La compote de Côme #227 - du dimanche 1er juin au dimanche 8
De la baston, du flipper et un divorce.
Jeux de rôles

Ghostbox - C’est vraiment dommage que Ghostbox ait une illustration de présentation aussi déplaisante à mes yeux, surtout qu’à l’intérieur la maquette fait plutôt du bon boulot… C’est dommage aussi parce que ce jeu solo où l’on envoie des cartes et lettres qui ne seront jamais reçues sort par ce biais des jeux épistolaires, encore plus avec ses mécaniques inspirées par le jeu de cartes en solitaire Osmosis. Tout cela en fait une étrangeté plutôt sympathique, que tu peux d’ailleurs récupérer pour le prix que tu veux au sein de ce bundle dans lequel j’ai d’ailleurs glissé un de mes petits jeux, tiens !

Whoa, Thy Foe! - Un jeu entièrement centré sur la baston, voilà qui me fait d’habitude bailler… Mais si, à l’instar d’un mini-jeu Firebrands, cette baston est l’occasion de se poser des questions sur les personnages, de se rendre compte que les monstres qu’ils combattent leur répondent tout de même un peu, d’explorer les liens de cette troupe improbable, voilà qui est déjà beaucoup plus intéressant ! Whoa, Thy Foe! est tout à fait minimaliste mais il n’a au fond pas vraiment besoin de plus que les quelques tables aléatoires qu’il propose : c’est donc très bien comme ça.

GOZR - Un jeu OSR de plus, bourré de tables aléatoires, dans un univers post-apocalyptique un rien gonzo… Dit comme ça, ça ne fait pas rêver, mais GOZR a un avantage absolument indéniable sur tout le reste des jeux du genre : il est intégralement illustré, et surtout écrit, à la main. Pas une once de typographie informatique dans la cinquantaine de pages du jeu, qui foisonnent de bazar en tous sens et viennent immédiatement lui donner une patte tout en le rendant plus difficilement navigable que ses cousins… Ce qui n’est pas un problème en soi, puisqu’il s’agit clairement du jeu fait pour être joué et non lu (personne de censé n’ira lire toutes les tables aléatoires avant de commencer à jouer, mais je n’ai jamais prétendu être quelqu’un de censé). Vraiment, chapeau pour ce tour de force !
Littérature

Mort - On sent que dans ce 4e volume de la saga du Disque-monde, Pratchett commence à prendre ses aises et poser définitivement ce principe qui va nous faire bondit d’un point de vue à l’autre selon les besoins narratifs. Le cliché de la Mort qui en a marre et cherche à se faire remplacer n’est pas neuf mais marche très bien ici, mariant les scènes comiques d’une Mort qui cherche à savoir ce que c’est que d’être humain avec une intrigue plus dramatique autour du sauvetage imprévu d’une princesse censée être assassinée. Tout cela est traité avec l’humour britannique typique de l’auteur et c’eût été un sans faute sans cette conclusion en eau de boudin, puisqu’on a droit à une soudaine ellipse et quelques pages pour boucler l’intrigue, quitte à trancher dans la caractérisation plutôt réussie jusque là des protagonistes. Bon, je sais bien que l’intrigue n’est souvent pas la raison principale de lire les livres du Disque-monde, mais tout de même…
Films

El Escapulario - Voici un drôle de film, datant de la fin des années 60 mais au style rappelant des choses en vogue des dizaines d’années plus tôt, tout en proposant quelques audaces visuelles intéressantes ; au récit qui se promène entre histoire de guerre, d’amour, d’épouvante, avec une touche de surnaturel ; un film aux récits enchâssés qui joue sur plusieurs tableaux à la fois, toujours mouvant dans le fond et dans la forme. Je ne l’aurais pas vu sans la critique de l’ami Jérémie, merci à lui !

