La compote de Côme #199
Des bouquinistes, des cabarets et des bananes.
Du dimanche 17 novembre au dimanche 24,
J’ai lu :
Bestiaire de bouquinistes - Les éditions Tahin n’éditent pas seulement des guides d’autodéfense numérique : on trouve également sur leur site quelques traductions de fanzines punk, dont ce Bestiaire qui se situe quelque part entre fiction et autobiographie et travaille à faire le portrait de libraires et bouquinistes new-yorkais et du milieu dans lequel ils grouillent. C’est souvent décalé, émouvant, nostalgique, un brin pathétique… Bref, c’est une fresque kaléidoscopique qui donne envie d’aller fouiller dans le bac des occasions du quartier.
Just Passing Through - Il semble que l’autrice de ce jeu n’a pas connaissance d’un autre jeu dans lequel 2 personnages se retrouvent après avoir été séparés, l’un partant à l’aventure, l’autre restant sur place… et pourtant, il y a pas mal de points communs entre Just Passing Through et Elle a voyagé / Elle est restée ! Les deux jeux divergent néanmoins sur la façon dont on les manipule, celui-ci tournant beaucoup autour d’une série d’amorces narratives qui construisent peu à peu un passé commun, plutôt que sur un dialogue entre les deux personnages. Tant mieux, cela prouve qu’à partir d’une bonne idée on peut faire bien des choses…
Dungeon Girls - Je pourrais, puisque Snow réécrit toujours le même jeu, en changeant quelques détails, en polissant quelques mécaniques, réécrire ce que j’ai déjà dit sur My Body is a Cage, sur Songbirds, sur .dungeon, tous ces jeux OSR qui cherchent autre chose, de l’ordre du seuil entre réalité, jeu de rôle et jeu vidéo. Dungeon Girls surfe sur cette crête en ayant la particularité d’être, pour le moment, un objet pas fini et donc plus difficile que les autres à naviguer, dans lequel le ton semble plutôt être du côté du body horror. Comme d’habitude, on y trouve plein de petites choses malignes, peut-être un poil trop pour ma charge mentale (en tout cas sous cette forme non maquettée), mais desquelles on est sûr·e de tirer quelque chose. Mention spéciale à l’absence d’illustrations, remplacées ici par des encadrés de commentaires qui semblent dissimuler quelque chose…
Page de pub :
Un générateur pour Green Dawn Mall - C’est tout à fait cul-cul à écrire, mais les créations d’autres personnes à partir de mes jeux demeurent l’un des trucs qui me fait le plus plaisir dans ma petite carrière d’auteur. En l’occurrence, un fan de Green Dawn Mall s’est attelé à ce site absolument incroyable, qui suinte les années 90 par tous les pixels et fournit une sorte de complément au jeu, avec des noms de magasin et leur description, des générateurs de plein de choses et même un scénario clef en main ! De quoi me donner envie de dépoussiérer les couloirs du centre commercial…
UNE MASSE DE CHAIR QUI POURRIT LENTEMENT - Mais oui Côme Martin, lance-toi dans un nouveau projet, comme c’est intelligent… C’est pas ma faute d’avoir eu l’idée d’une série de jeux solos qui pourraient finir par s’emboîter entre eux, et d’avoir jeté à la poubelle mon idée de jeu dans lequel on incarne un·e vampire pour quelque chose de plus intéressant ! Bref, voici mon jeu du mois, qui comme tous les mini-JdR désormais est mis gratuitement en ligne sans mise en page particulière, tâche à laquelle je m’attellerai si le jeu se vend un peu. Du coup, si le jeu te plaît, et si tu veux qu’il soit un peu plus joli, tu sais ce qu’il te reste à faire !
J’ai vu :
Last Week Tonight saison 11 - C’est la première fois, je crois, que je chronique Last Week Tonight dans cette compote, alors que ça fait 11 ans que je regarde l’émission : sans doute parce qu’il est difficile de trouver quelque chose d’intéressant à dire sur une émission d’infotainment qui a un rythme de croisière depuis un moment et ne se renouvelle pas tant que ça d’une année à l’autre. Mais l’actualité, elle, évolue : particulièrement aux États-Unis (qui sont le cœur de LWT) mais aussi ailleurs, ça se durcit, les nuages sombres s’amoncellent, et on comprend que quand ça va péter, ça va faire très mal. Le commentaire de John Oliver dans la dernière émission de la saison, qui vient après la réélection de Donald Trump, me semble approprié : on risque de beaucoup souffrir, sur un plan global, dans les années à venir, alors continuons de rire quand on le peut. À ceci j’ajouterais qu’il faut continuer les choses dérisoires, mais aussi construire ses terriers, prendre soin les un·es des autres, former des poches de résistance qui peuvent appuyer sur le contexte local (parfois tellement local qu’il en devient personnel) plutôt que de chercher les leviers pour soulever globalement un monde qui s’affaisse plutôt qu’il n’explose. Ce sera toujours ça de pris.
