La compote de Côme #186
Du dimanche 18 août au dimanche 25,
J’ai lu :
Roadwork - Je savais bien que dans sa bibliographie foisonnante, King avait quelques œuvres mineures, voire mauvaises, mais une partie du jeu est de ne pas savoir lesquelles, d’où ma (mauvaise) surprise à la lecture de Roadwork… Roman soigneusement dépouillé de tout élément surnaturel ou horrifique, mais plein de rancœur et de noirceur (comme semblaient l’être les romans écrits sous le nom de Bachman), il raconte la lente descente de son protagoniste dans une sorte de doux désespoir, avec une emphase sur le mot « lente ». Il ne s’y passe vraiment pas grand chose, aucun personnage ne sort du lot et, pour tout dire, la tragédie de cet homme dont la maison va être rasée par la construction d’une autoroute m’a plus fait bailler qu’autre chose…
Palepoli - L’ami Jérémie avait su m’appâter avec ce manga qui semblait à la fois sombre, absurde et résolument OuBaPien, et dont j’ignorais tout ! Recueil de planches en 4 cases dont la plupart finissent par nourrir un des fils narratifs un brin décousu de l’ouvrage, il n’opère en effet que peu de compromis dans sa méchanceté et son surréalisme, avec en prime un jeu sur le style assez remarquable. Palepoli finit par tourner un poil en rond et ça s’arrête (presque) à temps pour maintenir mon intérêt dans le genre « bizarrerie éditoriale ».
His Majesty the Worm - Zut, encore un jeu OSR, mais je t’assure que je n’ai pas fait exprès (et que c’est le dernier avant un moment) ! Celui-ci m’avait attiré par le fait qu’on y utilise uniquement des cartes de tarot divinatoire comme système de résolution et de construction de donjon, avec un système finalement très paresseux dans le premier cas et pas trop mal fichu dans le second. Le reste, c’est un univers qui parvient à être original où il le faut et à dépeindre les aventuriers incarnés par les joueurs comme des gens désespérés et à la botte de types plus haut placés plutôt que comme des héros, ce qui change un peu. Et puis c’est bourré de conseils et de matériel prêt à jouer, ce qui n’est jamais un mal…
Tea for the Terribles - Et maintenant, quelques jeux beaucoup plus courts… Celui-ci m’est tombé sur l’œil avec son chouette titre, mais aussi avec son principe rigolo : celui d’un jeu de conversation dans lequel le but est surtout de déjouer l’attention du Roi jusqu’à ce que le poison versé dans son thé fasse effet. Pas étonnant pour un deuxième jeu que ça manque un peu de relief, mais il y a ce qu’il faut de cruauté amusante et de mécaniques originales pour retenir mon intérêt !
Comment écrire un roman de G.E. Trent - Je t’ai déjà dit tout le bien que je pensais de Simon Pettersson et de ses jeux dans des compotes précédentes, mais il me restait à te parler de ce jeu plus court que les autres dont je pense la même chose ! Ici, il est question d’écrire un roman pulp de manière collaborative, en incarnant les plumes se cachant derrière un pseudonyme protéiforme, et avec comme instruction de divertir le lecteur un maximum avec des péripéties extraordinaires et des personnages qui ne le sont pas moins. Le jeu est un peu moins bien traduit en français que les autres, mais cela lui donne un certain cachet et n’enlève rien de son attrait, pour moi qui aime secrètement ce genre de littérature avec ardeur !
Chicken Pod #1 - Je suis tombé par semi-hasard sur ce merveilleux petit zine, produit entre autres de l’imagination de la formidable Evlyn Moreau, mais surtout témoignage de la vitalité de la communauté Mobile Hut dont elle fait partie ! Comme tout zine, c’est un fourre-tout dans lequel on trouve des méchas, beaucoup d’OSR et quelques rapports de partie, mais c’est surtout un témoignage plein de vitalité de ce que peut être une communauté d’auteurices aux intérêts communs. Et nom d’un chien, quelle maquette magnifique !
