La compote de Côme #200
De la vengeance, des scouts et pas d'arrière-queer.
Du dimanche 24 novembre au dimanche 1er décembre,
J’ai lu :
Sur la route de Chrysopée - J’ai oublié de te dire la semaine dernière que j’avais profité de la réédition récente de Sur la Route de Chrysopée, dont je t’ai déjà parlé, pour relire ce jeu épistolaire qui m’est cher… Je me souvenais plutôt bien de sa mécanique et de la relation entre Mentor et Disciple qu’il tisse habilement, mais j’avais à peu près tout oublié de son univers vaguement steampunk, construit autour des vents et de la circulation des messages. Il y a quelque chose d’assez doux dans la façon dont les villes et paysage de SLRC sont décrits… et j’avais aussi tout oublié de la façon dont le jeu nous pousse à réinvestir notre quotidien, transformant en morceaux de fiction des choses aperçues et ramassées dans la rue. Ce n’est pas l’aspect du jeu qui m’intéresse le plus (je crois d’ailleurs qu’on l’avait vite écarté lors de nos parties) mais tout cela contribue décidément à faire de Chrysopée un très bon jeu, en avance sur son temps par bien des aspects !
Vengeance California - Dans une toute autre ambiance, ce jeu de rôle aux mécaniques fortement inspirées par ce duo iconique que sont Lasers & Feelings et Honey Heist ne cache pas son programme, présent dès le titre : ici, on va parler de vengeance et de violence, et on va le faire bien. J’en imagine les parties pleines d’adrénaline et de gerbes de sang, et si j’ai trouvé que son style graphique ne colle pas tout à fait à sa nervosité, j’avoue avoir été plutôt convaincu à la lecture !
Dealers Choice - Peut-être est-ce parce que je bosse sur un projet de jeu de cambriolage en ce moment, mais j’ai été séduit par l’ambiance « film noir » de Dealers Choice qui présente une bande de criminels véreux et tout un tas de situations grâce auxquelles ils pourraient s’enrichir, situation assez classique mais très bien exploitée ici. Et puis l’idée de joueur·euses qui disposent chacun·e de leur paquet de cartes et composent des mains gagnantes et toutes circonstances, si possible à travers l’épaisse fumée de leurs cigares, me plaît aussi !
The Conservatory - Il y a un autre jeu possible où cette couverture annonce l’exploration d’un Conservatoire étrange, bourré de secrets et de choses qui font peur… Ce n’est pas tout à fait ce qu’on trouve dans The Conservatory, dans lequel on va plutôt se servir de cartes de tarot pour imaginer l’histoire de ce lieu étrange et effrayant, et surtout (c’est ce qui a motivé mon achat) la façon dont cette histoire s’étale sur un temps long, voire très long. Je ne suis pas sûr que ce genre de jeux dans lequel le récit passe au second plan derrière l’élaboration un brin plus abstraite de plans et de cartes, mais dans cette famille-là il touche le haut du panier !
Le Port intérieur - Toujours pas lancé dans le dernier Volodine (dans tous les sens du terme) je suis plutôt allé dénicher ce petit volume datant de 1995, trouvé à la médiathèque et pas encore exploré. Moi qui ai l’habitude du Volodine des paysages d’après l’apocalypse post-soviétique, dans lesquels tout se délite, y compris la narration et les identités, j’ai été un peu désarçonné par ce Port intérieur : on y retrouve les mêmes obsessions pour des personnages qui glissent d’un (pro)nom à l’autre et pour des intrigues fluctuant entre rêve et littérature, mais dans un décor beaucoup plus réaliste, qui ne nous apparaît comme fantasmé que par son éloignement géographique. Une sorte d’entre-deux, en somme, entre une littérature d’anticipation et ce qui se construisait déjà, par petites touches, comme le post-exotisme.
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Ind of the Year 2024 - C’est pas souvent que mes jeux sont inclus dans des bundles, la plupart du temps parce que je ne suis pas assez connecté pour me mettre en relation avec les cool kids, ce qui me fait régulièrement rater le coche. Mais pas cette année, puisque mon petit jeu de sorcières en conversation se retrouve inclus dans un pack regroupant tout un tas de pépites sorties cette année, dont plein de trucs dont je t’ai parlé dans cette compote, comme The Voice in the Woods, Sound Check, The Summoned et j’en passe… Utilise les archives, je vais pas faire tout le boulot ! En tout cas, me voici un cool kid moi aussi, une bonne façon de célébrer 200 (!) numéros de la compote, non ?
J’ai vu :
Hilda saison 1 - Après avoir lu, relu et rerelu les bandes dessinées d’Hilda avec Madeleine, il était temps de l’initier à la série animée… Ce qui est à présent chose faite ! Dans mon souvenir, les saisons suivantes d’Hilda deviennent plus sombres et plus complexes, s’éloignant des trames des tomes de la BD, mais ce n’est pas le cas de cette première saison qui suit à peu près le même canevas en étoffant beaucoup les personnages secondaires. Sans surprise, Madeleine veut à présent être une scout et vivre dans les bois, je considère donc ma mission comme réussie. Quant à moi, c’était un plaisir de revoir cette série dont je t’avais déjà parlé en très bien il y a 3 ans !
