La compote de Côme #203
Des statues, des vengeances et des chants de Noël.
Du dimanche 15 décembre au dimanche 22,
J’ai lu :
Caracosse - Honte à moi, j’ai oublié de te parler la semaine dernière de Caracosse, magnifique étrangeté bricolée par l’ami JB ! Comme ce n’est pas un jeu complet, mais une sorte de supplément d’univers, ce n’est d’habitude pas le genre de choses que je lis, mais… D’une part, c’est écrit et composé à la main, ce qui rajoute immédiatement 10 000 points dans mes critères personnels ; et puis ça va toucher à la fois à Twin Peaks et au mythe du Roi en Jaune en entremêlant tout ça en une convaincante danse, et je ne peux rester insensible à de telles références. Vraiment une très belle sortie de fin d’année, quelque chose qui ne s’apparente presque plus au jeu de rôle mais au texte d’ambiance, ou à une sorte de littérature expérimentale dont les contours sont encore à défricher…
Ruin In Bloom - Pour des raisons que je ne peux divulguer ici, je m’intéresse en ce moment aux statues, et à ce qu’on pourrait faire avec dans le cadre du JdR. J’ai découvert par hasard cette semaine que d’une certaine manière, Ruin in Bloom avait déjà répondu à ma question en proposant de jouer, eh bien des statues, qui s’effritent lentement dans un jardin dont elles ne voient chacune qu’un angle. C’est un petit jeu poétique qui repose sur trois fois rien, notamment une érosion de la parole et des mots choisis qui ne pourra que plaire à Milouch, et qui nourrit mes réflexions de fort belle manière !
Soul Cemetery - On est rarement déçus avec les créations de snow, qui explorent souvent les mêmes chemins mais à chaque fois en décalage léger avec la ballade précédente, ce qui permet d’éclairer tout cela différemment. En l’occurrence, son Soul Cemetery se détache réellement du lot, d’abord parce que c’est un jeu solo d’horreur et non un jeu OSR de plus, mais aussi parce qu’il se présente sous la forme d’un manuel pour un jeu vidéo des années 1990 totalement imaginaire. Formellement, c’est très inventif, mais je trouve que du côté « jeu » c’est un poil moins inspirant, avec quelque chose qui est plus proche de l’histoire (légèrement) interactive, qui ne s’empare finalement qu’assez peu des codes vidéoludiques dont elle s’inspire. À moins que… Serais-je passé à côté de quelques codes secrets et autres fins alternatives soigneusement dissimulées ?
L’Homme qui savait la langue des serpents - Après le (relativement) court Les Groseilles de novembre, je me suis attaqué à ce bien plus épais (et bien plus connu) volume de l’écrivain estonien Andrus Kivirähk. C’est un roman très ostensiblement pensé comme une satire du paysage politique national de l’époque et ses références à une supposée grandeur passée (ça me rappelle quelque chose…) mais je l’ai surtout lu, au-delà de son réalisme magique très léger et ses moments d’humour grinçant, comme une réflexion sur les querelles entre tradition et modernité qui n’apportent jamais rien de constructif. Comme Kivirähk est quelqu’un de subtil, cette réflexion est agréablement nuancée et accompagnée de tout un tas de rebondissements narratifs qui font tenir la chose. Une bien belle lecture !
Page de pub :
Côme Martin maintenant - Grâce à Nicolas Folliot j’ai découvert les now pages (ici expliqué en français) et je me suis dit qu’au fond c’était bien mieux qu’une page mensuelle d’un blog que personne ne lisait pour raconter sur quoi je travaille là maintenant tout de suite. Et puis ça fait une blague avec mon jeu Ici & Maintenant… Et puis ça me permet aussi de caler des chutes de compote, ces gros livres ou jeux dans lesquels je patauge plus longtemps qu’une semaine et qui m’inspirent tout de même une ou deux pensées. Si tu n’en as pas assez de moi, file donc là-bas !
