La compote de Côme #221 - du dimanche 20 avril au dimanche 27
Du shitpost, des copaines et le pape.
Jeux de rôles
A Night To Remember - Je n’ai pour l’instant pas réussi à accrocher au principe des map-making games, c’est-à-dire des jeux de rôle dont l’intérêt est de raconter une histoire tout en dessinant la carte d’un territoire (ou, parfois, juste de la dessiner, sans raconter d’histoire en particulier). Ce jeu-là en reprend les mécaniques mais en transposant cette idée de territoire à une salle de bal dans laquelle les rumeurs dansent encore plus vite que les invité.es, et ça change tout pour moi : j’imagine tout à fait quel genre de feuille griffonnée cela peut donner à la fin de la partie, avec les pas de danse comme rappel d’un itinéraire parcouru. Comme quoi, parfois un pas de côté peut faire beaucoup (le mauvais jeu de mots est gratuit)…
Brioche Bataille - L’ambiance de la compote, cette semaine, c’est un soupçon de shitposting, avec tout d’abord ce jeu de l’ami Florian qui est davantage un wargame qu’un jeu de rôle, mais au fond on s’en fiche des étiquettes puisque le jeu est surtout là pour nous faire manger des brioches et des carrés de chocolat de manière rigolote. Je vais avoir du mal à ne pas jouer à ce jeu la prochaine fois que je mange ce genre de goûter… Avec un gros plus pour l’exemple de jeu et les jeux de mots qui truffent les règles !
What We Didn’t Know We Know. - Encore un OLNI dans la compote, avec ce module qui se présente comme une sorte de donjon en une page pour le jeu CY_BORG mais qui, en fait, est… quoi donc ? Sans avoir une connaissance aiguë du jeu en question, je vois dans cette page une sorte de poème à la fois visuel et textuel, fragmentaire et vaguement rôliste dans les coins, quelque chose de liminaire qui va gargouiller les frontières et est là pour ne ressembler à rien et être en même temps très efficace. Une très belle découverte !
This is Bigfoot and they’re my Best Friend! - L’autre thème de cette semaine c’est les copains, car j’étais passé à côté de ce petit jeu de Gulix, plutôt incomplet et brut de décoffrage mais très inspirant ! C’est un jeu de duo, ambiance plutôt mignonne, avec Bigfoot et une petite fille qui vivent des aventures (extra)ordinaires : ça me rappelle évidemment un jeu à moi car je suis terriblement égocentrique, mais ça me donne aussi envie d’essayer de jouer à ça (ou un truc qui y ressemble) avec Madeleine, tant ça a l’air rigolochoupi et bourré de mécaniques très simples ! Gulix, j’attends fermement la suite…
Karglasse - Comme l’ambiance est au n’importe quoi rôliste (on en reparle avec la page de pub ci-dessous) voici un jeu de Guillaume Jentey pour jouer des super-héros sponsorisés par Carglass. Voilà, il n’y a pas grand chose à en dire si ce n’est que c’est délicieusement débile, surprenamment complexe dans les mécaniques, et que maintenant, comme moi, tu as le petit jingle dans la tête. Tu sais où écrire pour t’en plaindre.
Littérature
La Forêt sombre - Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais dans la suite du Problème à 3 corps, mais certainement pas à un livre où les enjeux et la temporalité ne cessent de glisser, déplaçant l’intrigue vers des endroits surprenants, qui semblent parfois des détours un peu longuets et inutiles jusqu’à ce qu’ils se révèlent cruciaux pour l’intrigue. Tout ceci est assez désarçonnant et j’ai, comme souvent, mis un peu de temps à y retrouver mes marques, mais une fois ceci fait j’ai beaucoup aimé là où le bouquin m’emmenait. Je dois en revanche avouer que la SF en mode « exploration stellaire », ça ne m’intéresse pas beaucoup, et j’ai un peu peur que ce soit vers ça que le 3e tome m’emmène… On verra bien car, vu sa longueur, je ne vais pas m’y jeter de suite !
Page de pub
Pope Game Jam - Il ne t’aura pas échappé que le pape François est mort cette semaine (le chanteur de Pere Ubu aussi mais on en a moins parlé, étrangement). La dernière fois que la mort de quelqu’un de célèbre a fait frémir mon monde, c’était David Lynch, et il y avait eu une game jam sur itch.io pour marquer le coup ; je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison que le pape François n’ait pas droit à sa game jam lui aussi, j’ai donc pris les devants. Maintenant que tu as lu ces mots, tu fais aussi partie du truc et tu as 2 mois pour pondre un jeu, c’est comme ça ; mais ne t’inquiète pas, c’est bien difficile que ça en a l’air ! Et puis si vraiment le pape c’est pas ton truc, tu peux aussi créer un jeu qui s’inspire d’un album musical ou en forme de boîte de céréales ou pourquoi pas les 3 à la fois ma foi (est-ce que je vais relever ce défi stupide ? Peut-être. Sans doute).