Behold My Grand & Glorious Hat and Weep - Pour finir la moisson de cette semaine (j’en ai beaucoup, beaucoup d’autres s’empilant sur mon disque dur, mais je tâche de t’épargner…) voici un jeu assez formidable, ne serait-ce que parce que son autrice partage avec moi l’amour des chapeaux. Bon, ici il s’agit des couvre-chefs portés par la hiérarchie de l’Église Catholique, mais tout de même ! Il s’agit par ailleurs d’un jeu qui assume son aspect humoristique (le but du jeu étant de confectionner et porter un chapeau sans rire de ceux des autres) tout en respectant la foi catholique, au point où il pourrait presque servir de livre de prières tout à fait conventionnel. Et si ces 3 bonnes raisons ne suffisaient pas, laisse-moi ajouter qu’il s’agit à ma connaissance du seul jeu de rôle contenant une fin secrète !
J’ai vu :
The Americans saison 6 - On se doutait bien que tout cela n’allait pas finir dans le rire et les câlins… C’est donc la dernière saison, celle où toutes les digues lâchent, où l’on se rend compte que les loyautés et les amitiés ne sont pas toujours bien placées et où la plupart des mensonges finissent par éclater au grand jour. Il serait tentant de ne retenir de la saison que ses derniers épisodes et son formidable final, mais j’avais oublié à quel point cette 6e saison nous replonge également aux débuts la série, lorsque la tension entre Phillip et Elizabeth est au plus haut et leur relation le plus en danger… Voici en tout cas venu la fin de mon revisionnage de la série, qui a décidément bien vieilli et mérite sa place dans le panthéon des grandes !
L’Illusionniste / Notre-Dame-du-Jambon - Il n’était pas prévu qu’ils s’enchaînent ainsi, mais ces 2 documentaires dénichés sur Tënk partagent curieusement un intérêt pour la prestidigitation : dans le premier, c’est évident, avec son portrait d’une magicienne aux mille vies, qui nous raconte son parcours entre deux tours, toujours avec ces yeux souriants dont on voudrait qu’ils nous disent encore plus. Dans le second, les tours filmés en semi-amateur par l’un des deux frères dont on tire le portrait ne suffit pas à effacer l’ennui d’une journée d’été dans la cambrousse québécoise, où à part jouer à être des gredins, il n’y a pas grand chose à faire… Entre les deux, un certain attrait pour les tours de passe-passe comme faisant oublier un instant la réalité, souvent moins rieuse.
Terre d’Avril - C’est un documentaire semblant arraché d’ailleurs, et pas seulement parce qu’il remonte aux années 70, mais aussi parce qu’il fut filmé par une équipe de seulement deux personnes au fin fond du Portugal, où l’on répète le traditionnel spectacle de la Passion du Christ entre paysan·ne·s en même temps qu’on s’apprête à voter dans une élection qui nous dépasse un peu. Mais ces considérations sociopolitiques, sans être absentes du film, sont très loin d’en être le focus : ce qui importe ici c’est la répétition du spectacle, encore et encore, dans ses litanies et ses costumes plus ou moins ridicules, ses placements précis et ses accessoires qui le sont moins. Le temps d’une célébration, à part cuire le pain, plus rien d’autre n’importe, et l’on se laisse bercer dans cette parenthèse le long de 90 minutes.
J’ai joué à :
Les Petites bourgades - Entre deux runs d’Hades (dont je te reparlerai bientôt) et deux parties de The 7th Citadel (itou), j’explore parfois de nouveaux jeux de société en bonne compagnie, comme cette semaine ! Ainsi l’amie Milouch m’a fait (entre autres) découvrir ces Petites bourgades, jeu de placement assez redoutable dans lequel il s’agit de s’accommoder au mieux des décisions des adversaires, qui nous impactent aussi, pour que nos assemblages de cubes de couleur se transforment en bâtiments qu’il va falloir placer judicieusement pour enchaîner les combos de points. C’est donc du jeu pour gros cerveau et adeptes de jeux d’échecs en 12 dimensions, ce qui n’est pas mon cas, mais j’ai beaucoup aimé râler sur mes mauvais choix et m’esbaudir de ceux des autres !