The Gold Rush - Drôle de sensation devant les premières minutes de cette version mise en paroles de La Ruée vers l’or : je me rends compte que, des tréfonds de mon enfance, je me souviens de la sonorité de la voix du narrateur… Ce que j’avais oublié, en revanche, c’est qu’au-delà des passages cultes et très réussis du film (la soupe de chaussures, la danse des petits pains, la maison qui penche…) c’est un film qui conflagre la comédie avec le mélodrame, collant une intrigue tout à fait classique pour l’époque de fille un peu voyoute mais au bon cœur, qui apporte beaucoup de pathos au métrage. Le mélange prend admirablement et cent ans plus tard, c’est toujours un plaisir à voir !
Jeu vidéo

Yoku’s Island Express - J’avais besoin d’une petite respiration ludique cette semaine et l’envie de revisiter des jeux déjà bien connus ; curieusement, Celeste ne m’a pas aidé à me détendre et j’ai donc jeté mon dévolu sur Yoku’s Island Express, curiosité qui allie les mécaniques du flipper à celles du metroidvania. Les deux vont très bien ensemble et c’est un plaisir d’emmener notre scarabée bousier (et la boule qu’il pousse) aux quatre coins de la carte, de bumper en bumper, avec une histoire principale juste assez longue pour que les inévitables allers et retours ne deviennent pas lassants. C’est un peu triste que, d’autant que je puisse en juger, le studio responsable du jeu ait depuis sombré dans l’oubli, car c’était une belle entrée en scène !
Musique

Dino Spiluttini, Forever - Rien ne dure pour toujours, et il n’y a d’ailleurs pas grand chose de plus éphémère qu’une note de musique qui, aussitôt échappée de l’instrument, s’évapore pour ne plus laisser, au mieux, que des échos dans nos crânes. On peut pourtant faire durer les choses en bricolant des boucles, en collant des accords de guitares saturées (dans un premier temps) et des pianos mal accordés (dans un second temps) entre eux, pour aboutir à un univers de nappes se cognant les unes contre les autres, quelque chose de l’ordre des limbes remplies de bruits comme autant de puits de sables mouvants. J’ai un vrai faible pour les mélodies qui tournent en rond, qu’elles aient la fureur du hip-hop ou la mélancolie de l’ambient, toutes ces compositions qui pourraient aussi bien durer deux heures que deux minutes et découpent chacune à leur manière de petits bouts d’espace-temps ; elles célèbrent, à leur manière, l’importance si chère à mes yeux de prendre son temps, d’accepter de se perdre en n’allant pas vite, de s’attarder sur des petits détails qui ne révèlent leur valeur qu’à travers l’attention qu’on leur offre.
L’arrière-queer de Milouch

Parfois, l'arrière-queer part loin.
Dans les réflexions poético-mystico-queers de l'Hêtre Pourpre
Dans le monde distordu et saignant de textes emplis de désir d'une Xavière Gauthier...
Mais parfois, nous allons aussi sur des sujets plus classiques. Notez que j'aurais pu ici écrire « des sujets plus réels » ou « des sujets des vrais gens ». Mais je ne le ferai pas. Déjà parce que je ne suis pas une élue de gauche en mal de populisme (wink wink FR & FR) mais aussi et surtout parce que ce qui est décrit plus haut, c'est aussi la réalité, que ça plaise ou non à une certaine classe politique et médiatique.
Donc aujourd'hui, on va parler de divorce et d'émancipation, boum !
Le beau divorce nous raconte donc l'histoire de Mado qui dans les années 70 veut divorcer de son mec. Tout ça sur fond de lutte du MLF, d'émancipation et d'apprentissage du permis de conduire…
C'est un récit simple mais qui a le mérite de replacer la pancarte au milieu de la manif et de rappeler que y a 50 ans, en tant que meuf, eh bien tu galérais bien à avoir un compte en banque, à trouver un taff, à te faire respecter ou même à te séparer d'un mari relou... On pense le savoir, on pense le connaître mais ça ne fait jamais de mal de rappeler ce qu'a pu être cet enfermement.
La réal est (France Culture oblige) aux petits oignons, ça s'écoute en une petite aprem, c'est donc un grand oui de l'arrière-queer !
Sur ce, je vous laisse,
À la semaine prochaine
avec
peut être
une surprise !!
Et toi

