La compote de Côme #184
Du dimanche 4 août au dimanche 11,
J’ai lu :
Eco-Mofos!! - Cette semaine a été riche en lectures rôlistes et OSR, ce mouvement qui ne cesse d’inventer de nouvelles façons de jouer de la même façon au jeu de rôle. Je caricature un brin mais j’ai été assez frappé par les similitudes mécaniques entre les différents jeux cette semaine, avec presque systématiquement des micro-différences dont, je l’avoue, j’ai eu du mal à comprendre l’intérêt (mais la mécanique n’a jamais été ce qui m’attire le plus dans un JdR et je suis loin d’être un expert en la matière, donc je n’en dis pas plus car j’ai déjà sans doute écrit beaucoup de bêtises dans ce paragraphe !). Toujours est-il qu’Eco-Mofos!! est loin d’être un mauvais échantillon du phénomène, avec son ton résolument ecopunk et son univers dans lequel on incarne les paumés qui refusent de se soumettre ou se résigner et partent à la recherche d’une potentielle terre promise. Ça manque sans doute, comme souvent, de directions pour naviguer ces territoires accidentés, mais là aussi, je ne crois pas que c’est ce que les amateurs du genre viennent chercher en priorité…
Advanced Double D6 - À part son titre rigolo, ADD6 a ceci pour lui qu’il n’utilise que le toujours fiable dé à 6 faces, et qu’il accompagne un peu plus son lecteur à travers ses règles OSR qu’Eco-Mofos!!. Ah, et aussi qu’il propose un générateur de noms de monstres assez rigolo ! Le reste est de l’OSR pur jus, avec des règles cependant simplifiées concernant le combat et la magie, et un petit gimmick sympathique autour des double 1 et double 6. Bref, si tu préfères le d6 au d20, cet OSR-là est pour toi !
Perils & Princesses - Ma grosse déception, avec P&P, est qu’il n’explore pas du tout la pléthore de tropes qui lui tendaient les bras avec cette histoire de princesses à épées ; sur ce point, The Excellents (et, dans une certaine mesure, Thirsty Sword Lesbians) font un bien meilleur job. Je ne vais pas me répéter sur l’aspect OSR du jeu, mais j’ai bien aimé sa mécanique de pouvoirs détenus par les personnages, impliquant un élément stratégique de risque calculé de la part des joueurs… Et puis, niveau illustrations, c’est sans doute le plus chouette des jeux OSR que j’ai lus cette semaine !
Corp Borg - Il y a une autre famille de jeux OSR, bien sûr, dont les habillages visuels, quand ils sont réussis, claquent pas mal, et c’est le cas de Corp Borg (à 2 ou 3 illustrations près), dérivé du sublime (mais à mes yeux un peu mou mécaniquement) MÖRK BORG. Dans cette version, on travaille pour une corporation aux accents cultuesques, quand ce n’est pas cthuluesques, et on se rebelle petit à petit contre son emprise tentaculaire. Le tout est trop dangereusement proche du réel par instants pour être tout à fait rassurant, ce qui prouve que CB remplit bien son rôle ; j’avais un peu peur qu’on ne puisse pas jouer grand chose au sein de ce contexte, mais un scénario fourni avec le jeu a dissipé ces doutes !
I Am Furious (Pink) - Autre ambiance avec ce jeu dont le titre vient d’un film érotique suédois (et si…) mais qui traite plutôt d’empouvoirement féministe, dans lequel on incarne une héroïne qui commence par s’en prendre plein la tronche avant de se transformer en avatar d’une vengeance violente et de refaire le chemin de l’humiliation à l’envers en massacrant tous ceux qui l’ont faite chier. Ça aurait sans doute bénéficié de moins de subtilité (et c’est rare que j’écrive ça !) mais la proposition tient la route et a pour elle, il faut le dire, une très belle couverture !