J’ai joué à :
Hive Pocket - Alors voilà, avec Camille nous sommes devenus des petits vieux et désormais nous passons une bonne partie de nos soirées à faire des puzzles, un passe-temps sur lequel je pourrais t’écrire beaucoup mais qui s’insère mal dans une compote. Heureusement que j’ai un club de jeux de société au lycée qui me permet de tester de nouvelles choses dans le même temps ! Par exemple ce Hive Pocket, petit jeu de stratégie et de placement à deux qui réinvente les échecs avec bonheur : on a une pièce faible à protéger, d’autres qui se déplacent chacune selon leurs propres règles, à ceci près qu’il n’y a pas de plateau et que tout cela peut pas mal bouger, tant qu’il n’y a pas d’amas de pièces séparées… Ce qui est rigolo, c’est que je suis absolument nul à ce genre de jeux, mais j’aime quand même beaucoup y jouer. Du coup, l’élève qui était en face de moi m’a rétamé 3 fois d’affilée, mais j’ai passé un bon moment et suis convaincu qu’il s’agit là d’un très bon jeu !
J’ai écouté :
Del, Songs We Wrote (#1) - Même si je n’avais rien su de cet album, si j’étais tombé par hasard sur sa première chanson, avec son intro qui mélange chœurs vaporeux et rhodes avant d’exploser sur un riff de batterie endiablée, je serais immédiatement tombé amoureux de Del. Mais il se trouve que Del est par ailleurs le groupe de Mickaël Mottet avant Angil, une personne et un type de musique qui m’est très cher, à savoir de la pop savante bourrée d’auto-références et de mélodies diablement efficaces… Évidemment, sur ce Songs We Wrote (pour lequel il n’existe pas (encore ?) de « #2 »), tout ceci est encore un peu en construction, en tâtonnements, et on n’approche pas toujours la perfection du “Answering Machine Song” ; mais, tu le sais, j’aime les choses bricolées, avec les voix qui tremblotent un peu et les amplis saturés, alors de la pop imparfaite, ça me va très bien. Et puis, cachée presque à la fin de l’album, il y a cette merveille qui lui donne son titre : piste à rallonge, à la mélodie impeccablement ciselée, une fois de plus, et surtout pirouette musicale pendant laquelle les 3 membres du groupe se payent le luxe de changer de place, et d’instruments, en plein milieu de la chanson (tend l’oreille !). Et cette belle énergie de la jeunesse se conclut avec une chanson fragilement chantée, qui ouvrira plus tard un album de Angil & the Hiddentracks, car rien ne se perd chez Mottet. Pour finir, un fun fact : moi, j’ai la version bleue de l’album.
Et toi :
mass : j'ai lu L’Anomalie d’Hervé Le Tellier. Récompensé par le prix Goncourt en 2020, c’est un roman qui s'inscrit dans la littérature blanche tout en empruntant subtilement des éléments à la science-fiction. Hervé Le Tellier utilise ces touches de SF non pas pour en faire le cœur du récit, mais pour créer un point de bascule qui pousse ses personnages à réfléchir sur eux-mêmes et sur leur existence. C'est un livre qui questionne davantage la psychologie humaine et les implications philosophiques d'une situation extraordinaire qu'il ne s'attarde sur l'aspect purement fantastique.
Dès le début, le roman joue sur plusieurs registres. Le premier chapitre laisse penser à une intrigue qui pourrait suivre une autre direction, mais très vite, une anomalie physique – au sens propre – devient le pivot de l'histoire. Elle réunit plusieurs personnages, dont les destins s'entrelacent à travers ce phénomène inexplicable. Parmi eux, un écrivain qui rédige un livre intitulé L’Anomalie, un clin d'œil astucieux qui brouille les frontières entre réalité et fiction et interroge sur le rôle de l’auteur dans son récit.
Cependant, il ne faut pas s’attendre à une intrigue au sens traditionnel. Ce que propose le roman, ce sont plutôt des fragments de vie bouleversés par cette anomalie. Hervé Le Tellier s’attarde davantage sur les répercussions individuelles que sur une progression narrative classique. Pas de résolution spectaculaire, mais un tableau d'existences chamboulées par l'inattendu. Les personnages réagissent avec une normalité désarmante : leurs émotions et leurs choix sont ceux d’hommes et de femmes ordinaires, pas de héros, simplement des êtres humains confrontés à une situation hors norme.
C’est d’ailleurs ce que j’ai trouvé particulièrement réussi dans ce livre : il se concentre sur des expériences humaines crédibles et sur la manière dont chacun peut gérer l’inconcevable. L’Anomalie se lit facilement, sans être un page-turner. Loin de privilégier le suspens, il captive par son approche réaliste et ses réflexions sur les identités chamboulées. Quant à l’idée SF, bien qu’effleurée et reléguée au second plan, elle aurait mérité d’être approfondie dans un autre contexte ou un autre livre.
En somme, L’Anomalie est un roman intelligent et accessible, qui ne cherche pas à en faire trop. Il nous montre simplement des hommes et des femmes dont la vie bascule, et qui réagissent comme on pourrait s’y attendre dans la vraie vie. Pas de héros, pas de dénouement spectaculaire, mais une observation subtile de ce qui rend chacun humain. Si vous aimez les récits qui explorent des vies chamboulées par l’inexplicable, ce livre pourrait bien vous séduire.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Je me suis inscrit cette semaine sur BlueSky, vraiment en traînant des pieds parce que je n’avais aucune envie de revenir traîner sur les réseaux sociaux. Mais bon, j’y ai appris l’existence des Umarell et rien que pour ça, ça valait sans doute le coup.
- Cette semaine j’ai aussi écouté cette très longue interview de Julien Pouard, vraiment passionnante. On y parle de trop de sujets pour les énumérer ici mais entre autres des multiples façons d’arriver au jeu de rôle, sous ses multiples facettes.
- Les états-uniens ont vraiment des surnoms étranges qui n’ont pas grand chose à voir avec les prénoms dont ils sont tirés…
- Ça y est, les orques font à nouveau n’importe quoi.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si tu fêtes le numéro 200 plus dignement qu’à Ste-Foy.