Mass : J’ai lu Le Déluge de Stephen Markley.
Avant tout, je pense qu’il faut commencer par un trigger warning : ce livre est dur. Certaines scènes sont violentes, choquantes. Et si vous êtes sujet à l’éco-anxiété, ce n’est sûrement pas une bonne idée de vous plonger dedans. En plus, il fait plus de 1000 pages.
C’est un roman polyphonique : on suit plusieurs personnages, dans un monde qui s’effondre. Un roman-monde, où la Terre et les humains sont au centre. C’est une description réaliste – presque documentaire – de la fin de notre monde, vue à travers des gens qui, chacun à leur manière, vont jouer un rôle dans cette chute… ou essayer de l’éviter.
Le livre m’a fait penser au Paradoxe de Fermi de Jean-Pierre Boudine, mais en bien plus développé. Des personnes ordinaires, confrontées à des événements exceptionnels — qui ne le seront bientôt plus. On pourrait dire que c’est un livre sur la pression du réel qui s’intensifie.
Il y aurait beaucoup à dire : sur la violence vs non-violence, sur comment agir contre une machine capitaliste devenue folle, sur la façon dont le système se dérègle encore plus, jusqu’à frôler la dystopie. On est dans de l’anticipation pure, une forme de docu-fiction sur le futur. Et c’est sans doute ça qui fait le plus peur : tout ce qui est raconté, on en voit déjà les signes aujourd’hui.
Il y a aussi un côté très fort entre hyper-technologie et retour de la superstition. Par exemple, on suit (de loin) un personnage surnommé le Pasteur, un ancien acteur raté devenu gourou politique, qui promet l’apocalypse s’il n’est pas élu président. Et là, on pense évidemment à des figures bien réelles.
Je recommande le livre, malgré ses 1040 pages, mais il n’est pas sans défauts. Il est très centré sur les États-Unis. Le reste du monde est évoqué, mais reste en arrière-plan. Les États-Unis sont clairement la seule nation qui joue un rôle majeur dans le récit, ce qui est un peu frustrant étant donné l’ampleur mondiale du sujet.
Autre bémol : certains passages sont inutiles, ou trop appuyés. Je pense au personnage de Keeper, qui représente celui qui subit tout, qui galère, qui ne s’intéresse pas à l’écologie… mais qui finit quand même par en être victime. Son histoire est importante, mais la scène de viol en pleine fête aurait pu être évitée. Elle n’apporte rien, à part du choc gratuit.
Enfin, c’est un roman politique. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qui est dit, notamment sur la manière dont les personnages pensent pouvoir résoudre le problème. La fin me semble un peu naïve, surtout au vu de tout ce qui précède.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
— J’ai encore regardé des vidéos sur les puzzles cette semaine, nommément ces 3 heures (!!) absolument passionnantes qui parlent d’à peu près tous les types de puzzles possibles et m’ont appris plein de trucs.
— À une époque j’étais le roi des chansons atrocement gênantes, sorte de nanars sonores. J’ai quitté le game mais heureusement mes proches ne m’ont pas oublié : après la chanson d'Orlan la semaine dernière, Jean-Baptiste m’a enchaîné avec ce jeune homme à la très belle voix et cette relecture d’Hamlet par Johnny Hallyday. J’y adjoins ce message de prévention de Jean Rochefort et je décline toute responsabilité si tu cliques sur le moindre de ces liens.
— Pourquoi se balader en voiture entre ami.es quand on peut le faire sur Internet ?
— Je suis désolé de t’apprendre que tous les enfants que tu connais sont plus nuls que Caine Monroy, qui a construit des jeux d’arcade en carton quand il avait 9 ans.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Richard, le Capitaine.