La compote de Côme

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mai 25, 2025

La compote de Côme #224 - du dimanche 18 mai au dimanche 25

AAA, R&R, + CC.

Jeux de rôles

L'abbé l'Aber la bière - La reconnaissance, c’est quand d’autres s’emparent de tes créations et en font de belles choses. Et parfois, la reconnaissance ne vient pas où tu l’attends… Qui aurait pu croire que Rambo, Rimbaud & Rambo, un jeu qui est quand même pas mal une blague, ferait autant d’émules ? Après la version de Milouch et avant deux autres hacks annoncés par les copains, voici que Gulix s’en mêle avec quelque chose qui, au fond, n’a plus grand chose à voir avec l’original à part le jeu de mots… Et tant mieux car ce jeu triple A est assez génial dans sa proposition de jouer les errances d’un abbé après une cuite, avec 3 rôles et autant de façons différentes de jouer et de manipuler la narration, ce qui va chercher un peu du côté d’autres expérimentations en la matière. Je suis donc ravi que cette bêtise fasse des émules !

Asher’s Ridge Quickstart - En parlant de jeux qui me rappellent mes propres jeux, il y a curieusement assez peu de JdR qui poussent à manipuler des tuiles de Scrabble, qui sont pourtant une ressource assez inépuisable en termes de possibilité narrative. Dans le QuickStart de ce jeu-là, on s’en sert pour créer des accroches de scène, le tout dans un contexte d’émission sur le paranormal au sein d’une petite ville (voilà bien un pitch qui va plaire à Gulix, tiens !). Ce mélange de concept déjà pas mal croisé et de choses nouvelles pour le manipuler me plaît bien, et je serai assez curieux du jeu sous sa forme complète !

Illusory Time - Je vais me répéter mais le genre du voyage temporel est à présent plus que bouché, et il est à présent compliqué d’offrir quelque chose de novateur dans ce domaine, en jeu de rôle comme ailleurs. Et pourtant, Illusory Time arrive à s’en sortir, avec sa maquette un rien austère et ses mécaniques lointainement dérivées de l’éternel Lasers & Feelings. Ça donne à l’ensemble un aspect qui me rappelle Primer, c’est-à-dire une fiction dans laquelle le voyage temporel est pris sérieusement, peut-être même un peu trop, et où l’on traite ses conséquences jusqu’au moindre détail. Pas sûr que ce soit le genre d’histoires qui m’intéressent (je préfère le bazar d’un TimeWatch), mais c’est une façon de se détacher du lot…

Reactors and Romance - Un autre type de jeu qui commence à compter un sacré nombre d’entrées, c’est les histoires de robots géants qui servent d’excuse à faire de la romance. C’est pile-poil le pitch de R&R, qui d’ailleurs utilise aussi une variante de Lasers & Feelings car on n’en sort pas… Ce qui m’a convaincu ici, outre la chouette maquette, ce sont les petits ajouts ici et là : un petit système de surchauffe, quelques conseils côté MJ pour injecter de la romance et du drama dans sa partie… Pour une fois, voici un jeu court qui ne laisse pas tout à fait ses joueurs démunis, et c’est plutôt appréciable !

Big Goat Little Goat - J’annonçais un banger pour le Grant Howitt du mois, mais bon, j’ai un peu survendu le truc. Un jeu dans lequel tu joues une grande chèvre et une petite chèvre ne peut pas foncièrement être mauvais, d’abord parce que comme l’indique Howitt, le fait de jouer quelque chose de petit à côté de quelque chose de grand, ça ne peut que fonctionner, encore plus si ce sont des chèvres qui mettent le bazar… Mais force est de constater qu’au-delà de cette idée initiale, il n’y a pas grand chose, la plupart des éléments mécaniques étant remis dans les mains du MJ, sur l’air de « décide si ça marche au petit bonheur la chance, on te fait confiance ». Dommage… Ça me donne néanmoins de lancer une game jam “Big Thing Little Thing” mais on va se calmer hein.

Non-fiction

Toutes les époques sont dégueulasses - Comme tout le monde, j’ai eu mes opinions très tranchées au sujet de la récriture des œuvres de Roald Dahl ou d’Agatha Christie, pour les expurger de certains éléments gênants, ce qui a beaucoup fait parler il n’y a pas si longtemps. Le but de ce court opuscule est de remettre les pendules à l’heure et d’offrir un point de vue plus argumenté, et donc moins exagéré, que les deux extrêmes sur le sujet : ni ceux qui crient à la censure woke, ni ceux qui pointent les problèmes chez ces auteurs n’ont tout à fait raison, car pourquoi récrire certains éléments et pas d’autres ? Pourquoi ne pas plutôt accompagner ces textes de préfaces explicatives ? N’y aurait-il pas des intérêts mercantiles, bien plus qu’idéologiques, derrière tout cela ? Ça ne surprendra personne que le texte réponde « oui », même s’il apporte bien d’autres éléments de réponse (et me donne envie de lire l’adaptation de Sacrées sorcières par Pénélope Bague).