Série
Silo saison 1 - Je ne m’étais pas initialement engagé dans Silo, les comparaisons avec Lost en matière de « série à mystères » m’inquiétant un peu et le décor dystopique me semblant déjà vu et revu… Mais je dois admettre que j’ai avalé en courant cette première saison, qui ne dissipe pas tout à fait mes doutes mais parvient à slalomer élégamment entre les obstacles. C’est que, outre que la série présente une société crédible, elle tourne surtout autour de personnages bien construits et attachants et articule sa chasse aux mystères autour d’une enquête policière, mariant intelligemment les deux genres. Et puis la fin de cette première saison apporte quelques retournements intéressants qui, s’ils ne m’ont pas tout à fait surpris, me donnent très envie de plonger directement dans la suite…
Films
Paprika - Un de mes moments préférés de Mon Voisin Totoro, c’est quand les deux sœurs s’écrient « c’était un rêve qu’était pas un rêve ! » et ma foi, ça résume assez bien Paprika, qui prend comme excuse une histoire de vol industriel pour aller explorer les paysages mentaux et oniriques de ses personnages, et s’amuse très rapidement à brouiller les pistes entre les identités, les niveaux de réalité et le principe de cohérence. Oh, on peut démêler sans trop de problème l’intrigue du film, mais je ne crois pas qu’elle soit essentielle à ce qui m’a amené du plaisir personnellement, c’est-à-dire un mélange d’images et de sons qui ne se refuse pas grand chose et fournit des impressions très agréables… Peut-être même aurait-il fallu que le film, à l’instar d’un Lynch, refuse tout à fait la cohérence et devienne purement esthétique pour me satisfaire. Comme quoi, je ne suis pas à une contradiction près.
The Thomas Crown Affair - Ça faisait un moment que je voulais voir le film qui, à défaut d’avoir inventé le split screen et les images qui se déplacent verticalement/horizontalement a pas mal popularisé la technique… Le film est également célèbre pour une longue scène de partie d’échecs suivie d’un long baiser entre les deux protagonistes, et finalement cette scène résume assez bien le film : il n’y a quasiment pas de dialogue, tout ça est terriblement sexy et cool, et l’intrigue, ben on s’en fiche un peu. Oui OK, il y a une histoire de gars riche qui fait des cambriolages parce qu’il s’ennuie, mais surtout il est cool et sexy, et du coup il y a une agence qui essaye de le piéger, mais surtout elle est sexy et cool. Voilà, je crois que pas grand chose ne crie « années 60 » comme ce film, et maintenant moi aussi je me sens sexy et cool.
Jeu vidéo
The Swords of Ditto: Mormo’s Curse - Franchement, elle fait envie cette image, non ? Ça, plus la promesse d’un clone convaincant de Zelda, c’est tout ce qu’il me fallait pour me plonger dans The Swords of Ditto… Sauf que je n’avais pas compris que le jeu était avant tout centré sur un système de combat très basique et répétitif, avec quelques donjons à moitié satisfaisants pour la forme ; et surtout, je n’avais pas vu le pluriel à “swords”, qui implique qu’une fois le jeu terminé, eh bien il faut encore le terminer 4 fois de plus, sous une forme à peine différente (mais avec une difficulté plus élevée) pour arriver à la fameuse « vraie fin » qui pourrit tant de jeux vidéos ces jours-ci. Résultat, malgré un graphisme mignon, le gameplay ultra-répétitif du jeu m’a vite lassé, et j’ai décidé de passer à autre chose. Mais c’est bon, je suis guéri des jeux répétitifs, j’ai retenu la leçon : je me suis lancé dans Balatro.
Musique
La musique de la semaine - J’espérais que le nouvel album de Buck 65, annoncé pour cette semaine, tombe avant que je ne m’échappe à Lyon ce week-end, mais je dois mettre la compote sous presse avant qu’il arrive… d’où cette nouvelle mosaïque musicale. Cette semaine, donc, je suis allé me déhancher du côté de Battles et de presque-Kendrick Lamar ; je suis retombé dans le hip-hop abstrait de cLOUDDEAD qui ne déçoit jamais, pas plus que la pop éthérée de Cornelius ; il y a même eu une bonne dose de folk, avec les belles mélodies de John Fahey et celles du Crystalline Roses Band. Avec le punk de Famille d’Accueil par-dessus tout ça car on ne se refait pas, et pourquoi pas un bon vieux Nirvana, tiens ?
L’arrière-queer de Milouch
Notre Crépuscule de Melville
J'ai eu la chance comme le taulier de pouvoir lire Notre Crépuscule avant sa sortie ! Et comme d'habitude avec Melville c'est une explosion ! Plus incandescente et crépusculaire est celle-ci mais elle n'en est pas moins révolutionnaire !!
