La compote de Côme #190
De la cyprine, des marins morts, et des hobos.
Du dimanche 15 septembre au dimanche 22,
J’ai lu :
Is It You?! - Je n’ai jamais joué au fameux Among Us mais j’ai l’impression que Is It You?!, avec sa couverture rigolote, en reproduit bien l’esprit : les personnages sont réunis quelques part, il se passe un truc, on doit trouver le coupable. Et comme ce « truc » peut aller du meurtre horrible au vol de la dernière chouquette, on imagine la pluralité d’ambiances possibles… Je n’ai pas compris à 100% les règles qui consistent à répartir des dés en attaque et en défense en espérant en garder plus que ses camarades, mais le bouquin est clair dans son propos et offre pas mal de situations de détails assez diverses, ce serait donc dommage de passer à côté !
Ce soir c’est cauchemar - Un nouvel album de Nicole Claveloux, c’est le genre de choses qui se fêtent ! Quel plaisir de voir que le magnifique style graphique de l’autrice n’a pas vieilli, pas plus que ses personnages qui font souvent n’importe quoi, ici dans une succession de rêves plus ou moins présents dans la tête de Claveloux Nicole et qui sont surtout autant d’occasions de déployer de beaux paysages et des situations dans lesquelles, petit à petit, la part loufoque qui est en nous gagne du terrain. Un chouette retour, pas tout à fait en fanfare, mais que j’espère suivi d’autres albums du même acabit !
Cyprine chaude numéro 1 - Derrière ce nom si sympathique se cache un magazine (à ce niveau de qualité dans la fabrication, je ne peux pas vraiment appeler ça un fanzine…) dont Camille est allée me dégotter le premier numéro. Moi qui aime me poser plein de questions sur m/la sexualité, j’ai adoré découvrir un projet qui se proposait d’examiner la question sous des angles moins évidents que ceux qu’on pourrait imaginer d’habitude, avec notamment une belle réflexion sur la notion de performativité et d’échange dans les relations (et non les rapports) sexuels. Et puis plein d’autres choses chouettes, évidemment, y compris de superbes stickers qui viennent enrichir ma collection !
Couvre-chefs - Ma compagne qui me connaît décidément très bien m’a également offert ce livre d’artiste dont tu auras compris qu’il consiste en une série de photos de képis qui, le savais-tu, comportent tous une poche dans laquelle on peut glisser des trucs : photos de famille ou coquine (ou de son chien), souvenirs de l’Algérie française, paquet de cartes ou de clopes, tout est possible… Un bric à brac sans commentaires qui, une fois de plus, me donne envie de ressusciter le projet Finders Keepers !
Dwarven Ironsfishers From Svarima - DIFS est une sorte de condensé de tout ce que je trouve remarquable dans la scène indépendante rôliste : une petite production faite avec talent et économie, pour le souci de la belle chose et non celui du profit ; une idée qui vient gratter des recoins familiers tout en restant originale (des nains, on connaît, du steampunk aussi, mais des nains marins steampunk, moins) ; des règles concises et efficaces ; le tout avec une belle et efficace maquette, condensé en 2 pamphlets. Rien à redire !
Bleak Spirit - Rencontre (pas si) improbable entre Lovecraftesque et les jeux Dark Souls, Bleak Spirit pique sa structure assez rigide au premier et son monde rempli de lore grisâtre avec un adversaire au bout au deuxième. La greffe prend bien et m’a rappelé, sans trop de surprises, les jeux de l’amie kF , en particulier Cimetière dans lequel l’attachement au dévoilement progressif d’un lore est au cœur du propos. Ce n’est pas le genre de propositions qui me parle particulièrement, mais une fois de plus, lorsqu’elle est bien faite comme ici, je ne vais pas la mettre à la poubelle !
Blackwater tome 5 - Incroyable mais vrai, il commence à se passer de sacrés trucs dans cet avant-dernier tome de la saga Blackwater, puisque le fantastique n’a plus juste une nageoire dans la porte mais se met littéralement sur le devant de la scène à travers les affres d’un personnage que je vais pas te dire lequel, rassure-toi. Bon, en dehors de ça on continue avec la petite musique des gens riches qui ont trop de la chance d’accroître encore leur richesse, épaulés par les bons domestiques noirs qui ne servent littéralement à rien d’autre dans l’intrigue… Vivement que toutes les digues pètent et que tout soit enseveli dans le dernier tome !
Page de pub :
Interview with Iko - Si tu as besoin de savoir qu’un prof d’anglais n’a pas besoin d’un bon accent pour pratiquer, écoute cette interview ! Si tu veux être replongé·e dans le passé de 2022 (ou, comme on dit à la Cômeporation, « il y a 3 jeux de ça ») écoute cette interview ! Si tu veux savoir comment je suis tombé progressivement dans la création de JdR, écoute cette interview ! En revanche, si tu veux savoir quel est mon personnage de JdR préféré, n’écoute pas cette interview, car je n’y aborde pas le sujet.