Page de pub

We were punks - Il y a bien un an et demi, autant dire à la préhistoire si on compte en nombre de ministres de l’éducation, mon amie Lisa et moi avions publié un jeu intitulé On était punk, qui parlait en gros de la nostalgie d’une époque qu’aucune de nous deux n’avait connu (et de milieux que, personnellement, je n’ai jamais fréquenté mais qui me font fantasmer comme tout bon petit bourgeois un brin rebelle) ; c’était aussi un jeu expérimental dans sa façon de jouer (d’abord en solo, puis en groupe, puis en groupes) et sa mise en page puisque Lisa avait tout fait à la main à partir de fanzines de la scène punk française.
Eh bien voici que ce jeu a enfin une version anglaise, là aussi assemblée à la main par Lisa qui a franchement eu mieux à faire depuis 2024 ! Je suis néanmoins bien content qu’il existe, et même si tu ne lis pas l’anglais, tu peux aller voir les différences visuelles entre les deux versions et t’esbaudir des talents de colleuse de Lisa.

Film

Crumb Catcher - Le tout, c’est de maintenir un bon sujet de conversation. C’est ce que se tue à dire l’un des personnages de ce film en huis clos, qui tourne autour d’un couple marié et d’un serveur un peu trop collant et bavard, et c’est aussi, au fond, ce qui fait tourner ce métrage sans prétention : des dialogues convaincants, qui ne cessent de faire rebondir l’action et l’intrigue sans qu’on se lasse trop. On n’aura pas beaucoup plus que cette tension permanente, malgré un dernier acte qui tend plus vers l’action, et le fait que l’histoire se finisse sur un silence prolongé n’est pas un hasard : au fond, il n’y avait pas davantage à raconter, et c’est très bien comme ça.

Jeu vidéo

Balatro - Je suis tombé dans Balatro, te disais-je il y a quelques livraisons de cela, et je crois qu’il n’y a pas d’autres manières d’aborder ce jeu qui combine rogue like et poker que de s’y jeter et d’enchaîner les parties, encore et encore, sans comprendre que 5 minutes + 5 minutes + 5 minutes + … ça commence à faire beaucoup. Les premiers runs sont difficiles mais satisfaisants car on ne cesse de débloquer de nouvelles cartes et succès, et lorsqu’enfin on commence à comprendre comment les jokers du jeu peuvent combiner leurs effets pour mener à la victoire, c’est une jubilation. Hélas, passés ces premiers émois, le jeu a eu du mal à se renouveler pour moi, et je me suis vite heurté à de nouveaux murs qu’il ne m’a plus paru si satisfaisant de chercher à escalader. Peut-être m’a-t-il manqué un aspect plus narratif dans le jeu ; peut-être, plus prosaïquement, ma capacité à rester enthousiasmé plus d’une semaine par quelque chose s’est-elle comme d’habitude effondrée, et j’avais envie de passer à autre chose. Quoiqu’il en soit, je ne vais pas aller voir combien d’heures j’ai passé sur le jeu, je tiens à faire semblant de préserver ma dignité.

Musique

The Demon Beat, 1956 - Ça commence avec ce crash de cymbale et cette lente montée, soutenue par la basse et le chant plaintif, se transformant finalement en explosion de guitare : un schéma assez classique pour The Demon Beat, groupe très honnête de rock un brin sauvage, sauf qu’ici ça ne s’arrête pas. Parfois ça se déchaîne tout du long, parfois c’est plus calme, mais tout cela est un peu difficile à distinguer car les 5 mouvements de 1956 se fondent les uns dans les autres, sans qu’on sache tout à fait à quel point ces divisions font sens. Je n’aurais pas pu choisir meilleur album que celui de cette course en forme de montagnes russes pour symboliser cette semaine à courir sans beaucoup d’arrêts, où tout s’enchaîne et se mélange, dans un déluge de fureur et d’épuisement alternés. Ce qui est aussi un bon résumé de la musique de The Demon Beat…