Nouvelles du Front - Marine Tondelier avait mis gratuitement à disposition la version numérique de son livre pendant les élections législatives (c’est toujours le cas) et j’ai mis un peu de temps à le lire car je pensais savoir ce que j’allais y trouver, et je ne me suis pas trompé. Bien que les faits relatés datent à présent un peu, ce témoignage interne des mécaniques du RN pour se faire passer comme le parti sauveur après une gestion calamiteuse par un élu de gauche corrompu sonne terriblement actuel en cet été 2024, et Tondelier a raison de s’inquiéter de ce qu’une gestion similaire donnerait à l’échelle d’un pays, avec ses tombereaux de mesquineries et de basse vengeance envers ceux et celles qui ne pensent pas comme le parti, et qui empêchent les cadres de déployer tranquillement leur politique du rien, basée sur beaucoup de souffles de haines et absolument rien pour améliorer la vie de l’habitant·e moyen·ne. Bref, j’avais besoin de faire rougeoyer à nouveau un peu de colère et de vigilance en cette période dite de « trêve estivale », c’est à présent chose faite.
L’Essentiel des gouines à suivre tome 2 - J’ai eu beau essayer de prendre mon temps avec ce tome 2 de L’Essentiel des gouines à suivre, histoire de ne pas me lasser du rythme de la série, je dois avouer avoir été un peu déçu par ce 2e tome. C’est que ses planches accentuent, à mon sens, les défauts des années précédentes, avec un focus grandissant sur la politique étasunienne, qui devient une véritable obsession au fil des années Bush, au détriment des intrigues plus terre-à-terre des personnages : leurs névroses autour de la guerre en Irak se multiplient, comme les planches servant de métaphore politique souvent un peu redondante. On s’éloigne donc un peu du côté soap opera de la série, ce qui explique peut-être pourquoi elle se termine sur une planche ni plus mémorable ni plus oubliable que les autres, sans autre forme de conclusion. Dommage, mais je comprends qu’après 25 ans, Bechdel se soit un peu lassée…
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Conversation avec Ben Felten - La tradition du podcast mensuel ne faiblit pas pendant l’été, puisque j’ai encore deux épisodes sous le coude avant la fin de cette saison ! Le premier fut enregistré dans un jardin (puis à la maison, car un souci technique m’a fait perdre la moitié de l’interview…) avec l’ami Ben, pourvoyeur de compotes s’il en est mais également auteur de jeux de rôles, entre autres choses de qualité. On ne se voit pas si souvent et se croiser le mois dernier fut l’occasion de parler de son futur jeu Les Mystères de Paris ! Heureusement qu’il y avait un micro pour nous freiner sinon on était partis pour l’après-midi…
J’ai vu :
Departures - Ça faisait un moment que ce film sur la mort et ses rituels au Japon traînait sur mon disque dur, l’occasion d’une pause entre deux saisons de The Americans nous a enfin poussé à le voir ! Ce n’est pas le film du siècle, sans doute trop mélodramatique pour être tout à fait bon (un film dans lequel un personnage joue du violoncelle sur une colline en regardant le soleil couchant ne peut être tout à fait bon…) mais il a le mérite de dédramatiser les rituels funéraires japonais, tout en les présentant à nous qui n’y connaissons rien. Néanmoins, un documentaire sur le sujet aurait sans doute été meilleur, tant l’intrigue est ici fine…
Creaturas - Attiré par l’affiche de Creaturas, dont le titre espagnol est donc traduit par un autre mot espagnol, je ne serais sans doute pas allé le voir si j’avais su que c’était un film sur la pédophilie : en y allant à l’aveugle, je me suis pris le sujet en pleine poire et ai eu du mal à le digérer. C’est un film qui prend son temps pour explorer le banal quotidien d’un type rongé par ses démons, avec lequel on sympathiserait presque, dont il serait facile d’oublier la face sombre… Le tout avec des thèmes annexes plutôt ambigus, qui ne sont pas vraiment faits pour être disséqués facilement. Je ne sais pas si j’ai vraiment aimé Creaturas, mais c’était certainement un visionnage intéressant qui va me rester en tête un moment.
