La compote de Côme #192
Des ermites, des canapés et du catch.
Du dimanche 29 septembre au dimanche 6 octobre,
J’ai lu :
Le Dernier ermite - Offert par l’ami Thomas, ce bouquin ne méritait pas sa couverture un peu trop racoleuse derrière laquelle se cache un portrait vraiment passionnant : celui d’un type qui a passé 27 ans volontairement coupé du monde ou presque, et de son retour forcé à la société. Des raisons de l’exil on ne saura pas grand chose, de la façon dont il a survécu si longtemps en forêt, finalement pas beaucoup plus : il reste le portrait en creux de quelqu’un qui n’est pas fait pour l’environnement contemporain, dans lequel on tient tout de même à le replonger. Moi qui ne suis pas franchement un ours, mais qui aime bien également mes moments de vie en solitaire, j’ai ressenti cette même connexion qu’a sans doute perçue Thomas, et suis content d’apprendre que le sujet du livre vit désormais tranquille et que tout le monde semble lui foutre la paix.
David Kills Goliath - C’est l’ami Matthieu qui a mis ce jeu de rôle criminellement peu diffusé sur mon chemin, et avec mon attirance pour le trope de l’escalade de géant, je ne pouvais qu’être convaincu ! Ici, on n’est pas dans Face au Titan : l’idée est plutôt d’utiliser le prétexte de l’ascension pour raconter des histoires, du point de vue de David ou de Goliath, et de ciseler petit à petit ces récits en mythes, avec ce qu’ils peuvent avoir de totalement faux. Vraiment une chouette idée, dont je regrette vraiment qu’elle n’ait pas eu plus d’écho !
Dans la Forêt sombre et mystérieuse - Le week-end dernier, j’ai tenté d’emmener Madeleine à l’avant-première de Angelo dans la forêt mystérieuse, adaptation par l’auteur lui-même de la bande dessinée que voici. Ce fut un échec total assez prévisible dès que je me suis rendu compte que le film était beaucoup trop effrayant pour elle et peut-être tout court, mais ça m’a donné envie de jeter un œil à la BD d’origine. Sans surprise puisque c’est une œuvre de Winshluss, c’est plein de glauque suintant et de situations étranges qu’on aurait de la peine à qualifier d’histoires enfantines ; cela ne les rend pas désagréables, au contraire, et j’ai plutôt apprécié cet étrange univers que l’auteur ne s’embête pas trop à alourdir d’explications rationnelles. Maintenant j’ai tout de même envie de voir la fin de ce film qu’on a dû fuir au bout de 20 minutes : dans quelques années peut-être ?
World of Humanity - J’ai également un petit faible pour les jeux qui utilisent le Jenga comme mécanique de résolution, même si je dois avouer que je trouve Dread un peu bancal et n’ai été séduit que par Starcrossed… Jusqu’ici, car avec son petit format qui veut rendre hommage au jeu vidéo Civilization et autres jeux du même genre, j’ai peut-être trouvé un autre exemple de bonne utilisation de ce fameux moment où la tour s’écroule ! Ici elle signifie un changement d’âge, bordé par des affrontements entre différents peuples (dommage qu’un développement pacifique ne soit pas vraiment possible) et des avancées technologiques. On est sans doute ici à la frontière du JdR mais ma foi, ça me convainc !
