La compote de Côme #195
Des amants, des cow-boys et un loft.
Du dimanche 20 octobre au dimanche 27,
J’ai lu :
Le Mort Détective - L’avantage quand tu dors chez des amies qui ont bon goût, c’est que tu peux piocher dans leur bibliothèque des livres à côté desquels tu étais passé, tel cet opus de David B. totalement OuBaPien (on n’a accès qu’aux têtes de chapitres d’un livre imaginaire) qui m’avait semblé un peu répétitif à l’époque. Il est effectivement bourré de répétitions, y compris dans la syntaxe de ses (faux) extraits de texte, mais parvenir à tout de même esquisser une histoire avec ces fragments est une gageure ; et puis ça m’a donné l’occasion d’admirer un peu de David B., ce qui n’est jamais du temps perdu.
AUTHORITY - J’ai dans cette compote déjà fait allusion par deux fois à ce formidable jeu de mon ami Marc mais ne t’en ai jamais vraiment parlé ; sa sortie en version imprimée le week-end dernier (disponible seulement en convention ou en demandant très gentiment à l’auteur) en est l’occasion ! C’est, comme les autres jeux de Marc d’ailleurs, un bijou de concision en ce qu’il parvient à produire une satire sur l’autorité dans la fiction, un commentaire sur le rôle du MJ et un jeu méta dans lequel on peut littéralement changer les règles du jeu en cours de route, tout ça avec une poignée de cartes à peine et un design tout en concision. Bref, c’est un petit chef d’œuvre d’OuJePo et je suis extrêmement content qu’il existe !
Adrift - J’aime beaucoup le système Belonging Outside Belonging qui, dans sa forme la plus minimaliste, peut se résumer en trois points : 1. on joue une communauté en marge de la société dans laquelle elle existe ; 2. on possède des actions qui nous mettent en fragilité, et d’autres qui sont des coups d’éclat ; 3. pour effectuer des coups d’éclat il faut dépenser des jetons, qu’on récupère en se mettant en fragilité. Adrift est en quelque sorte le développement, le plus près de l’os possible, de ses 3 points, faisant tenir en une unique page un jeu tout à fait solide qui se paye même le luxe d’un peu d’aléatoire dans la façon dont les forces extérieures agissent sur la communauté en question !
The Fictional Memoirs of Harriette Wilson & Her Sisters - Je découvre par l’intermittence de ce jeu l’existence d’Harriette Wilson qui avait l’air d’être une sacrée femme, mais ce n’est pas tant de ça que le jeu parle ; enfin il est tout de même question de ses amants mais aussi de ses sœurs (frictionnelles), qui vont l’accompagner dans une série de lettres de chantage. Le tout n’est étonnamment pas un jeu épistolaire mais où l’on se raconte les lettres que l’on écrit, avec des mécaniques intéressantes de partage de la parole et de construction progressive des relations entre les personnages et de leur passé commun. Dommage qu’il ait été publié de façon si confidentielle !
Resonant Static - J’en connais parmi mon lectorat et mes amies qui aiment particulièrement les jeux à 2, encore plus ceux dans lesquels le silence a de l’importance, parfois plus encore que les mots. Eh bien ce jeu à propos de deux personnes s’ennuyant dans la vaste immensité de l’espace et tentant d’établir un contact malgré les problèmes techniques leur est dédié. Poésie de la concision, phases contemplatives, parasites radio, et rien de plus.
Rancho Bravo - Comme avec David B., je suis toujours content de (re)découvrir des nouvelles pages de Blutch, que la qualité narrative soit au rendez-vous ou non. En l’occurrence, Rancho Bravo propose la réédition de pages sorties à la fin des années 90, qui dépeignent un univers de western crado où l’on se moque joyeusement de toute une bande de losers au destin raté, le tout avec à chaque fois quelques pages dans lesquelles ça va vite et ça tire sans attendre. Le tout est une collection de stéréotypes, particulièrement (mais pas que) envers ses rares personnages féminins, et me fait rêver à du western queer comme Our Flag Means Death nous l’a offert avec les histoires de pirates. Au final, si je trouve que Christophe Blain s’en est mieux sorti que Blutch avec ses Gus, c’est quand même un plaisir de (re)découvrir tout ça !
