La compote de Côme #196
Des skieurs, des passages secrets et des clubs de littérature.
Du vendredi 25 octobre au dimanche 3 novembre,
(oui j’ai mal programmé l’envoi de la compote précédente, c’est la vie)
J’ai lu :
The Details of Our Escape / GoGoGolf - Ayant adoré les précédents jeux de Possible Worlds Games, en particulier Wishless et Scene Thieves, j’ai jeté un œil intéressé sur les deux dernières sorties du label… Et j’avoue avoir été assez déçu. The Details of Our Escape est le meilleur des deux, avec son histoire de caravane dérivant éternellement et ses milliers de personnages dont on suit les aventures en posant des dominos représentant le chemin de ladite caravane ; mais le jeu est accompagné d’un texte de fiction que j’ai trouvé infiniment plus intéressant que la proposition ludique elle-même, en particulier parce que ce texte introduit l’idée d’un livre dont le contenu change avec chaque lecteur et que cette idée géniale n’est pas du tout utilisée en jeu. Quant à GoGoGolf, ce n’est guère plus qu’un teaser qui introduit l’idée d’un monde où tout se règle par le golf, donne une pincée de règles pour émuler cela, et se conclut au bout de 16 pages avec guère plus, alors que le concept promettait du lourd… Bon bé on ne gagne pas à tous les coups.
Le Mauvais génie (une vie de Matti Nykänen) - Camille m’a mis ce petit volume entre les mains en me promettant que même sans être intéressé par le ski, ce serait chouette, et elle avait raison ! Freudiger a en effet le chic pour faire de la vie de Nykänen une saga finlandaise, avec ses hauts et ses bas, ses moments de grâce et ses descentes aux enfers, avec un réel talent pour produire de petites vignettes de vie, comme une autobiographie très condensée. Ça m’a frappé à quel point la trajectoire de Nykänen est proche de celle d’un Gérard Depardieu, dans un tout autre domaine : jeune homme plein de talent à qui on pardonne son caractère bougon, puis à la fois risée et chouchou des médias qui jubilent à chaque excès, puis faits divers de plus en plus glauques et révoltants. Par contre, pas sûr que je sois très intéressé par un livre équivalent sur Depardieu…
Pico - C’est toujours difficile de juger de l’intérêt d’un jeu avec une version playtest, mais lorsque celle-ci fait 99 pages, ça donne une bonne idée… En l’occurrence, l’idée de jouer des insectes ne me hype pas plus que cela, même avec un système qui fonctionne et de beaux dessins, il y a dans le bouquin de bonnes idées à repiquer, notamment dans la progression narrative (un système de breaks et de cuts qui freine les succès trop exagérés tout en affectant un certain rythme aux parties), et pour moi, c’est déjà pas mal !
Tramp Assassins - La vignette de ce jeu, d’une laideur assez peu commune, ne lui rend pas justice, car derrière ces laids atours se cache un jeu assez malin dans lequel on incarne des hobos… qui se trouvent être aussi des assassins. Clairement, dans le même style, je préfère largement un Vagabonder dans les étoiles, mais la maquette avec des bouts de carton de Tramp Assassins et son système de jeu de dés à combinaison est attirant, et la postface du jeu rend clair l’attachement particulier de l’auteur à son jeu.
Le Cercle des Preux - Que les choses soient claires : un mini-JdR grand comme une carte postale n’a clairement pas le droit d’avoir une illustration aussi magnifique, j’appelle ça de la concurrence déloyale. Ceci étant posé, Le Cercle des preux est assez bien fichu dans son genre, avec son idée de jouer non les héro·ïnes mais ceux et celles qui rendent leur gloire possible, et une mécanique de jetons librement donnés qui permettent de rythmer la partie comme on le souhaite. Un banger, donc !
Mon passage secret - En parlant de banger, je me rends compte que je ne t’avais pas encore parlé de cet album découvert l’an dernier et redécouvert pendant ces vacances, trop la honte ! Je profite que sa suite (pas encore lue) soit sortie pour le remettre sur le devant de la scène, car il le mérite amplement… Il y a là-dedans tout pour me plaire : le style graphique bien sûr mais surtout une construction narrative extrêmement habile, qui va crescendo dans les révélations et les aventures de Liz et Louis, jusqu’à un fin méta des plus appréciables… Le fait qu’on ait lu l’album 3 fois en 3 jours ne trompe pas, c’est là un futur classique !