BLOODWORK - Il y a tout de même un gros problème avec BLOODWORK, jeu de vampire sous forme de zine qui envoie du lourd avec son esthétique néo-punk, c’est qu’à aucun moment le système de résolution est rendu tout à fait clair : on sait quand et comment on lance des dés, mais pas comment savoir si l’on a raté ou réussi… Dommage car le reste du jeu transpire de bonnes idées (comme la génération d’une ville imaginaire à partir d’un plan de notre propre ville) et d’un graphisme faussement simpliste qui cache mal une énergie qui déborde. Je ne suis pas sûr que les atours vaguement OSR du jeu puissent me donner tout à fait envie d’y jouer, mais ça m’a en revanche soufflé l’idée d’un nouveau petit jeu, tout n’est donc pas perdu…
Le Guide Lonely Planet du voyage expérimental - Tu le sais sans doute, je suis amoureux de la création sous contrainte, aussi la découverte par Camille d’un livre appliquant les principes des Ou-X-Po au tourisme ne pouvait que me plaire… Le long de ses 40 variantes de voyage, j’ai découvert beaucoup de choses allant du délirant au poétique, avec des rapports d’expérience qu’on lit comme autant de petites nouvelles qui élargissent la notion du voyage et, le plus souvent, la débarrassent de cette encombrante question du rapport au pays visité. Certes, on pourrait arguer que certaines des méthodes proposées dans ce livre ne permettent pas de faire du tourisme à proprement parler, mais j’ai justement apprécié que le livre assume son côté expérimental et affiche certains échecs comme tels, ce qui n’a pas empêché de les penser et de les essayer !
J’ai vu :
Mother, Couch - Ewan McGregor ne joue donc pas que des Jedi et des russes coincés dans un grand hôtel, mais aussi des types ayant clairement des choses à régler avec les femmes en général et leur mère en particulier, ici coincée sur le canapé du titre dans un quasi huis clos à l’intérieur d’un magasin de meubles. On se doute bien qu’il s’agit là d’un film dans la catégorie « chelou », qui m’a fait penser par plusieurs aspects à Beau is Afraid, autre film qui révèle les névroses des réalisateurs indés avec leur maman. Mother, Couch ne va pas aussi loin (et c’est sans doute tant mieux) mais se déplace néanmoins peu à peu dans le domaine de l’irréel et du métaphorique, avec une fin attendue mais plutôt réussie dans son genre.
J’ai écouté :
Cerno saison 5 - On s’approche, non pas de la fin de Cerno mais de sa fin actuelle (la saison 7 devrait commencer début 2025 si le rythme ne change pas) et donc de celle de mon binge listening… Difficile de me renouveler pour commenter cette saison faite de tangentes et d’errances, qui se recentrent peu à peu autour de Thierry Paulin, en particulier ses derniers jours et sa mort, sans oublier celle des autres qui (re)vient plus d’une fois donner ce côté poignant qui me plaît tant dans ce podcast. Je ne suis pas le seul à trouver incroyable que Cernobori n’ait toujours pas épuisé le sujet après avoir travaillé 6 ans dessus… En tout cas je vais bientôt pouvoir retrouver du temps d’écoute pour autre chose, ce qui est sans doute une bonne nouvelle !
Raymonde Howard, For All The Bruises Black Eyes and Peas - Moi qui aime les boucles, les voix féminines un rien éraillées, la musique faite de minimalisme, autant te dire que quand j’ai entendu Raymonde Howard pour la première fois en 2010, le charme a immédiatement opéré, et la deuxième écoute l’a confirmé. C’est du punk du 21e siècle, qui n’a pas forcément besoin de cracher sa colère : on garde cet esprit DIY, cette envie de faire court et bien (parfois très court), avec un soupçon de message à faire passer, mais surtout une énergie à sortir. Et parfois, une décharge d’énergie, c’est tout ce dont on a besoin.
L’arrière-queer de Milouch :
L’Agneau égorgera le Lion
Je vous parlais il y a quelques semaines de Margareth Killjoy de l'incroyable groupe Feminazgull !
Et j'ai enfin eu l'occasion de lire son dernier livre : L’Agneau égorgera le Lion, tout juste traduis en français chez Argyll.
Mention spéciale à la couverture de Anouck Faure qui est tout simplement magnifique !
C'est un livre de SF au format novella un peu mystique un peu post-apo où Danielle Cain se rend dans la ville de Freedom pour élucider la mort d'un de ses amis.
