La compote de Côme #202
Du cottagecore, du drone et du weird.
Du dimanche 8 décembre au dimanche 15,
J’ai lu :
Abode - Il n’y a pas si longtemps, l’ami Cédric m’a demandé s’il existait un jeu de rôle qui utilise les principes de la généalogie : à l’époque je lui ai répondu qu’il en existait à ma connaissance au moins deux (je t’ai parlé du 2e il y a bien longtemps), et maintenant trois avec Abode, qui m’a séduit avec sa couverture et son thème gothique. Malheureusement, c’est une histoire de séduction qui tourne court et les deux jeux précités lui demeurent supérieurs : le système d’Abode fait qu’on se retrouve probablement avec un arbre généalogique un peu rachitique en fin de partie, et la couleur gothique est très faiblement soutenue par la dizaine de pages du jeu. Dans tout cela il y avait les graines de quelque chose de prometteur ; mais au moins, ça m’a donné une idée pour un prochain jeu…
Blake - J’ai beau avoir participé à l’édition 2024 de « Il était une fois un petit jeu de rôle » (avec le jeu Chaque nuit qui a fini par se métamorphoser en MASSE DE CHAIR QUI POURRIT LENTEMENT), je n’ai pas pris le temps de lire les autres participations, et c’est clairement une erreur à en juger par des pépites comme Blake (même si je me suis laissé dire que tout n’était pas de ce niveau). La thématique de Blake ne prend pas de gants et traite très explicitement du trauma et de la façon dont on y survit, avec une mécanique de confrontation de cartes vraiment très maligne. Depuis le temps que je te dis qu’avec peu de mots on peut faire des choses incroyables…
Cottagecore Goblin Lesbians Destroy Capitalism - J’ai vraiment besoin d’écrire un petit paragraphe pour te convaincre de l’intérêt de ce jeu au-delà de son titre absolument formidable ? Eh bien, le jeu est peut-être un tout petit poil trop court, se contenant de développer par touches esquissées un univers capitaliste que nos personnages vont s’empresser de détruire, mais il s’en dégage, notamment dans l’écriture, une réelle jubilation, qui alliée à un système plutôt malin achève de vaincre mes reproches ! Et puis ce titre, nom d’un chien…
Gauze - En complément de Blake dont je te parle un paragraphe plus haut, voici un autre micro-JdR qui parle, non pas de trauma mais de moment de respiration entre deux vagues de violence. Il y a un côté un brin shitpost dans Gauze, mais sa proposition me semble néanmoins tenir debout et, finalement, évoquer quelque chose d’assez poétique avec ces instants de répit si fragiles et pourtant si nécessaires, dont toute ressemblance avec la réalité serait bien entendu fortuite.
À Calicochon - Bon, ce livre que Madeleine a emprunté une nouvelle fois à son école est clairement « la charge mentale expliquée à ma fille », avec une histoire assez peu subtile, d’ailleurs déjà croisée dans des albums plus modernes (en gros, la maman se casse, la maison devient une porcherie, heureusement elle pardonne et revient et tout va bien). Cependant la chute de l’album (que je ne dévoilerai pas ici) fait beaucoup pour sa qualité à mes yeux, tout comme son graphisme un peu rétro… Et puis à cet âge-là, je ne crache pas sur de la propagande de qualité !
Page de pub :
Prête-moi ton cœur électrique - Quoi, un 4e jeu en autant de mois ? Eh bien oui et non puisqu’il s’agit ici en réalité d’un jeu écrit en très grande partie cet été, en très agréable compagnie : l’idée était de se réunir quelques heures, sans idées préconçues, et de créer un jeu de toute pièces, maquette incluse. Bon, sur ce dernier point on a clairement été trop loin dans l’ambition mais pour le reste, ça a plutôt bien marché, avec ce petit bidule qui n’a été testé qu’une fois, puis un peu retouché par mes soins (et pas retesté derrière). Si ça se trouve, ce n’est donc pas un jeu très efficace, mais l’expérience de création, elle, l’a été, et j’ai très envie de retenter le coup à l’avenir !
Et puis sinon, comme mes autres petits jeux récents, Prête-moi ton cœur électrique est dispo sous forme textuelle quasi-brute, avec la promesse d’une plus belle maquette si assez de gens y montrent un intérêt…
J’ai vu :
Weird Games Manifesto - Si je n’ai lu que peu de choses cette semaine, ce n’est pas seulement parce que je suis en plein milieu de deux gros bouquins (dont j’attendrai peut-être le bout la semaine prochaine, suspense) mais aussi parce que l’amie kF m’a lancé ces deux longues vidéos (première partie ici, deuxième là) qui m’ont tout simplement retourné le cerveau. Ça parle d’un festival de jeux vidéos chelous à Berlin qui, en soi, a l’air incroyable, mais en réalité ça parle surtout de l’importance capitale de la création indépendante dans le milieu vidéo-ludique ; et derrière ça, ça parle vraiment de la vitalité incroyable de la création indé en général, dans le jeu vidéo, le jeu de rôle, la BD ou la couture. J’ai été frappé des dizaines de parallèles à faire entre le marché du JV et celui du JdR et la plupart des axiomes développés par Ramo et ça m’a donné de l’énergie et de l’envie à revendre pour les temps à venir. Vraiment un visionnage incontournable si la création indé, c’est quelque chose qui te parle (et vu que tu lis cette infolettre, j’espère que ça te parle un peu !). À mentionner, en sus, le travail parfait de sous-titrage et de référencement sous les vidéos !