Dans ce jeu de rôle, on incarne des sorcières des interstices, des créatures « gardiennes » d'espaces à la magie trafiquée, des arpenteuses de plans tordus, des creatures étranges et chimériques.
Et ce monde vivant et divers dans lequel nous évoluons, il va disparaître. C'est le prémisse du jeu, c'est inéluctable, c'est tragique, alors Que Faire de ce temps qu'il nous reste ?!
C'est la grande question que pose Notre Crépuscule.
C'est un parti pris narratif qui me fait énormément vibrer bien sûr (grande amatrice des trajectoires tragiques que je suis).
Bien évidemment, quand on lit Notre Crépuscule on pense d'abord au réchauffement climatique et à l'urgence climatique. C'est d'ailleurs un angle complètement assumé par son autrice.
Et en le lisant, j'y ai aussi vu une galaxie queer sur le point de disparaître. Je ne sais pas si c'était dans les intentions de Melville d'en parler mais les parallèles se font avec ces espaces en marges, petits, si riches et pourtant si fragiles qu'une ordonnance ou la reprise d'un quartier pourrait faire disparaître.
En plus de porter toute cette charge politique, Notre Crépuscule se fend aussi d'une écriture parcellaire (certains diraient ergodique) et didactique à la fois. On nous donne les clefs du camion mais on nous accompagne dans ce leg !
À titre d'exemple ?
Des éléments de lore sont mentionnés un peu partout (dans les fiches de personnages, les amorces de scénario...) et si on souhaite savoir à quoi ils correspondent, on est invitée à les construire à l'aide de listes pleines d'idées et d'évocations. Je trouve que Melville réussit ici pleinement le pari de l'agentivité mêlé à un univers profond.
L'ensemble est servi dans une très belle édition (Dystopia oblige), agrémenté par les illustration de Arnaud S Maniak et Samuel Arraya !
Bref, c'est beau, c'est fort et si ça vous botte, c'est en financement par ici.
Et toi
mass : J'ai lu Supergirl : Woman of Tomorrow. Voilà un comics que j’ai découvert grâce à un conseil sur Discord. Comme je l’ai déjà dit, je suis largement plus Marvel que DC, mais peu importe : cette œuvre se lit de manière totalement indépendante. Et je dois dire qu’on tient ici un petit chef-d’œuvre. On suit Supergirl et une jeune fille originaire d’une planète où l’on « fait pousser des cailloux », dans une quête de vengeance pour l’une, et de sauvetage pour l’autre.
On traverse l’univers, planète après planète, dans un périple semé d’embûches, mais aussi empreint de tristesse et de dureté.
Le dessin est vraiment particulier : je le trouve séduisant, avec une touche rétro qui, pour une fois, me plaît beaucoup. Le travail sur les couleurs est remarquable, une vraie réussite. Mais la grande force de l’artiste, c’est l’expression des yeux – un peu à la façon de Morricone. Ils sont toujours magnifiques, remplis d’émotion.
C’est typiquement une œuvre où la question de la vengeance, et la place qu’elle occupe face à la justice, est centrale. Les dialogues sont très bien écrits. La jeune fille qui accompagne Supergirl est tout autant l’héroïne du récit que Supergirl elle-même. C’est elle la narratrice, et c’est important : on comprend vite que le récit n’est pas objectif, et cela ajoute de la profondeur. Chaque épisode a sa propre importance, et aborde des thèmes bien précis.
Une vraie réussite. Une œuvre récompensée par plusieurs prix – et on comprend pourquoi. J’attends avec impatience que leur nouvelle collaboration, Helen of Wyndhorn, soit traduite en français (ce ne sera pas chez Urban).
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Plein de pépites sonores dans cet article sur la généalogie d’une chanson, dont l’origine du générique d’Inspecteur Gadget ! Je ne l’avais jamais soupçonné et c’est pourtant évident.
- Je continue peu à peu à dé-GAFAMiser ma vie, et ce guide explique très bien comment rendre son téléphone, même Android, un peu plus sain. En attendant le Fairphone et Linux…
- Grâce à l’ami Tony Papin, j’ai écouté tout un tas de chouettes podcasts cette semaine : par exemple cette chronique des années Velvet Underground de Lou Reed, racontée (plus ou moins) par ceux et celles qui l’ont vécu et par les chansons du groupe…
- … ou encore des histoires de bastons et de marins bretons.
- Et pour un peu plus de bonne humeur, il y a les épisodes souvent choupis, parfois très émouvants du « Jour où », dans lequel des enfants racontent un événement petit ou grand vu de leur hauteur.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, en compagnie de Jóvenes y Sexys.