Moi qui ai souvent du mal avec la SF, j'ai été conquise ! Le style est fort, les images très inspirées et baignant dans un style onirique très marqué qui rappelle un peu certaines images de la série American Gods.
Autre point que j'ai trouvé très juste, la ville de Freedom est une communauté utopiste autogérée et je trouve qu'elle est très très bien rendue dans ce bouquin. En effet, loin d'une vision utopiste et fantasmée de la réalité d'une communauté en autogestion, le livre nous présente à la fois son idéal, ce que la communauté porte en tant que valeur mais aussi ce que c'est de maintenir ce genre d'initiative. Comment l'anarchie et l'autogestion sont un travail du quotidien et qu'il ne suffit pas de déclarer pour réaliser.
J'ai été un peu déroutée par le style novella (roman d'une centaine de pages), j'aurais aimé voir le contexte s'étirer sur une centaine de pages de plus et prendre le temps de m'immerger dans l'ambiance, je pense donc me lancer sans attendre dans d'autres romans de Killjoy pour retrouver cet esprit puissant et singulier.
Et toi :
mass : J'ai écouté le dernier album de Silmarils, Apocalypto, qui vient de sortir.
Mon histoire avec Silmarils remonte à loin, mais je n'ai jamais été un fan hardcore. Le seul album que j'avais vraiment écouté en profondeur avant celui-ci, c'était 4 Life (2003), et ça date. Avant cela, je connaissais surtout leurs titres phares : « Cours vite », « Karma », et bien sûr « Y va y avoir du sport ». D'ailleurs, ma chanson préférée du groupe est « L’Homme providentiel », issue de Original Karma (1997), que j'ai découvert bien après sa sortie, il y a à peine dix ans. Cette chanson résume parfaitement la politique française depuis bien trop longtemps.
Avec Apocalypto, on retrouve les Silmarils fidèles à leur style : un rock fusionnant avec du funk et du rap, à la manière de groupes comme No One is Innocent ou les américains de Rage Against the Machine. Ils poussent même cette influence avec un featuring sur le dernier morceau, où l'un des chanteurs de Cypress Hill intervient, donnant un coup de fraîcheur à l'album.
L'album est court, avec ses 34 minutes, et il n'y a pas de gros titres iconiques comme « Cours vite » ou « Guerilla ». Cependant, les morceaux sont bien construits et accrocheurs, avec une vibe politique présente mais moins directe. Le titre « Oublie-moi » est assez révélateur de cet état d'esprit désabusé, presque fataliste, qui imprègne l'ensemble de l'album. On sent cette lassitude, un regard désenchanté sur le monde, comme en témoigne le premier couplet de « Welcome to America », qui ouvre l'album avec des paroles acerbes :
« Dans le monde de demain
Y’aura plus besoin de lois
Y’aura plus besoin de rien
Y’aura plus besoin de toi
Welcome to America »
Cette désillusion semble être le reflet d'un groupe qui a vieilli, qui a vu le monde changer et perdu une partie de ses idéaux de jeunesse. Avec l'âge, on devient plus cynique, moins convaincu qu'un monde meilleur est à portée de main. C'est probablement ce que ce disque exprime.
Cela dit, Apocalypto reste un excellent album de rock français. Même s'il ne bouleverse pas les codes, il est bien réalisé, cohérent, et propose des titres percutants. Pour les amateurs de rock engagé et de riffs efficaces, je recommande vivement cet album, qui prouve que Silmarils a encore des choses à dire.