L’arrière-queer de Milouch

Amour & Bave de Schneck Dorothy Alisson Et Joan Nestle
Ça y est, c’est le come back de Dorothy Alisson dans l’arrière-queer ! Et pas n’importe comment ! Amour & Bave de Schneck (oui, je ne sais moi aussi que penser de ce nom, mais je pense que c'est le but) ce sont une partie des échanges épistolaires entre Dorothy Alisson (loué soit son nom) et Joan Nestle (dont je ne vous ai jamais parlé mais qui a écrit un livre incroyable qui constitue un des jokers de l’arrière-queer).
Et mon dieu, quels échanges. Je crois que j’en ai peu lus d’aussi intenses et aussi beaux. À les voir, j’ai l’impression de contempler une amitié forte, sublime et remplie d’activisme. Et même si le livre ne reproduit que très peu de réponses de Joan Nestle, la beauté de cette amitié et les relations qu’elles semblent avoir entretenues me touchent. Il y est question d’écriture, de poésie, de BDSM et de rencontre entre lesbiennes. On sent ce petit monde de la gouinerie littéraire et militante vibrant tout autour.
Je crois que j’aimerais être capable de produire des échanges aussi passionnés et passionnants (même si les miens seraient sur des sujets différents et ne comporteraient surement pas autant de références sexuelles). J’essaye un peu par ce format nouveau (pour moi) qu’est la newsletter partagée et j’espère que la lecture d’Amour & bave de Schneck vous donnera comme à moi l’envie de prendre votre plume vers vos ami.es.

Et toi

Cédric : Rue Duplessis : Ma petite noirceur

Jean-Philippe Pleau est un sociologue québécois qui anime des émissions plutôt intellos sur Radio-Canada depuis vingt ans. Il est ce qu'on appelle une tronche qui mène une vie petite bourgeoise montréalaise. Or il se trouve que Pleau n'est pas né dans cette classe sociale, puisqu'il est issu d'une famille modeste avec un père ouvrier analphabète et une mère hyper-anxieuse. La rue Duplessis, elle existe bel et bien à Drummondville, et c'est là qu'ils vivaient. Son livre est donc le récit d'un transfuge de classe qui a tourné le dos à l'alcoolisme ambiant, l'homophobie latente, l'amour du tuning... pour finalement vivre de ses idées et finir par se mettre en couple avec une fille aisée. Pleau parle donc de ce sentiment étrange, car il a tourné le dos à son passé en ayant par moment le sentiment d'avoir trahi les siens, mais se sent encore parfois imposteur dans son
nouveau rôle.
Évidemment, le portrait de famille n'est pas glorieux, et il raconte qu'à mesure qu'il écrit et pose des questions à ses proches pour penser son double-jeu social, il y a une résistance de la part de certains membres de sa famille, qui n'apprécient pas d'apparaître dans un livre soulignant les pires facettes de la vie bien humble. Et tandis que ce livre est devenu un véritable succès d'édition (on annonce une adaptation au théâtre), ne voilà-t-il pas que certains membres de la famille Pleau ont porté plainte contre l'auteur, ce qui rajoute un parfum de scandale à cet événement littéraire.
Sur la forme, j'ai trouvé que le livre avait le cul entre deux chaises : ce n'est pas un récit, ce n'est pas de la socio, c'est un texte parfois maladroit (l'auteur n'avait pas besoin d'écrire noir sur blanc que son grand-père était alcoolique, je le savais déjà quand il m'avait déjà dit qu'il flambait ses payes au bar) qui abuse des
citations d'autres auteurs et finit donc par avoir un côté trop scolaire. Je me suis reconnu dans certains passages, même si je ne suis vraiment pas devenu un petit bourgeois. En lisant cette exploration de la rue Duplessis, j'ai beaucoup repensé à la vie de HLM à un jet de pierre de la voix ferrées, de ma mère monoparentale qui s'esquintait la santé à coller des semelles de chaussures à l'usine, des visites de l'huissier... Je n'ai pas tant le sentiment d'avoir changé de classe sociale, je me sens toujours un prolo de bureau, mais j'ai grandi dans un foyer où la littérature se résumait à une dizaine de San Antonio. De ce point de vue, j'ai cheminé socialement (même si mes romans et mes jeux de rôles ne font pas de moi un intellectuel).
Bref, une lecture intéressante si vous ne vous sentez pas à votre place mais que vous ne reviendriez en arrière sous aucun prétexte. Pas que le monde d'avant était indigne de vous ou honteux, c'est juste que ça ne vous correspond plus. Mais vous en êtes quand même tributaire.

Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?


Par ailleurs :

- Tout le monde est connecté à Ryu de Street Fighter.

- Il y a des films qui se plantent en mettant le mauvais type d’espèce d’oiseau dans leurs scènes, et puis il y a les films qui se plantent vraiment. Par contre, cet article t’apprendra 1000 choses sur les oiseaux dans les films, et sur Charlie’s Angels.
- J’ai perdu à ce Uno interactif, je te souhaite plus de chance que moi !
- Et pour finir, un article dur, long, mais nécessaire, sur le fascisme et les images de mort.

Des bises

et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Michael Wookey.

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