J’ai vu :
Love Goes Through the Stomach - En ces périodes de fêtes, un bon petit documentaire sur des gens qui se filment en train de bouffer, avec un brin d’ASMR, ça te dit ? Vraiment, comme le dit Camille, si des intelligences extra-humaines venaient à se pencher sur notre civilisation, des compilations comme ça ne leur donneraient pas vraiment envie de nous épargner. Moi qui ai vraiment du mal (pour user d’un euphémisme) avec les gens qui se filment pour ne rien dire, je crois qu’on touche là le fond…
What We Do In The Shadows season 6 - Voilà, WWDITS est fini, pour de bon cette fois. En étant un brin objectif, il faut reconnaître que la série traînait un peu des pieds depuis un moment et cette ultime saison est loin d’être la meilleure ; les épisodes étaient toujours très drôles mais les intrigues pas très inspirées pour des personnages qui avaient déjà tous atteint un point intéressant dans leurs arcs respectifs. C’est resté un vrai plaisir, néanmoins, de retrouver cette bande de clowns avec des dents pointues toutes les semaines, et à mon plus grand plaisir, la série se clôt avec un épisode ultra méta qui est sans doute l’un des plus réussis, non seulement de What We Do In The Shadows, mais même des séries comiques dans leur ensemble. Une très grande façon de partir en beauté, même si cette chanson va me manquer…
Je ne me laisserai plus faire - C’est un beau conte de Noël qui s’imagine dans ce téléfilm : retrouver les personnes qui nous ont fait du mal et leur opposer de petites vengeances, mesquines, de l’ordre de celles qui font du bien. Je ne me laisserai plus faire, premier film de De Kervern en solo (on sait maintenant qui s’occupe de la mise en scène dans ses duos avec Délépine et c’est hélas pas lui) ne va pas beaucoup plus loin mais ça suffit amplement de mélanger de belles touches d’humanité avec des moments totalement absurdes comme il y en a depuis la naissance du Groland, le tout avec une ribambelle de têtes déjà connues des réalisations du duo, et des nouvelles (comme Anna Mouglalis et Raphaël Quénard) qui s’y insèrent avec naturel.
J’ai écouté :
Sufjan Stevens, Songs For Christmas Vol. 8: Christmas Infinity Voyage - Quand vient le moment de trouver un disque de Noël sur lequel écrire des trucs, le choix ne manque pas, et j’aurais pu te parler des compilations ASBF Christmas Forest, petites pépites folk, des Bootie Christmas de DJ BC et compagnie, compilation de mash-ups plus ou moins réussis, des Christmas Drones de Dino Spiluttini, de l’album étrange et obscur d’Oskar Hallbert intitulé XMAS HOT HITS, ou de celui d’Arcade Fire… Mais le boss dans ce domaine est sans conteste Sufjan Stevens et ses 2x5 albums de Noël dont la sortie s’est étalée sur 10 ans. Dans cette masse de bons sentiments et de chants traditionnels, ma préférence va sans conteste au volume 8, d’abord sorti en bootleg avant de revêtir cette pochette absolument pas Noëlienne et de s’éloigner des reprises un peu trop sages pour partir dans les délires électroniques dont Stevens était coutumier à l’époque. Ainsi ce “Do You Hear What I Hear?”( qui pourrait en effet être la bande-son d’un épisode d’anime futuriste et s’envole vers des répétitions entêtantes, pleines de percussions numériques et de voix auto-tunées jusqu’à l’angoisse (suivi par le bien plus discret électroniquement mais aussi bien plus émouvant “Christmas in the Room”) ; l’étrange “It Came Upon A Midnight Clear” qui est clairement un message composé par une civilisation extra-terrestre… et j’en passe, jusqu’au “Child With the Star on His Head”, délire de 15 minutes qui commence tout doux comme une jam entre copaines, qui monte tranquillement dans la grandiloquence dans son premiers tiers avant de passer par une longue parenthèse électrique un brin discordante, avec l’électronique qui revient graduellement… et puis dans le dernier tiers, ça se dénude, il ne reste que quelques notes étirées et en flottement, les derniers grincements du bout du voyage intersidéral. On est arrivés aux limites de l’espace. Il n’y a plus rien que des fragments d’étoiles. Mais peut-être qu’au bout… Ah non, trop tard. Joyeux Noël.