Chaillot Expérience #3 - CabaretS - Voilà, nous sommes arrivé·es à une conjoncture dans laquelle il est possible de boire un verre hors de prix face à la tour Eiffel illuminée pendant que, sur un air d’accordéon, la Baronne du Bronx fasse semblant d’enculer David Noir. En d’autres termes, le cabaret queer est devenu hype et s’invite dans des lieux comme le théâtre Chaillot, pour mon plus grand plaisir : ça donne des instants hilarants, d’autres à la beauté suspendue, comme tout bon spectacle de cabaret en somme. Mais ce n’était pas tout car ce soir-là il y avait aussi moult autres attractions de côté, que je n’ai que peu vues, mais aussi du beatbox assez décevant et un passage bien trop rapide du toujours impeccable Nosfell, auto-créature d’un monde intérieur. J’ai découvert cette semaine ce concept foutraque des « Expériences » de Chaillot, quelque chose qui me reste un peu inaccessible dans sa branchitude mais qui, cette fois-ci, tombait plutôt bien !
J’ai écouté :
Les Éloignés - Mon amie Jessica m’a recommandé vendredi dernier cette série radiophonique, je l’ai terminée dimanche soir, c’est te dire à quel point son récit m’a avalé. Il faut dire qu’elle touche à certaines de mes marottes actuelles : ses personnages qui ne peuvent plus vieillir sont ici explorés sur le temps long, et l’on suit plus de 30 ans de leur existence, avec leurs relations qui muent, leurs réflexions qui se tendent et le monde extérieur qui ne leur fait pas de cadeau. Il ne faut pas aller chercher du réalisme dans la façon dont Les Éloignés traite la façon dont cette étrange maladie impacte le monde ; la série est clairement plus intéressée par la façon dont elle impacte les individus, et c’est très bien comme ça. Je regrette presque sur ce point l’intrigue, disons « policière » qui prend plus de place dans les derniers épisodes pour insuffler un peu de suspense à l’ensemble : une histoire de drame humain, c’était déjà suffisant !
L’arrière-queer de Milouch :
Les femmes qui me détestent
Je dois énormément aux éditions Hystériques et associées.
Si vous lisez cette chronique depuis quelques temps, vous l'avez peut être remarqué.
Stone Butch Blues, Valencia, Matérialisme trans et d'autres que je n'ai pas encore pu chroniquer.
À chaque fois, elles mettent sur mon chemin des livres qui m'ouvrent la tête avec tendresse et viennent se loger dans mon crâne.
C'est le cas de Les Femmes qui me détestent de Dorothy Alison.
C'est la poésie lesbienne absolue. La chaleur des amantes et la froidure de la haine.
Car derrière les femmes qui me détestent, il y a les lesbiennes et les amantes. Ces figures qui marchent dans la nuit la tête brûlante parce qu'on les a aspergées d'essence.
Je n'ai pas le même parcours lesbien que Dorothy Alison mais je me retrouve dans sa plume et dans ses mots plus que nul part.
Elle parle pour elle
Elle parle pour nous toutes
Aux larmes qui sont montés pendant la lecture
Aux pages que j'ai du annoter pour y survivre.
Je vous laisse avec cet extrait qui se gravera dans nos peaux.
«
J'ai compris que la chose que personne ne disait
était celle contre laquelle on ne pouvait rien.
Si personne ne disait Lesbienne
Je ne pouvais pas dire fierté.
Si personne ne disait Tordue
Je ne pouvais pas dire courage.
Si personne ne m'appelait
Bâtarde, bonne à rien, idiote, putain
Je ne pouvais pas me saisir de ma propre parole,
de mon amour pour celle de mon espèce,
pour moi-même.
»
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- En Nouvelle-Zélande, le parti Maori ne déconne pas quand il est en colère.
- Tu n’auras pas lu cette compote pour rien, puisqu’elle t’apprendra (peut-être) que la banane est techniquement une baie.
- Pas plus que Léo Henry qui m’a fait découvrir ce clip, je ne comprends ce qui s’y raconte, mais j’adore.
- Un site pour les amoureux de la typographie, des vélos, voire des deux à la fois (merci Antoine !).
- Quand j’ai vu passer ce lien vers 50 photos de banques d’images absurdes, je me suis dit que ce serait chouette pour cette rubrique de la compote. Mais il y a un twist, que je te laisse découvrir et qui rend l’ensemble encore plus absurde et délicieux à mes yeux.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si tu survis à “Faster of Puppets”.