La compote de Côme #205
Des chats, des sous et des minutes empilées.
Du dimanche 29 décembre 2024 au dimanche 5 janvier 2025,
J’ai lu :
Deux Filles nues - Je n’aurais sans doute jamais lu cette bande dessinée si elle n’avait pas traîné chez les amis chez lesquels je passais le réveillon, et ç’aurait été bien dommage ; non que Deux Filles nues soit l’œuvre du siècle, je l’ai même trouvée assez moyenne (elle aurait sans doute été bien meilleure avec une bonne centaine de pages en moins) mais elle repose entièrement sur un gimmick des plus OuBaPiens qui m’a ravi. Quoi de mieux, en effet, pour raconter l’histoire d’un tableau, que de tout raconter comme si nous étions à la place du tableau lui-même ? Luz utilise cette astuce pour dépeindre un siècle d’histoire allemande, avec notamment un commentaire sur la vision qu’avait le nazisme de l’art, mais le tout reste pour moi un peu superficiel et pas assez poignant là où il se veut sentimental. Dommage, car l’idée était vraiment bien trouvée !
Cat Quest - Finalement m’inscrire sur BlueSky n’aura pas été totalement vain puisque j’y ai déniché cette petite curiosité à côté de laquelle j’étais passé ! Je manque de jeux de rôles pour enfants réellement simples dans ma ludothèque et Cat Quest vient s’y insérer avec bonheur, même s’il demeure un brin trop complexe pour moi (lancer un dé puis additionner deux scores au résultat, c’est probablement une ou deux étapes de calcul de trop à mon goût). Mention spéciale pour sa progression en hexagone et ses événements aléatoires qui offrent (probablement) une grande rejouabilité !
Time Travel with Loose Change - Je vais être tout à fait honnête avec toi et avouer que je n’ai pas tout compris à ce jeu de voyage temporel mais je ne suis pas sûr que ce soit très important, pour deux raisons : d’abord, parce qu’il bénéficie à la fois d’être court, gratuit et avec une chouette maquette faussement faite main ; ensuite, parce qu’il propose une mécanique tout à fait originale qui utilise les pièces de monnaie que tu as dans la poche (et les dates marquées dessus) comme vecteur de prise de pari. Pour tout ça, TTwLC est un joli ajout au genre déjà bien encombré !
The Book of the New Jerusalem - Je ne suis d’habitude pas vraiment friand des livres de jeux de rôles qui se contentent de présenter un univers ou un background (du fluff, quoi, comme on dit entre nerds). Il me faut du système mécanique à me mettre sous la dent, sacrebleu ! Mais TBotNJ est différent puisqu’il se présente comme une sorte d’almanac des légendes et mythes d’Angleterre, sans vraiment d’éléments rôlistes à l’intérieur et avec un vrai travail de recherche de fond pour l’épauler. Par certains côtés, il m’a fait penser au Guide de Mande-la-Forêt sur lequel je continue à travailler, avec son narrateur qui sème des graines autobiographiques entre deux histoires de fantômes ou de chiens noirs qui rôdent à travers la campagne et n’ont que peu de liens les uns avec les autres. Ce fut donc une lecture un peu décousue, dont je ne retiens rien de très précis mais qui tapisse mon imaginaire de pas mal de nouvelles créatures !
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Bilan financier de 2024 - Une chose à considérer en lisant ce bilan financier de mes activités extra-professionnelles, que je te livre comme chaque année, c’est que je crois être dans le haut du panier en termes de ventes de bouquins de JdR… C’est dire si le mythe de l’auteur de jeux de rôles qui vit de son activité a du plomb dans l’aile, avec mes quelques centaines d’euros mensuels ! Néanmoins je continue de trouver l’exercice intéressant, puisqu’il me prouve à chaque fois que, si mes jeux se vendent plutôt bien (voire très bien pour certains d’entre eux qui ont dépassé le millier d’exemplaires vendus, toutes langues et supports confondus) je suis vraiment le pire gestionnaire et si je gagne de l’argent avec tout ça c’est presque par accident. En espérant, comme d’habitude, faire mieux l’année prochaine…
J’ai vu :
The Umbrella Academy saison 4 - Voilà, c’est fini. C’est à peu près tout ce qu’on peut dire de cette ultime saison, clairement tronquée, de The Umbrella Academy, qui a commencé comme une série sur une famille de super-héros dysfonctionnels avec une pincée de voyage dans le temps, et finit avec des personnages dont les scénaristes ne savent plus trop quoi faire, partant chacun vivre de petits arcs narratifs de leur côté, sans vraiment changer ni répondre aux grandes questions de l’univers dans lequel ils évoluent. Dans cette saison 4, il y a de l’action, des guest stars, une fin du monde aussi ridicule que les précédentes, des univers parallèles… et une fin en eau de boudin, vite fait bouclée dans les 15 dernières minutes, parce qu’il faut conclure. Et voilà, c’est fini !