Jessica Jones saison 2 - J’ai mis du temps à traverser cette deuxième saison de Jessica Jones pour pas mal de raisons, au-delà de mon peu de temps d’écran ces dernières semaines : je crois que tout simplement, je n’étais pas hyper motivé pour suivre les aventures glauques d’une héroïne sombre et torturée, ce qui est pas mal le cas de JJ, encore plus dans cette seconde saison qui est clairement « la saison de la transition » (narrative) et qui abandonne plus ou moins (plutôt moins que plus) l’idée d’un grand méchant pour aller gratter les concepts déplaisants que sont l’addiction, la rechute et le trauma. Au final, la saison est plutôt réussie, même si elle aurait sans doute gagné à durer quelques épisodes de moins, et je suis assez curieux de voir quelle direction la 3e (et dernière) saison va prendre…
J’ai écouté :
Strange Mountains, Sea Swords - Ç’aurait pu en être un autre, ça a été celui-là : du drone / ambiant de qualité, par un obscur artiste indonésien que j’ai découvert je ne sais plus trop comment, qui est venu se glisser dans ma playlist et enserrer mes pensées parasites, comme un long exercice de méditation par les oreilles. C’est une ondulation qui commence avec de longs étirements de notes basses , à en faire vibrer tes enceintes, puis qui se poursuit par une série de petites pétarades, comme des pas perdus dans une salle contenant trop d’échos. Et puis, enfin, des chœurs venant d’un autre monde, comme pour nous rappeler qu’ailleurs, peut-être, se cachent de meilleures lumières. En attendant, la chaleur froide de Sea Swords fait du bien à l’âme.
L’arrière-queer de Milouch :
Feel Good
Quelle série au titre mensonger !
Je vous refais le topo. Nous sommes en septembre et ma copine et moi cherchons un brin de réconfort après la nomination de Michel Barnier (ça nous rajeunit pas hein...?). Du réconfort oui, mais du réconfort LGBT quand même !
Alors, on tombe sur une série qui s'appelle Feel good qui parle d'une lesbienne humoriste. Franchement, tout ce dont on avait besoin ! En plus, ya pas Bruno Retailleau dans le cast... Naïves que nous étions. Car en effet, Feel good c'est pas très feel good (mais c'est extraordinaire quand même).
C'est une mini-série autour d'une humoriste lesbienne et canadienne qui vit en Angleterre. La série tourne autour de sa nouvelle relation avec une meuf bi pour qui elle est la première relation lesbienne et de son (ancienne) addiction aux psychotropes.
C'est souvent sombre et désespéré, plein de ces moments weird mais en même temps très réels de la vie d'adulte. Je retiens des relations fuckées avec des parents, un coming out spectaculaire en milieu hétéro et toujours ce décalage, étrange et délicieux.
J'ai une tendresse particulière pour ces séries comme Master of None qui reprennent des formes de séries d'apprentissage mais pour jeunes adultes. Et j'espère pouvoir en découvrir d'autres (toujours sans Guillaume Kasparian s'il vous plait).
Et toi :
mass : J’ai vu par hasard DAN DA DAN, un anime qui vient juste d’arriver sur Netflix. Pour être honnête, je ne regarde pas spécialement d’anime et je ne suis pas un fan absolu du genre, mais là, impossible de décrocher : j’ai enchaîné les 9 épisodes disponibles d’une traite. Il en reste 3 à sortir au moment où j’écris ces lignes.
L’histoire suit Momo, une lycéenne, qui fait la rencontre de Ken. Après un défi complètement absurde, ils se retrouvent embarqués dans des combats contre des démons et des extraterrestres. C’est un univers totalement déjanté, avec un humour très décalé et des dialogues qui n’arrêtent pas de tourner autour des organes génitaux (un sujet central dans la quête des extraterrestres, apparemment). Derrière cette absurdité se cache aussi un sous-texte féministe, bien que traité avec cette touche parfois un peu naïve et exagérée propre aux productions japonaises.
Tous les personnages sont excellents, même les rôles secondaires qui gravitent autour de nos deux héros. Le dessin, typique de l’anime, est vraiment superbe et correspond parfaitement à mes goûts.
Franchement, j’attends la suite avec impatience ! Je précise que cet anime s’adresse clairement à un public adulte, mais si ça ne vous fait pas peur, je le recommande vivement.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Cette liste des 100 meilleures couvertures de livres parus en 2024 est bourrée de choses incroyablement jolies et malignes.
- Dans la loi britannique, il y a deux types de personnes : le crétin pressé et le type qui prend l’omnibus vers Clapham.
- Un rappel salutaire que les algorithmes prédictifs, parmi leurs dizaines de points négatifs, aliment à fond le prolétariat numérique, c’est-à-dire les travailleurs·euses, le plus souvent très précaires, qui aident manuellement l’algorithme à progresser et trient tous les jours les contenus les plus problématiques.
- Mais pourquoi on s’embrasse, au fond ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si toi aussi tu veux mettre le bulletin Bayrou dans l’urne (avertissement de contenu : vieillerie très gênante).