Baron Voodoo - Autre jeu testé avec Milouch, avec également des petits cubes mais cette fois-ci de la sorte qu’on appelle « dés ». La mécanique principale de Baron Voodoo est celle du solitaire, en légèrement plus complexe : on saute par-dessus des dés qu’on capture pour appliquer un effet mais aussi pour faire les meilleures combinaisons et marquer le plus de points possibles. Le jeu bénéficie d’un très joli habillage graphique et d’un thème autour du vaudou qui est respectueux plutôt que caricatural, ce qui est très appréciable, et il est en outre plutôt bien fichu, et plus rapide que ce qui est annoncé sur la boîte qui plus est !
J’ai écouté :
Cat Power, “Willie Deadwilder” - J’ai toujours préféré le versant artistique de Cat Power qui assumait sa fragilité, ses imperfections et ses larmes ; ainsi mon album préféré reste l’immense You Are Free, dont je ne vais pas tout à fait te parler ici, lui préférant cette B-side de 18 minutes qu’on trouve à la fin du DVD Speaking For Trees (que je n’ai jamais vu) et sur quelques compilations d’inédits, dont celle où je l’ai récupéré. “Willie Deadwilder” est techniquement une chanson mais c’est surtout un poème d’amour, dont la longueur fait partie intégrante (à ce titre, je regrette vraiment que Chan Marshall l’ait écourté et modifié sa mélodie sur The Greatest) tout comme sa pauvre boucle musicale à la guitare acoustique qui rentre impeccablement en tête. Tout est dit dans la première minute de la chanson mais il faut dix-sept supplémentaires pour sourire rêveusement à cet amour simple qui pourrait avoir sa place dans un film à la Wim Wenders, cette histoire dont on n’a pas toutes les pièces mais qui émeut malgré tout… Une petite tranche de bonheur au milieu d’un moment brisé, dans laquelle s’insèrent d’autres amours, d’autres vies mystérieuses, comme si une chanson pouvait, d’un coup, contenir le monde.
L’arrière-queer de Milouch :
Chiennes de gardes - J'ai déjà dit ici tout le bien que je pense de l'incroyable Les Vilaines de Camila Sosa Villada, un livre latino-américain sur une communauté de femme trans et TDS. Alors quand l'amie Eugénie m'a prêté Chiennes de gardes de Dahlia de la Cerda, un livre sur des parcours de femmes au Mexique, j'étais plus que hyppée ! Et je n'ai pas été déçue !
Chiennes de gardes , c’est un livre composé de 13 nouvelles plus ou moins liées entre elles mettant en scène des femmes au prise avec un patriarcat destructeur dans le Mexique contemporain.
Ce sont des textes de violences et de faiblesses, d'amour et de désillusion, de représailles et de vendetta... C'est un des romans que j'ai pu lire où le patriarcat est le plus terrifiant. Il est absolu et tout puissant, il vient saisir les vies et les corps. Et face à ce monstre protéiforme, on a le récit de 13 femmes qui résistent, se dressent... Il y a à la fois une grande diversité dans ces histoires mais toujours ce fond antipatriarcal présent et une présentation assez fine du Mexique contemporain (de ce que je peux en juger par mes maigres connaissances).
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Comment ai-je pu vivre aussi longtemps sans savoir qu'il existait un classement des dix meilleurs carrés ?
- Puisse ton amitié être aussi forte que celle de Corey et Craig.
- Ne laissez pas traîner vos grands-mères, comme dirait l’autre, mais vos boomers non plus.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si si.