Together and Ever - Parfois, le vrai jeu se trouve à la fin du fichier… Ainsi avec ce Together and Ever, téléchargé pour la promesse de jouer quelque chose inspiré de Ranelot et Buffolet, avant de me rendre compte qu’on me proposait ici quelque chose en narration libre, donc que « j’aurais pu faire moi-même » (ça y est, je faiss partie de ce genre de personnes…). La véritable bonne idée de T&E, pour moi, se situe dans sa dernière page, qui propose 100 titres d’aventures différentes, telles « La fermeture éclair » ou « Le gâteau » : je crois qu’au fond, c’est à partir de ça que j’ai envie de jouer !
Créatures et aventures - Je ne parle sans doute pas assez de jeux de rôles francophones dans cette compote et c’est une erreur que je tente de rattraper quelque peu avec ce très réussi Créatures et aventures ! Moi qui ne suis pas plus fan que ça des univers de fantasy et qui n’ai aucune appétence pour la licence Pokemon, C&A réussit à me faire aimer les deux, avec un système de règles le plus minimal possible mais surtout des tonnes de conseils sur comment créer un univers de jeu et l’animer séance après séance pour y mener une campagne mémorable… J’y retrouve beaucoup de mes habitudes de jeu et un ton à la fois léger et malin, qui me donne envie d’appliquer beaucoup de ce que propose le jeu dans d’autres contextes (toute la partie sur les antagonistes, par exemple, aurait tout à fait sa place dans un Hex & the City !)…
Do A Power Bomb! - Comme l’ami Gulix qui a recommandé cette bande dessinée, je suis plutôt amateur de catch, en n’en ayant quasiment jamais vu en vidéo ; mais, comme le dit Daniel Warren Johnson dans la préface de sa BD, c’est difficile à expliquer pourquoi le catch c’est si cool sans en avoir vu en vrai. Toujours est-il que Do A Power Bomb! retranscrit plutôt bien l’énergie dégagée par les matchs, en mettant de côté le public et en transposant le tout dans un concept de match de catch organisé par un nécromancien planqué dans le multivers, dans lequel rien n’est chiqué. L’histoire n’a en réalité pas grand intérêt, même si les passages émotionnels fonctionnent plutôt bien, et j’aurais préféré quelque chose qui prenne le temps plutôt qu’une surenchère permanente (le dernier chapitre étant particulièrement gratiné de ce point de vue là). Mais ça m’a donné ma dose de catch pour la semaine, et c’est déjà pas mal !
J’ai vu :
Fantasmas - Ça doit être un sacré bazar, dans la tête de Julio Torres, qui laisse ici libre recours à ses délires encore plus que dans The Shape of Things ou Problemistas. Fantasmas est une série, dans le sens où il y a des personnages récurrents et une intrigue qui se développe petit à petit, mais tout ceci n’est clairement qu’une excuse pour se lancer dans des vignettes surréalistes qui parviennent à former un tout cohérent et à tenir la ligne entre l’absurde et le n’importe quoi. Il y a peut-être plus d’imagination et moins de cœur dans cette variation-là des univers mentaux de Torres, mais avec cette touche qu’on ne trouve nulle part ailleurs, et dans laquelle je me perds toujours avec plaisir…
Only Murders in the Building saison 4 - Cette saison de OMITB est une série de détours : un détour par Hollywood, avec plein de guest stars ; un détour de l’autre côté de l’immeuble des protagonistes, avec encore d’autres guest stars, et une sous-intrigue sans rapport avec le meurtre titulaire de la saison ; un détour chez la sœur (jamais vue jusque là) de l’un des personnages ; en bref, une série de petites distractions pour détourner notre attention d’une intrigue finalement assez creuse même si comprenant le bon ratio de sentimentalité. Cette 4e saison était plutôt plaisante à regarder, mais alors que la série se perd dans son nombril (et le nombril des gens riches, bon), enchaînant blagues auto-référentielles et rappels de questions non élucidées des saisons précédentes, il est peut-être temps d’aller vers la fin…