Doctor Who: Joy to the World - La période de Noël est automatiquement associée avec l’épisode spécial de Doctor Who qui vient célébrer l’amour et la paix, comme dans « Evenou Shalom Alerhem », et moult bons sentiments. Le cru 2024 n’échappe pas à la règle avec son message pouvant se résumer à « restez pas seul·e, c’est tout nul », mais ça fait partie du package… Sinon, l’aventure du Docteur se passe cette fois-ci dans un grand hôtel temporel, concept qui ne pouvait que me faire frétiller des mollets mais finalement pas tant exploité, pas plus qu’une sous-intrigue qui vole presque la vedette au reste de l’épisode. Bref, tout ça est un peu inégal et aurait gagné à être soit distillé dans plusieurs épisodes, soit ramassé sur quelque chose de plus simple, mais il en demeure l’énergie irrésistible de Ncuti Gatwa et l’envie de savoir où le Docteur va aller galoper l’année prochaine !
Le Festival du merveilleux - Ça va également devenir une tradition familiale que d’aller passer quelques heures début janvier au Festival du merveilleux, dans le Musée des arts forains plutôt inaccessible le reste de l’année. L’occasion d’aller admirer des manèges et autres attractions d’autrefois, mais aussi de participer à des courses de garçons de café (mécaniques) ou se prendre en photo dans ces machins en bois avec des personnages ridicules et un trou pour la tête, attraction inter-générationnelle s’il en est. Et puis c’est aussi l’occasion de voir un ou deux courts spectacles, notamment les danses absolument magiques d’Ibrahim Hassan. On reviendra l’année prochaine !
J’ai joué à :
Panzer Paladin - De temps en temps, il me faut faire boum boum et tape tape à bord de gros robots sur tout un tas d’ennemis redoutables, et Panzer Paladin est venu remplir ce vide primal avec plein de pixels qui plus est ! Le jeu, pas si facile, n’est pas non plus très compliqué, avec ses niveaux linéaires dans lesquels on tatane tout ce qui bouge pour se constituer une collection d’armes, chacune avec son pouvoir spécial. J’ai failli laisser le jeu de côté une ou deux fois face à des boss plutôt redoutables, mais une vidéo YouTube plus tard c’était reparti et je ne suis pas mécontent d’avoir passé quelques heures dans PP à faire tape tape boum boum.
Splendor - Pendant les réjouissances du réveillon, un ami d’ami me racontait comment son fils de 5 ans jouait avec lui à Splendor, auquel il l’avait initié par des règles de plus en plus complexes ; je me suis dit que ma fille n’était pas plus bête que n’importe quel moutard et ai donc tenté l’expérience cette semaine. Bingo : Madeleine adore jouer au « jeu des diamants », comme elle l’appelle, pour l’instant en version collaborative et avec uniquement les cartes les plus simples, qui permettent de lui faire comprendre les complexités du jeu, élaborer des débuts de stratégie et faire un peu de maths sans s’en rendre compte. Il y a aussi, bien sûr, le plaisir de jouer à un jeu de grands, et je sens que si je parviens à complexifier suffisamment nos parties de Splendor, d’autres expériences du même genre suivront…
J’ai écouté :
Buddy Peace, Present 24 Track Sampler - Tout a commencé en 2010, lorsque je découvre que le DJ Buddy Peace, dont je chéris ardemment la musique, s’est lancé le défi fou de créer 100 beats d’une minute, puis de les regrouper en une boîte en édition limitée. Et puis voici qu’en 2018, il remet le couvert avec Present, dont le principe est cette fois-ci de créer 365 beats, un par jour de l’année, sans franchement prendre d’avance et en se laissant porter par l’inspiration. Dans sa globalité, le projet est une incroyable expérience musicale et une très bonne introduction, pour celles et ceux qui y seraient hermétiques, au travail de Buddy Peace en particulier et de beat crafting en général. En une minute, Buddy arrive à créer des ambiances musicales parfois très complexes, qui sautent de la country au hip-hop à l’ambiant, en passant par toutes les sphères musicales pas franchement identifiables, en assemblant entre elles des boucles musicales et des bouts de samples, comme si tout cela avait toujours existé ensemble. Le long de 60 secondes, une ambiance se déplie, et pile au moment où l’on sent qu’elle pourrait durer longtemps encore, devenir de plus en plus complexe, le beat est brutalement tranché et on passe à autre chose. Le plus fou, en écoutant ces pistes à la suite, c’est que la transition de l’une à l’autre n’est que rarement soudaine et qu’on se laisse flotter d’une minute à l’autre comme on ouvrirait une porte pour passer dans une autre pièce. Et si je mentionne cette folle architecture cette semaine, c’est qu’en 2025 Buddy re-remet le couvert, avec re/Present, dont je compte bien savourer chaque minute !
