu avoir. En tout cas, une chose est sûre, ne désespérez pas.

Et toi

Julien : La Sorcière à la jambe d’os


À la fin du XIXe siècle, un musicien itinérant se fait interroger de manière musclée par les forces de police autrichiennes. Il aurait eu vent de l'endroit où se trouve Gila, une sorcière qui échappe aux investigations d'état depuis de nombreuses années et que certains accusent d'avoir enlevé l'héritier secret de l'Empire. Ce début d'intrigue picaresque en diable, préfigure une déambulation dans la Dalmatie, la Croatie et l'Autriche sur les traces de la fameuse Gila, sorcière, certes, mais surtout femme libre qui n'entend pas se plier à une quelconque forme de domination, qu'elle soit politique ou masculine.

C'est sans doute le livre le plus fort et le plus beau que j'ai pu lire (hors classique rattrapé tardivement) depuis 15 ans. Je l'ai aimé du premier au dernier mot.

J'y ai retrouvé des sensations de lecture proches, pèle-mêle, du foisonnement et du souffle (et l'héroïne) des Marins ne savent pas nager, de l'ampleur et de l'imagination de Cents ans de solitude, et j'ai lu tout ça avec la mème avidité de savoir ce qui va se passer (un mode de lecture qui prend peu souvent sur moi, parce que je finis déçu) que quand adolescent j'ai découvert Le Comte de Monte-Cristo. Rajoutons l'inventivité de la forme, que je n'avais jamais croisé pratiquée de cette manière, et l'humour, tantôt noir, tantôt grotesque, souvent narquois, typique d'une certaine littérature des Balkans, et qu'on retrouve aussi par chez nous dans le superbe Souviens-toi des monstres, de l'ami Jean-Luc André d'Asciano.

Oui donc, de grosses références, et oui, CHEF D'ŒUVRE, mais de ceux qui demandent peu d'efforts pour éprouver un intense plaisir de lecture.

Chapeau, chapeau et re-chapeau à l'auteur Želimir Periš, pour cet intense morceau de bonheur, et qui prouve que des auteurs masculins peuvent écrire des portraits de femmes aussi touchants que convaincants.


Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?


Par ailleurs :

— Je découvre l’existence de ce plagiat de Dracula dans lequel le vampire fait partie d’une élite d’oligarques avant la date !
— Je découvre aussi les travaux de Nicholas Rougeux, qui propose par exemple une compilation d’illustrations minéralogiques (pour Camille) ou d’oiseaux-mouches (pour Caroline et Jérémie) ou de nombre premiers et mille autres merveilles encore.

Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Marguerite (on ne s’en lasse pas).

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