Trap - Peut-être qu’au fond, on apprécie davantage un film quand on connaît sa teneur à l’avance : ainsi je me doutais que le dernier film de Shyamalan ne serait pas très bon, et les critiques lues avant mon visionnage me l’ont confirmé. Du coup, j’ai passé un plutôt bon moment devant ce film du genre de ceux qui requièrent de laisser son cerveau à l’entrée, et me suis bien amusé, en mettant de côté les nombreuses incohérences du scénario, à voir comment ce tueur en série / père de famille arrive à se sortir des griffes des forces de l’ordre face à une souricière qui se resserre de plus en plus. Le film aurait même pu être bon tout court si son dernier quart n’avait pas été plus poussif, tout en enchaînant les situations encore plus invraisemblables qu’avant… Et si la fille du réalisateur, poussée là dans un rôle central, ne jouait pas comme une telle patate.
J’ai joué à :
From Muddled to Clean - Vu que j’ai retrouvé la version imprimée de ce jeu sous un pile de papier vieille de 6 mois, il est peut-être temps d’admettre que je n’irai pas au bout ! Il faut dire que cette série de puzzles, qui a inspiré le génial Abdec (que je n’ai toujours pas fini non plus…) ne donne presque aucune instruction au joueur, le laissant essayer de comprendre les règles implicites du jeu. Ça a bien fonctionné avec moi sur la première moitié, me fournissant quelques formidables épiphanies, mais le niveau de difficulté trop élevé de la seconde moitié des puzzles m’a fait mettre mes raisonnements en pause, puis abandonner. Peut-être seras-tu plus intelligent·e que moi ?
J’ai écouté :
Détective 80 - De temps à autre, je me souviens qu’à une époque j’écoutais absolument tout ce qu’Arte Radio produisait et que je n’étais que très rarement déçu ; « Détective 80 », documentaire-fiction que j’ai bingé en début de semaine, me rappelle pourquoi. À travers la vraie-fausse (a priori plus vraie que fausse) quête des deux présentatrices pour retrouver une chanteuse oubliée des années 80, c’est la face B d’une époque qui est ici revisitée, avec ses laissé·e·s pour compte, ses mains façonnant des talents dans l’ombre, ses adeptes nostalgiques pas vraiment client·e·s du « c’était mieux avant ». C’est une enquête dont on sait d’avance qu’elle n’aboutira pas, mais c’est pas grave, c’était un beau voyage dans l’intervalle !
L’arrière-queer de Milouch :
Fantaisie Guérillère - Pour des raisons de projet de jeu de rôle, j'essaye de lire tout ce qui est un peu queer et médiéval en ce moment. Alors quand une amie m'a recommandé un roman queer, médiéval, basé sur Jeanne d'Arc au titre inspiré d'un livre de Wittig, que je considère comme une pépite absolue, je ne pouvais être qu'aux anges...
Émergeant de la brume des épisodes de Rex quondam Resque Futurus je me suis plongée dans cet opus.
Et j'en suis ressortie moyennement convaincue... Fantaisie Guérillère raconte le récit fantasmé de la création d'une armée de Jehannes d’Arc par Yolande d'Arragon dans la France de la guerre de cent ans. Elle entraine ainsi une dizaine de jeunes filles pour créer un ost mystique et guerrier qui libérera le « Royaume de France » des « Englishes ». C'est vif, enlevé, drôle...
Sauuuf que, cette belle proposition vient se noyer sous un texte écrit en pseudo vieux français mêlé d'anglais, que je trouve assez peu intéressant d'un point de vue stylistique et sur lequel je n'ai clairement pas les compétences pour juger s’il a une quelconque forme d'historicité ou s’il s'agit d'une lubie de l'auteur....
Et au milieu de ce fatras linguistique vient se poser (je vous laisse 3 secondes pour donner votre réponse la plus improbable) LE MYTHE DE CTHULHU... Oui parce que pourquoi pas rajouter des grands anciens et des combats contre des entités surnaturelles à cet ensemble ?!
Déjà que je suis souvent peu fan des Cthuluseries, là ça devient beaucoup trop pulp pour moi et ainsi moururent mes illusions sous le tombereau des tentacules tranchées par Jehane… Ya aussi d’autres références du même tonneau comme des mentions de 42 un peu partout qui me laisse pantoise...
Bref, je suis déçue, d'autant plus que ça partait très très bien !