J’ai vu :
We Are Lady Parts saison 2 - Après avoir découvert qu’une des meilleures séries de 2021 avait connu une 2e saison presque surprise plus tôt dans l’année, je me suis morfondu en attendant des sous-titres en français pour pouvoir la regarder en couple, mais bon, à un moment il faut arrêter de se morfondre et prendre ce qu’on nous donne. Ce qu’on nous donne, en l’occurrence, c’est une saison d’une densité folle dans les problématiques qu’elle aborde, toujours avec ce ton décalé et vénère (avec des détours musicaux surprenants et, finalement, assez peu de punk pur jus) : la question de l’intégrité (artistique ou non) et celle de la pratique de la religion, bien sûr, mais aussi le rapport aux hommes blancs, aux identités de genre et injonctions de toutes natures… Le tout dans une sororité absolue dont les personnages masculins sont presque intégralement absents. Une saison qui fait un bien fou, donc, dont je regrette évidemment le petit nombre d’épisodes (ça laisse trop peu de temps à l’intrigue pour se développer de façon complexe et crédible) et dont je note d’ores et déjà le retour en 2027, si l’histoire se répète !
Cowboy Bebop: The Movie - « Eh, comme on a plus de temps avec un long métrage que dans un épisode standard de Cowboy Bebop, on va pouvoir mettre plus de scènes… d’action ! C’est ça que les gens aimaient dans la série, l’action débridée, non ? Comme ça on met moins de scènes d’introspection, ça n’intéressait personne. C’est comme ces musiques jazzy, là, on va mettre des trucs un peu plus rock, ce sera bien… Et puis pas trop de scènes d’interaction entre les personnages principaux non plus, c’est du réchauffé ça… » Je grossis un peu le trait sur ce film qui n’est finalement pas si mauvais mais je dois admettre que j’étais assez déçu de constater que, là où j’attendais un dernier moment sympathique et touchant avec les personnages de la série, c’était un épisode comme un autre mais plus long, un peu moins rigolo, un peu plus bourrin… et un peu plus ennuyeux.
J’ai joué à :
Return of the Obra Dinn - Après ma découverte de The Case of the Golden Idol, je voulais revenir au jeu d’enquête qui m’avait fait le plus vibrer ces dernières années, et attendre un peu fut payant puisque, si je me souvenais de son contexte général, j’avais tout oublié de ses détails, ce qui m’a permis d’y rejouer (presque) comme au premier jour. Au-delà de ses graphismes radicalement rétro, RotOD est surtout un jeu d’enquête pur jus puisqu’il repose entièrement sur la déduction à partir de scènes de crime figées, dans lesquelles tout va avoir son importance : les positions des personnages, leur propos (et leur accent), leurs habits, ce qu’ils ont fait avant ou après… Les choses s’enchaînent, dans une cascade plus ou moins fluides d’intuitions splendides, et si j’ai eu recours au pifomètre un peu brutal pour les derniers cas à résoudre, je n’ai aucun mal à croire qu’ils auraient pu être démêlés avec de la réflexion pure. D’ailleurs, petite fierté personnelle, j’ai cette fois gagné une heure sur mon temps précédent pour faire 100% du jeu !
J’ai écouté :
MerriK - Tout commence avec ce morceau sur lequel je suis retombé cette semaine, sur une compilation À Découvrir Absolument : des boucles monotones et languissantes qui n’étaient pas sans me rappeler Sigur Rós (avec une pointe d’electro et quelques samples de voix en plus) et m’ont donné envie d’en écouter davantage… Mais impossible de trouver le moindre album de MerriK, juste cette chaîne YouTube avec des morceaux d’images et de sons jetés en désordre. J’y ai trouvé le même genre d’ambiances de paysages désolés sur lequel est collé l’un des monologues les plus simples de l’histoire du cinéma ; des touches de piano apprenant lentement à marcher, jusqu’à l’implosion ; des commentaires sociaux avec une instru à la King Kong Was A Cat ; une reprise de Girls in Hawaii ; des explorations sous la neige ; des chansons bricolées en direct ; une lente marche sur le chemin de l’usine ; et puis quelques trucs expérimentaux parfois difficiles à écouter. Bref, j’ai eu l’impression d’entrer dans une cuisine qui n’a jamais été terminée, et si c’est un peu dommage, se balader dans un bric à brac est parfois un plaisir en soi…
L’arrière-queer de Milouch :
Boxcar Bertha de Ben Reithman
Alors Boxcar Bertha ! Pour situer d'où je parle (#traditionmatérialiste) je suis très très friande de littérature sur les hobos. J'ai lu Kerouac, London, Tully, jack Black... même des trucs plus récents (et nuls) comme Williamn T. Wollman... Sauf que bon, vous l'aurez remarqué vous qui êtes des lecteur⋅ices attentif et attentives, il n'y a que des mecs dans cette liste... Et des mecs dans des vibes un peu : « j’écris pas de persos féminins qui ne sont pas des love interest » voire même « j’écris pas de perso féminin tout court ». Or ben moi, en tant que meuf (je vous donne beaucoup trop de détails perso dans cette chronique), ça me faisait suer de n'avoir que des témoignages de petits mectons.. Donc j'étais trèèèèèèèsss heureuse quand je suis tombé sur Boxcar Bertha par l'intermédiaire d'une critique de la reine des lesbiennes et du métro : Charlie Médusa.