Page de pub :
Être un rôliste flemmard - Figure-toi qu’en 2022, soit techniquement il y a deux ans et demi (mais en temps vécu, à peu près dix ans), j’étais en Suisse à la formidable convention Orc’idée : j’y ai joué une mauvaise partie de Green Dawn Mall et y ai donné la conférence la moins universitaire de ma vie, un signe sûr que ces années sont à présent derrière moi. Quoiqu’il en soit, j’ai regardé en me cachant les yeux quelques bouts de cette conférence et elle n’est pas si horrible ; elle demeure je crois un témoignage assez fidèle de ma tendance à la flemmardise généralisée qui se cogne souvent à ma capacité à faire plein de trucs. Je suis en tout cas content qu’elle soit enfin en ligne !
Ludoscopies rôlistes - Beaucoup plus récemment, j’ai été reçu par l’amie Milouch avec qui on s’amuse décidément à faire beaucoup de bêtises, comme par exemple hacker mes propres Conversations rôlistes pour parler de mon prochain jeu Hex & the City. C’était très agréable d’être cette fois-ci de l’autre côté du micro pour répondre aux questions de Milouch sur les conditions de créations du jeu et ses influences, encore plus avec celle qui m’a donné l’idée de cet angle d’attaque au départ ! Bon, comme d’habitude j’ai sans doute été beaucoup trop bavard, mais on ne se refait pas…
J’ai vu :
Culte - C’est assez vertigineux, quand on y pense, de se dire que même si on n’était pas fan de Loft Story à l’époque de sa diffusion c’était quasiment impossible d’échapper au phénomène et que je suis encore aujourd’hui capable de me souvenir du nom de certain·e·s candidat·e·s au-delà des deux plus connu·e·s. Ce que la série Culte soulève, souvent avec assez peu de subtilité, c’est l’ampleur du raz-de-marée médiatique et la façon dont il a changé durablement ce qu’était la télévision de divertissement (avec l’aide grandissante d’Internet, à n’en pas douter). Ce que dit aussi cette série, et on s’en doutait également, c’est à quel point la télévision est un milieu de vampires et d’ordures sans scrupules, prêt·e·s à tout pour gravir les échelons, sans souci de morale. Tout cela fait de Culte une mini-série divertissante, vite vue et sans doute vite oubliée, pas si loin finalement de l’émission dont elle s’inspire…
J’ai joué à :
The Legend of Zelda: Echoes of Wisdom - Eh oui, si cette rubrique était restée muette ces dernières semaines, c’est que j’étais plongé dans le dernier né de la saga des Zelda ! Autant le dire, ce n’est pas une entrée aussi majeure que Breath of the Wild ou Tears of the Kingdom mais tout de même un jeu sacrément efficace, rien que dans sa façon de marier le game play d’un jeu comme Link’s Awakening (ainsi que ses graphismes nouvelle époque) avec des mécaniques des deux jeux précédents dans la saga. À côté de cette alliance réussi du neuf et du vieux, le fait qu’on joue enfin Zelda est presque anecdotique en termes de petite révolution, et ne dirige pas tant que ça l’histoire du jeu… Il faut en tout cas apprécier cette folie introduite dans Tears of the Kingdom qu’est la possibilité d’invoquer un répertoire d’objets à peu près n’importe où et n’importe comment pour surmonter les obstacles du jeu ; je sais que ce n’est pas la tasse de thé de tout le monde, mais c’est la mienne, et j’ai donc beaucoup apprécié Echoes of Wisdom et le dynamisme de son univers, malgré sa durée relativement courte (toutes proportions gardées) et sa difficulté somme toute très basse.
Strange World Above the Clouds - J’ai ramené d’OctoGônes ce petit jeu qui ne payait pas de mine, attiré surtout par son petit format et sa promesse d’un gameplay simple et efficace. Je ne l’ai pour le moment testé qu’en solo mais il tient ses promesses : tout repose sur une stratégie de pose de cartes qui ont toutes leurs contraintes et leur façon de marquer des points, dans l’optique de faire le meilleur score possible. Le jeu paraît un peu dense dans ses multiples possibilités au départ, mais après quelques parties, j’y vois déjà plus clair… Et à plusieurs (pour le peu que j’en ai testé) ça fonctionne très bien aussi !