Et toi :
mass : J’ai vu Deadpool et Wolverine. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un Marvel au cinéma. La grosse production de l'été était justement une bonne occasion, vu que j'avais une après-midi devant moi. La salle n'était pas trop pleine, et même si le prix du billet était prohibitif, j'étais dans de bonnes conditions pour apprécier le film.
On a là un film que je qualifierais de très référentiel. Chaque séquence semble regorger de clins d'œil et de parodies. Connaissant assez bien l'univers Marvel, j'ai tout de même eu l'impression de manquer certaines références, ce qui est frustrant. C'est comme si une conversation se déroulait avec des signaux en off que je ne parvenais pas toujours à saisir. On comprend le message de base, mais on sent qu'il y a autre chose sans toujours pouvoir mettre le doigt dessus.
L'humour, ultra-violent et cassant le quatrième mur à fond, est présent tout au long du film. Si les tacles à Disney, Marvel ou la Fox sont réjouissants, la violence extrême et les réparties salaces peuvent devenir lassantes après un moment. Cela reste amusant pendant les premières minutes, mais j'ai trouvé que cela s'essoufflait. Peut-être que je me fais trop vieux, tandis que ma fille a trouvé cela plutôt marrant.
L'intrigue est assez classique, mais le film est bien réalisé et les acteurs sont plutôt bons, notamment Hugh Jackman et Emma Corrin, qui joue une très stressante Cassandra Nova. Ryan Reynolds, fidèle à lui-même, peine parfois à renouveler son registre comique.
En somme, Deadpool et Wolverine est un bon divertissement pour ceux qui aiment l'humour violent et ne veulent pas trop se prendre la tête. Cela reste un Marvel, après tout.
Cédric : Je n'avais pas vu le film Ripley de 1999 avec Matt Damon, pas plus que je n'avais lu les romans de Patricia Highsmith, j'ai donc plongé dans cette série de 8 épisodes de Netflix sans rien savoir, si ce n'est que les téléspectateurs se plaignaient que c'était en noir et blanc et qu'il ne s'y passait pas grande chose. Par pur snobisme, je savais déjà que j'allais adorer. L'histoire se déroule en 1961, quand à New-York, un arnaqueur à la petite semaine est contacté par le père (riche) d'une connaissance pour lui rendre service. Il se trouve que le fils du magnat est parti depuis plusieurs années vivre une vie de patachon en Italie aux frais de la princesse. Et ses parents se languissent de lui. Ils proposent donc à Ripley de se rendre en Italie tous frais payés pour convaincre le fils pas encore prodigue de rentrer au bercail. Et Ripley, quand il comprend que ce sont des vacances payées et qu'il va pouvoir abuser de la situation, saute sur l'occasion. On se retrouve donc très rapidement transporté à Atrani, une petite ville côtière de carte postale où le fils à papa s'ennuie en barbouillant d'horribles tableaux tandis que sa petite-amie s'échine à écrire un livre. Ripley est instantanément obnubilé par le mode de vie de ce grand dadais de rentier. Et la merde va rapidement frapper le ventilateur. Alors oui, il faut aimer les histoires qui prennent leur temps. Mais les plans sont si bien composés, le noir et blanc est tellement profond, les acteurs jouent avec une telle justesse que c'est une bénédiction que le réalisateur prenne son temps. C'est une étude de caractère, nous sommes là pour visiter Atrani, pour admirer dans le détail comment Ripley le coucou va s'y prendre pour discrètement expulser les autres œufs du nid qu'il convoite. Cette histoire n'est jamais chiante : le décor est sublime, la reconstitution des années 60 est saisissante, la caméra est virtuose, les acteurs italiens ont une classe folle... Et sans s'en rendre compte, on tombe victime de l'empathie narrative : Ripley est une crapule, mais comme on le regarde grenouiller pendant des heures, on est pris d'une irrésistible envie coupable qu'il s'en sorte malgré tout. Une vera delizia.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Il y avait le couple d’espions qui avaient inspiré la série The Americans, ben maintenant y en a d’autres.
- Il y a stalker son ex pendant des mois sur les réseaux sociaux (ce qui est déjà incroyablement malsain, entre autres), et puis il y a stalker un chauffeur de bus pendant 60 ans parce qu’on est convaincu qu’il est une pop star.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si on a une nouvelle première ministre.