L’arrière-queer de Milouch :
À peu près
Dans mon esprit, Pomme est l'artiste d'un album. J'ai écouté Saisons, Consolations… Mais rien à faire, je n'y retrouve jamais le coup de foudre que j'ai eue pour À peu près. Est ce que c'est le mix ? L'orchestration... Mais dans À peu près il y a tout ce que j'admire du travail de Pomme.
De l'orchestration (mais pas trop), des paroles sublimes, des mélodies parfois entrainantes parfois tragiques... C'est un des rares albums qui parvient à capter la dépression et la mélancolie tout en les teintant de lumière.
Je garderai sous la main « Adieu mon homme » et « La lavande » pour les marches tragiques.
Je chanterai à tue-tête « Pauline » pour conjurer la peur de la compétition.
« Ceux qui rêvent » accompagnera mes nuits qui ne sont jamais d'insomnie.
Enfin, « On brûlera » résonnera dans les longues pièces car il n'est pas de musique plus forte pour les enterrements et les marriages.
Et toi :
Mass : J’ai lu G.O.D.S de Jonathan Hickman et Valerio Schiti. C’est une série de l’univers Marvel, écrite par Jonathan Hickman et illustrée par Valerio Schiti. Bien qu’elle s’inscrive dans cet univers, elle peut être lue indépendamment. On suit Wyn, un homme mystérieux lié à un être ancien et au service d’une entité cosmique. L’intrigue explore une histoire d’amour contrariée, tout en revisitant la cosmologie Marvel de manière ambitieuse.
Le dessin de Valerio Schiti est une vraie réussite. Visuellement, la série se place parmi les meilleures productions récentes de Marvel. Le soin apporté aux illustrations reflète l’importance accordée à ce projet.
L’histoire, en revanche, peut paraître décousue par moments. Les quatre premiers tomes plongent dans une intrigue complexe, introduisant des dieux et des concepts peu familiers. Les tomes suivants se concentrent sur le développement de personnages secondaires, pour se conclure dans un huitième tome que j’ai trouvé confus.
Malgré cela, l’ensemble reste captivant et donne envie d’être relu pour mieux comprendre les intentions de l’auteur. Certains y voient une réflexion sur le choix entre le devoir et l’amour, ce qui correspond bien à l’atmosphère et aux thèmes abordés.
Les personnages, bien que peu nombreux, sont attachants et bien écrits. En seulement huit tomes, ils réussissent à marquer durablement grâce à une écriture concise mais efficace.
En conclusion, G.O.D.S n’est pas une série forcément simple à appréhender, mais le travail visuel de Valerio Schiti et les ambitions narratives de Jonathan Hickman en font une œuvre qui mérite qu’on s’y intéresse. Même si tout n’est pas immédiatement accessible, le mélange entre dessin soigné et concepts audacieux vaut le détour.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Devine qui ruine notre navigation sur Internet ? C’est bien évidemment le capitalisme et son besoin de croissance perpétuelle (attention, article long).
- Les aventures de la voix dans ta tête, ou « comment s’exprime notre voix intérieure ».
- Les meilleures pires phrases des romans de 2024 sont là !
- Si tu n’as pas encore assez d’infolettres dans ta boîte de réception, The Neighborhoods, qui visite méthodiquement les quartiers de New York et que j’ai découvert la semaine dernière, est une formidable mine d’anecdotes et de photographies sur la vie de la ville !
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si tu quieres la feliz navidad.
une ultime compote pour la fin d’année, je regarde sur l’etagere les pots de tous les régals offerts, de mon coté screenshottées, imprimées, quand je e ne recopie pas febrilement à la main certains titres pour les brandir chez un libraire lors d’un retour express à Marseille pour les rentrer derechef dans la barre du navigator et trainer sur internet avec les arborescences d’un titre, d’un artiste, d’une série (de choses qui serrent le coeur)
It's never over until it's over, my dear: il y aura une ultime compote avant la fin de l'année ! Ni la maladie ni la trêve des confiseurs n'auront raison de mon acharnement :) Je suis en tout cas ravi de te lire & de lire que tu me lis, toujours, par-delà les années et les kilomètres !