L’arrière-queer de Milouch :
Aujourd'hui, bilan de l'arrière queer, hop hop hop on fait chauffer les tableurs Excel !
Les Marsouines t1 & t2
Et paf je triche dès le début de ce bilan en mettant deux livres ! Les marsouines, c'était ma petite quête personnelle de l'année. Une BD sur une communauté lesbienne rurale plus disponible, plus éditée ! De découverte de la BNF en échange de mail avec l'autrice, j'ai réussi à mettre la main sur les deux tomes de la BD et c'était franchement chouette ! Chouette de voir ce qui animait ces communautés dans les années 80-90, chouette de recevoir ce témoignage du passée et chouette aussi pour les qualités visuelles de l'oeuvre. Bien sur, on est loin du pinacle des Gouines à suivre (ça reste du quasi fanzine) mais c'est très très quali et j'espère en 2025 pouvoir recontacter son autrice et échanger un peu plus avec elle.
Histoire d'une domestication de Camillia Sosa Villada
Dès le titre, j'ai su que ça serait bien. Sûrement un des trucs les plus intenses que j'ai pu lire cette année. C'est cru et honnête, c'est beau et violent.
Un pavé sans concession. De ceux qu'on aime se prendre dans la face. J'attends avec beaucoup de hâte d'autres traductions et d'autres livres de cette autrice.
Anthologie Transfem
Un top très personnel celui-là, mais juste, quelle beauté. C'est une anthologie donc c'est plein de haut et de bas mais les hauts sont si hauts !
De ces textes où l'on s'accroche aux feuilles pour rester vivante.
Où l'on froisse les pages pour les rendre moins tangibles.
Où l'on déchire des morceaux pour briser le miroir que le livre renvoie.
Et voilà, je pense que c'est un peu près tout pour cette année d'Arrière-queer qui fut encore plus intense que la précédente. C'est un exercice qui me plait beauc..
ET BAM, débarque en Y Dorothy Alison qui vient enflammer cette fin d'année
Tout, absolument tout ce qu'écrit Dorothy Alison vient percuter mon coeur de lesbienne. J'en ai déjà chroniqué deux ici mais sachez qu'il y en aura d'autres et que 2025 sera Dorothy Alison !
Elle me trace de nouveaux chemins et éclaire des perspectives inconnues. Ce sont des réponses enfouies qui s'élèvent et de nouvelles clefs qui ouvrent des passages.