Cédric : Mr. McMahon
Je ne connaissais rien au monde de la lutte avant de visionner la série télévisée GLOW. Oh, bien sûr, je connaissais des noms comme l'Undertaker ou le British Bulldog sans jamais les avoir vu lutter car leur renommée a largement imbibé la culture pop. Tout ça pour dire que je ne connaissais pas le "Mr. McMahon" qui a donné son nom à ce documentaire en six parties sur Netflix. J'avais vu sa tête et sa démarche dans des mèmes, tout au plus, sans savoir qu'il était le grand patron de la WWF. Le documentaire est basé sur des entrevues du bonhomme, de ses proches et de ses employés. Bigger than life est un euphémisme : il rachète à son père une ligue de lutte sur la côte et puis, au mépris de la tradition, il part agressivement à la conquête d'autres États, jusqu'à devenir la plus grosse franchise du pays et peser des milliards. Et, vous l'avez deviné, on ne se lance pas dans ce genre de projets sans avoir un gros souci d'ego, sans trahir à tour de bras et sans blesser les membres de sa famille. Sa carrière est une mise en pratique constante du capitalisme : les gens en veulent ? Alors je vais leur en fourguer. Il fabrique des stars, fait des coups publicitaires, met en scène des histoires malsaines, embarque sa famille dans des scénarios qui mélangent le réel et la fiction, assouvit les plus bas instincts de son public. Vous le verrez reproduire sur son fils des traumas qu'il a lui-même connus. Vous entendrez Hulk Hogan lui donner du "Brother" avant de le trahir puis de revenir dans son giron quand le pognon l'exigera. On traverse toutes les périodes de la lutte moderne en comprenant comment McMahon a façonné tout ça petit à petit. On voit l'hypersexualisation des lutteuses, la crise des stéroïdes, la prise de conscience du danger des commotions cérébrales, les changements « moraux » en fonction de la politique du moment. Il y a tout un passage fort intéressant sur Trump (qui est monté sur le ring) qui semble appliquer des principes de la lutte dans sa carrière politique. C'est à la fois dégueulasse car on voit McMahon exploiter des générations entières d'adolescents et de jeunes hommes en leur vendant du cul et de la violence et passionnant car on voit aussi des athlètes au travail, qui aiment d'un amour sincère leur métier malgré les blessures, les horaires débiles et la toxicité du management. Et puis, alors que les entrevues s'enchaînent avec l'équipe du documentaire, des femmes accusent McMahon d'agression sexuelle. Le promoteur qui se plaisait à se raconter en large et en travers ne se présente alors plus devant la caméra. Et tout ce qu'on a vu pendant des heures prend une autre saveur, celle dégueulasse de la bile qui reste coincée dans la gorge. Il n'était déjà pas glorieux en riche qui pense que les gens qui prennent leur retraite se condamnent à mourir. Mais quand on comprend que tous les scénarios outrageants qu'il mettait en scène lors des matchs se doublaient d'agressions sordides, le peu de gloriole qui restait fout le camp. Cette version de la lutte n'est certes pas responsable des maux de l'Amérique, mais on voit clairement comment elle a participé au pourrissement général en exacerbant le sexisme, en vendant une virilité malsaine et en banalisant des comportements toxiques. Ça me fait penser à The Boys, que l'on trouve génial parce que la série montre comment les super-héros sont des crevards. Après avoir visionné Mr. McMahon, on ne peut que constater que The Boys n'est hélas qu'une grosse redite de tout ce qui a été de travers dans la lutte. Sauf que contrairement à Vought, la WWE a fait des victimes réelles.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Un article de Polgara sur les problèmes que présente Secret Hitler, qui me donne envie - entre autres - de jouer à The Resistance.
- Je ne suis pas friand des titres un brin racoleurs de Blast, mais j’ai trouvé très éclairante cette vidéo sur la perversité de Macron et son talent de caméléon face au temps qui passe.
- Si vous voulez créer une radio libre chez vous, suivez le guide.
- Enfin, l’information la plus importante de la semaine, voire du siècle : la Chouette d’or a été déterrée !!
- Dans la série « je ne savais pas à quel point c’était indispensable avant de tomber dessus » : un générateur de motifs tartan.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si t'as pas pris une grosse douille, poussin.
Jetez un œil à Heels, une série sur le catch amateur, que j'ai apprécié.
Super, je note ! Merci de la recommandation :)