Alice au pays des merveilles - Nous étant rendus compte que Madeleine, qui connait très vaguement l’histoire d’Alice, n’avait jamais vu le film de Disney, nous nous sommes empressés de rattraper cette erreur ! Un plaisir (je crois) pour elle, même si vu la dinguerie du film et son absence totale de récit cohérent ne rend sans doute pas les choses aisées à comprendre à son âge. De mon côté, je me suis étonné de constater à quel point je connaissais encore la majorité des dialogues et des (très nombreuses) chansons par cœur, et j’ai compris d’où me vient ce goût très ancien pour les choses absurdes et tordues…
Piège mortel à Hawaï - Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas regardé un nanar avec des ami·es, et quoi de mieux pour reprendre cette bonne habitude qu’un des nadirs du genre, du moins dans son versant mainstream ? Je n’irais pas, comme naguère, jusqu’à prétendre que c’est un film féministe, eu égard notamment à ses nombreuses paires de (faux) seins montrés à l’écran et ce dès les premières 90 secondes du film, mais il faut bien constater que dans Piège mortel à Hawaï les hommes sont au mieux incapables, au pire débiles, et les femmes portent la réussite et l’action presque de bout en bout. Et quelle action, avec des serpents contaminés, des lance-roquettes et du kung-fu, sans parler des répliques qui émaillent tout cela… Vraiment, si tu n’es pas familier·e du nanar, voici une excellente porte d’entrée !
J’ai joué à :
Doki Doki Literature Club Plus - Depuis des années mes amis gamers me vantaient ce jeu de visual novel, genre très populaire notamment au Japon et dans lequel le gameplay est réduit au minimum (on appuie sur un bouton pour faire les dialogues et de temps en temps, un choix nous amène vers telle branche ou telle autre de l’intrigue, qui est très souvent d’ordre romantique). Je savais qu’il y avait un twist (sinon on ne me l’aurait pas recommandé), mais je ne connaissais pas la nature dudit twist ni quand il surgissait dans le jeu… J’ai donc été très plaisamment surpris lorsqu’il m’est tombé dessus, et je n’en dirai pas plus ici, évidemment, sinon qu’il change du tout au tout la nature de ce à quoi on joue. Néanmoins, au-delà de la bonne idée de son twist, DDLCP s’éloigne finalement assez peu du visual novel classique, auquel je n’adhère que peu, et ses chapitres supplémentaires n’apportent pas grand chose sinon une profondeur à des personnages qui n’en demandaient pas tant. Sans compter que je n’ai pas compris comment atteindre la « bonne fin » du jeu sans la chercher sur Internet…
Fort - J’ai très rapidement été attiré par l’esthétique de ce jeu et son concept d’allier principes de deck building et bandes de copains qui se composent et se décomposent, et j’ai enfin trouvé le temps cette semaine de le tester ! La première partie n’est pas évidente avec beaucoup d’icônes d’action à mémoriser et une sur-complexité de certains détails (comme les ressources) pas forcément nécessaire, mais les susdits principes fonctionnent bien et donnent envie de retenter le coup ! Pas sûr de trouver l’agrément marital pour cela, cependant…
J’ai écouté :
Textile Audio, The Pomegranate Cycle - Si l’intro parlée ne t’avait pas mis la puce à l’oreille, ni le titre de l’album qui te promet une histoire de grenade (le fruit), un titre comme “Of Hymn”, qui mélange harmonies classiques et rythme quasi-pop, t’aura sans doute fait comprendre que cet album n’est pas comme les autres. C’est la rencontre de plusieurs mondes sous une même main et derrière une même voix : celui de la musique concrète et de la musique classique, avec ça et là des expérimentations sonores et de longues plaintes soutenues par la plus discrète des orchestrations. C’est un album dont les titres se suivent sans se ressembler, un projet musical qui lui-même ne ressemble à aucun autre ; une anomalie sonore dont je ne me souviens plus comment elle a atterri dans ma discographie, mais je suis bien heureux qu’elle y ait poussé sans contraintes.