Et toi :
Angela : À l’occasion de ma période d’essai sur la plate-forme Mubi (seule plateforme permettant le visionnage d’un film que je cherchais ardemment : Blutsauger - une comédie Marxiste de vampires… film plutôt… intéressant ! J’ai hésité d’en parler ici mais le style du film lent, théâtralisé n’est pas pour tout le monde) j’ai découvert Life is not a competition - but I’m winning. Un court docu-reportage autour du genre dans les Jeux Olympiques, d’un point de vue historique et centré sur l’athlétisme. Un beau récap de l’histoire des JO sous un nouveau point de vue : entre témoignages de femmes et personnes trans, et archives vidéo historiques. On y apprend que les premières épreuves féminines de tous les temps (!) ont eu lieu en… 1928, pour être ensuite interdites, sans raison valable (je vous laisse découvrir ce sur quoi se sont focalisé les médias, plutôt que sur la médaillée d’or Lina Radke). On apprend aussi que le rituel de flamme olympique fut instauré par… les nazis. On y entend des témoignages de femmes trans sur leur vécu actuel, et ce que cela peut apporter de positif auprès des femmes cis (une histoire de 1re et 2e ligne de départ de course !). On découvre Stella Walsh, LA coureuse la plus connue de son époque… aujourd’hui effacée de l’Histoire pour une raison biologique dont elle n’était probablement pas elle même au courant. On a un rappel sommaire mais juste de l’évolution des « certificats de féminité » et autres tests médicaux invasifs (et à conséquences) pour déceler ou « rétablir » un taux de testostérone « trop élevé » chez les femmes (souvent noires) qui « réussissent trop bien »… sans remettre en question le pendant masculin de cette question, avec l’exemple de l’homme le plus médaillé du monde et sa génétique supérieure aux autres hommes. Il y a quelques autres anecdotes, qui font grincer des dents ou bien sourire. C’est un très bon reportage d’une durée de 1h20, que je recommande chaudement, même si on ne s’intéresse ni aux JO ni au sport. Car les JO ne sont jamais une « compétition sportive » uniquement, il y a bien plus. Je ne dirai rien à propos des questions géopolitiques, ni de l’éthique ni des désastres écologiques, qui ne sont pas le sujet ici (même si je vous conseille tous les reportages à ces sujets !). Dans le cas de ces personnes marginalisées, il s’agit de visibiliser, inspirer, donner de potentielles représentations à de jeunes personnes et… habituer le reste du monde à l’existence de ces corps, ces genres, ces athlètes. Car tout comme les stades sont construits sur des bases bancales qui se désagrègent au fil du temps, les normes sociales de genre le sont aussi. « Nous nous infiltrons dans les fissures » :)
mass : J'ai lu Neuromancien de William Gibson, et je dois dire que je l'abordais avec une certaine appréhension. Ce livre, considéré comme une œuvre de référence, a marqué l'émergence du cyberpunk dans le monde.
J'avais peur qu'il ait mal vieilli – après tout, il a été publié en 1984, une année lourde de symbolique en référence à Orwell – et qu'il soit difficile à suivre, entre narration cryptique et débordement de technoblabla.
À ma grande surprise, ce ne fut pas du tout le cas. Le roman se lit comme un polar noir : on suit un groupe qui pourrait tout droit sortir d'une partie de jeu de rôle, chargé d'accomplir une mission pour un mystérieux commanditaire. Avec le recul, il est fascinant de constater à quel point ce livre a été novateur. Je le trouve encore pertinent aujourd'hui. Rien n'a véritablement vieilli, et je suis convaincu que de nombreuses œuvres cultes – comme Matrix, par exemple – n'auraient jamais vu le jour sans lui.
Le roman explore des thématiques comme l'IA et son évolution, qui restent incroyablement actuelles. Même sa vision de la technologie, pourtant conçue dans les années 80, fonctionne encore aujourd'hui. Les quelques références désuètes, comme une ou deux disquettes, sont suffisamment discrètes pour ne pas gêner la lecture.
Le style de Gibson est agréable, et l'histoire est captivante. Les deux personnages principaux sont attachants, et j'ai pris plaisir à suivre leurs aventures.
Je recommande chaudement ce livre, ne serait-ce que pour découvrir à quel point il a influencé tout ce qui a suivi.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Merci à l’ami Jan de m’avoir fait découvrir ces fabuleux making ofs des non moins fabuleux albums de Chris Haughton !
- Jamais je ne m’abonnerai à Netflix et son système fait pour produire de la culture de masse, n’importe quoi tant que ça remplit le catalogue et permet aux gens de jeter un coup d’œil passif à des machins en arrière-plan dans le salon.
- Comme sans doute les jeux de société, les jeux de rôle et bien d’autres choses encore, les jeux vidéos ne sont vus que par un prisme très ethnocentré vers les États-Unis, et c’est bien dommage. Des pans entiers de façons de jouer sont à (re)découvrir…
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si tu aimes chanter.