Bon déjà, mettons les choses au claires, même si le livre raconte l'histoire d'une femme hobo, il a été écrit par un mec, Ben Reithman, et ça se resent. Même si il explique que le livre est une fiction issue de plein de témoignages de femmes hobos, je suis assez circonspecte sur le récit des relations qu'il fait et sur la tendance qu'il a à définir son personnage par l'intermédiaire de ces relations... Mais ceci mis à part, c'est un excellent livre sur les femmes hobos et une sacré pépite.
Comme la plupart des livres de hobos, Boxcar Bertha, en plus de nous raconter la vie de vagabonde du rail de son héroïne, prend aussi la forme d'une analyse sociologique du milieu des vagabonds. Avec ici un focus particulier sur les femmes hobos et c'est super intéressant ! Pleins de questions qui n'ont jamais été évoquées dans les livres des « « grands » » auteurs hobos apparaissent ainsi dans la sociologie des personnages et leur récit. Ainsi, il y est question de polyamour, de travail du sexe, d’avortements, et Bertha croise la route de beaucoup de lesbiennes... Le récit suit particulièrement la trajectoire de Bertha mais décrit aussi toutes celles qu'elles va croiser, offrant une galerie de personnages fortes, indépendantes et attachantes, délivrant chacune une version de ce qu'est le vagabondage et pourquoi elles le pratiquent. J'ai vraiment eu le sentiment qu'on levait enfin le voile sur un continent de vie et de trajectoire dont je pouvais imaginer l'existence mais dont la vie n'avait pas été racontée.
On a aussi des tropes plus habituels comme des questions autour de l'anarchie, des IWW, un passage sur la marche du Géneral Coxey... Et comme d'habitude, dans ce genre de récit, l'errance reste au cœur du texte avec toujours ces départs inexpliqués, ces envies d'ailleurs qui pour moi caractérisent vraiment la littérature hobo : on est quelque part, mais on sait qu'on va partir, sans raison, juste parce que partir c'est important.
Puisant dans la littérature hobo et révélatrice d'autres vies, Boxcar Bertha est assurément un banger !
Et toi :
Melville - You Better Be Lightning, Andra Gibson, Button Poetry. La poésie, ça peut faire peur, ça peut intimider. Mais parfois ça vaut le coup de ranger l’idée qu’on se fait de la poésie au placard pour se laisser attraper par un enchaînement de mots, de phrases, qui racontent une histoire sans réelle intrigue. C’est une amie qui m’a fait découvert Andrea Gibson, poétesse queer américaine, en m’envoyant ce texte. Je l’ai vu et revu et montré et remontré, et pourtant j’ai encore les larmes aux yeux chaque fois que je le parcours à nouveau. Il était temps, donc, d’explorer ses autres créations. Le voyage en vaut la chandelle. Andrea Gibson, c’est un cœur à vif d’une infinie douceur. C’est beaucoup de modestie enveloppée dans un talent sans borne. Ce sont parfois presque de courtes nouvelles, des lettres, des dialogues, des monologues internes. Et à la lecture de chacun, je ressors tremblante d’émotion.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- L’ami Ben m’a envoyé cette excellente conversation entre Rob Brydon et Richard Ayoade. C’est extrêmement British, avec ce sentiment si charmant d’avoir l’impression de s’immiscer dans une conversation entre deux amis proches, qui sautent du coq à l’âne avec grande dextérité.
- Je n’apprécie pas forcément la musique d’A$ap Rocky mais son dernier clip est un concentré de surréalisme absolument extraordinaire.
- Les Bretons ont parfois des idées vraiment belles dans leur stupidité (et j’en profite pour te faire découvrir un petit détourneur publicitaire sympathique).
- Des histoires moins rigolotes d’eau avec les premiers impacts du réchauffement climatique sur Miquelon (merci les Jours !).
- Sortir de Google, surtout pour une institution, ce n’est pas simple mais c’est possible.
- Donc il y a des gens qui classifient les machins en plastique qui ferment les sachets de pain de mie. OK. (merci les Jours !)
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si c’est écrit dans l’Coran.