L’arrière-queer de Milouch :
Le bleu est une couleur chaude
La vie d'Adèle est l'une des premières représentations lesbiennes que j'ai vu.
Je ne m'étendrai pas sur le film auquel je trouve beaucoup de défauts (de représentation, de male gaze…). Il a eu pour moi un intérêt, c'est de me mettre entre les mains la BD dont il est tiré : Le bleu est une couleur chaude. J'en gardais un bon souvenir et comme le hasard l'a remis sur ma route 11 ans après, j'ai décidé d'y rejeter un œil.
Le bleu est une couleur chaude, c'est l'histoire de l'amour tragique entre Emma et Clémentine, le récit de la découverte de sa lesbianité par clémentine et comment se construisent des adultes très jeunes et au final encore adolescentes.
Je trouve la BD assez juste sur ce point. Les réactions de ses personnages sont impulsives, illogiques, passionnées, mais comme le sont des adolescent⋅es. Plutôt habituée aux récits queer écrits par des gens plus âgé⋅es, avec plus de recul, j'ai trouvé ça très agréable de plonger dans un récit aussi écorché.
L'homophobie sociale et familiale est aussi un marqueur très fort du bouquin. Et je ne sais pas si les choses ont tant changé maintenant (la BD s'étend de 1990 à 2010).
J'aurais un seul reproche à donner à cette œuvre, c'est la mort d'une de ses héroïnes. Alors je suis très mal placée pour dire ça étant donné mon goût prononcé pour le tragique, mais j'ai eu un peu le sentiment d'un récit death by sex où la relation lesbienne doit se finir de façon tragique.
Mis à part ça, c'était aussi beau que dans les souvenirs de la Milouch de 17 ans et ça m'a mis dans une ambiance moody qui n'est pas désagréable. À dans 11 ans peut-être.
Et toi :
mass : j'ai vu le documentaire sur DJ Mehdi, disponible sur ARTE et YouTube, qui explore en six épisodes de 35 à 50 minutes la trajectoire fulgurante de ce prodige du rap et de la musique électronique. Parti d'une banlieue du 92, DJ Mehdi s'est frayé un chemin dans le monde de la musique, jusqu’à sa mort tragique à 32 ans dans un accident.
N'ayant pas beaucoup entendu parler de lui auparavant, c'est un reportage élogieux qui m’a incité à découvrir le premier épisode – et j'ai été aussitôt captivé. DJ Mehdi, autodidacte passionné, a construit une carrière marquée par sa détermination et son amour de la musique. Même si ce genre de musique n’était pas ce que j’écoutais à l'époque, j'ai été fasciné par sa personnalité profondément positive et par l’énergie des nombreuses figures du documentaire, elles aussi pleines de bienveillance et d’enthousiasme.
À travers le parcours de DJ Mehdi, on revisite également la scène musicale de la fin des années 90 jusqu’à 2011, en passant par le rap et l'électro. Sa passion lui a permis de fusionner des styles et des influences variées, créant des ponts entre des genres qui semblaient a priori éloignés. C’est quelqu’un qui, sans jugement, suivait uniquement ses envies, en restant toujours optimiste et bienveillant avec son entourage, et cela transparaît dans chaque projet auquel il a participé.
Le documentaire, très émouvant, reste pudique sur les circonstances de sa mort et évite de tomber dans le pathos, ce qui rend l'ensemble d'autant plus poignant. Je recommande ce visionnage, même pour ceux qui ne sont pas des adeptes du rap ou de l’électro, car on y découvre un personnage exceptionnel tout en traversant une époque clé de la musique.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Pré carré, une revue dans laquelle j’ai écrit dans une autre vie, est désormais intégralement consultable en ligne. Attention, faut avoir une appétence pour une approche poético-théorique de la bande dessinée.
- Parfois, un artiste reprend non seulement une chanson de façon excellente, mais également son clip d’origine.
- Je pensais avoir vu les sites Internet les plus déjantés, et puis je suis tombé sur cette ode à Geocities.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si tu n'as pas eu assez du web des années 1990.