J’ai écouté :
Blonde Redhead, s/t - La série d’émissions du Morceau caché consacrée à Blonde Redhead m’a donné envie de me replonger dans la discographie de ce groupe en constante mutation dont il me manque quelques bouts discographiques, et quoi de mieux pour cela que de commencer par leur premier album ? Je te rassure, je ne vais pas faire une série de billets retraçant toute leur discographie, on ne va plus m’y reprendre avant un moment… Quoiqu’il en soit, ce premier album commence avec une fausse légèreté qui rappelle un titre de l’album de Buck 65 avec Jerry Granelli, et surtout les expérimentations de Sonic Youth, avec ce chant parlé-hurlé et ces changements de tempo sans prévenir. Ce n’est pas le meilleur album du groupe dont le son cherche encore ses particularités (l’album phare sera bien sûr, et j’en ai parlé ici, Melody of Certain Damaged Lemons) et il est parfois difficile de distinguer les pistes entre elles : le tout ressemble à un long riff de 30 minutes, un concert aux rythmes hoquetés s’appréciant davantage comme un tout que comme une suite de chansons dans lesquelles on peut parfois entendre les instruments grincer et se chercher une mélodie. Dans ce fatras sonore, un titre comme “Mama Cita” tranche un peu avec le reste : rapide et sec, avec Kazu Makino et Amedeo Pace, les deux chanteur·euses qui se dépêchent de prendre leur temps, ça donne quelque chose de proche de ce que sera le Blonde Redhead futur, une fois qu’il sera plus sûr de lui… Et puis l’album se referme d’une toute autre manière qu’il a commencé, nous emportant vers des atmosphères plus embrumées, une certaine mélancolie qui ira grandissant avec les années jusqu’à occuper presque toutes les chansons du groupe. Restons là, en attendant, entre fureur et joie foutraque.
L’arrière-queer de Milouch :
Out
Si comme moi, vous êtes fan de Drag Race, vous avez surement été bluffé.es par la prestation d'Elips en saison 1 (et comment ne pas l'être ?). C'est donc pleine d'espoir que je m'apprêtais à aller voir Out, un documentaire sur Elips, projeté au cinéma municipal de Montreuil (not to brag mais meilleur cinéma de l'univers, soutenez vos cinéma municipaux...). La séance a commencé par un show d'Elips (en live) vraiment bluffant est super stylé ! Quant au film, il est en demi-teinte pour moi...
C'est un documentaire qui la suit en représentation et out of drag. De son appartement plein (mais genre vraiment rempli, dans le style tu peux pas marcher sans écraser une perruque) à craquer de vêtements jusqu'aux scènes nationales avec Clara Lucianni. Je n'ai clairement pas été emportée par la filmographie, c'était assez planplan, attendu et semblable à ce qu'on attend d'un docu sur une drag queen.
Par contre ! Et c'est un GROS par contre, le film possède 3 scènes sous forme de tableaux oniriques et symboliques qui elles sont suuuppper stylées ! Il y a dans ces scènes la retrancription la plus juste de ce que peut être le drag à l'échelle du cinéma !
Et rien que pour ces scènes, le film vaut le coup ! Et si vous allez le voir, vous aurez peut être la chance vous aussi d'avoir un show d'ELIPS !
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Camille m’apprend l’existence du génial prix de la page 111 qui n’a évidemment aucun rapport avec le prix de la page 112.
- Si ton kiff c’est les plans en 3D de stations de trains et de métro, j’ai ce qu’il te faut.
- Le 18 octobre, une journaliste a décidé qu’elle allait intituler son article « Un homme est mort sans savoir qu’il avait 3 pénis » et c’était sans doute la meilleure décision de sa vie.
- Un petit test mignon pour savoir quel type de légume tu es : moi, c’est le brocoli.
- Une petite histoire des bruitages dans les films d’horreur.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si t’as besoin de calmer ton bébé.