La compote de Côme #181
Du dimanche 14 juillet au dimanche 21,
J’ai lu :
Vitaloid Base Zero - Quelle déception que cette première lecture de la semaine, sans une franche surprise car j’avais déjà été déçu par d’autres propositions de son auteur… Mais déception tout de même car les choses partaient bien pour cette émulation rôliste de Metroid, avec un jeu solo en deux parties, la première constituant en l’élaboration d’une base pleine de monstres avec un paquet de cartes (de façon relativement légère) et la 2e en l’exploration de ladite base par une femme qu’on peut pas appeler Samus Aran pour des raisons de droit. Mais las, cette 2e partie est entièrement vide et ne contient rien d’autre, côté metroidvania, que « imagine que dans cette salle l’héroïne trouve un nouveau pouvoir et raconte comment elle s’en sert ». Le bon point, c’est que face à cette paresse intellectuelle il y a donc une place à prendre, et je continue de fantasmer pouvoir le faire d’ici quelques années…
Jigsaw Heroine - Avant d’écrire un jeu sur son expérience vis-à-vis de la thérapie par électro-chocs, momatoes avait déjà écrit un jeu semi-autobiographique, dans lequel il est question d’une héroïne aux souvenirs éparpillés, auxquels il va falloir redonner du sens. Une fois encore, du côté game design, c’est bien fait mais un peu faible ; en revanche, les émotions sont bien présentes et je continue d’être impressionné par le courage de momatoes à faire de sa fragilité une force, ou à tout le moins un outil ludique.
Fight or Fright! - Un petit jeu d’Halloween, ça te tente ? Et peu importe que ce ne soit pas du tout le moment pour se faire peur (en tout cas pas de cette manière) ! On est là dans l’archétype du bon petit jeu indé : des règles simples mais malignes où on recherche un délicat équilibre entre 3 scores d’attribut, un concept simple mais efficace d’enfants dont les costumes d’Halloween leur donnent des pouvoirs qui vont un peu trop loin, et une poignée de synopsis pour faire vivre le tout. De la belle ouvrage, et ça devient rare !
Perfect Draw - Je t’avais déjà parlé de la version démo de ce jeu il y a quelques temps, et me revoici avec la version complète ! C’est, sans surprise, le même jeu avec plus de contenu, c’est-à-dire un JdR dans lequel tous les conflits se règlent via des parties de CCG (collectible card game : les jeux comme Magic, Yu-Gi-Oh ou Lorcana). Ce n’est pas évidemment de concevoir un jeu-dans-le-jeu de cette manière et Perfect Draw s’en sort plutôt bien en alliant une simplification des règles parfois ultra complexes des CCG et une méthode pour créer ses propres cartes et ainsi faire grossir petit à petit son deck avec lequel écraser les adversaires. Le jeu s’accompagne d’un décor très fouillé, une ville dans laquelle évidemment tout le monde joue aux cartes, avec autant de duels que d’intrigues potentielles à chaque coin de rue. De la belle ouvrage !
Pray by Letter - Pas évident non plus de redynamiser le genre des jeux épistolaires, et c’est pas faute d’avoir tenté de m’y coller. Ici on reste à la fois dans quelque chose d’assez classique (échanges entre deux personnages à propos de leurs problèmes) en y instillant une pointe d’originalité, qui vient essentiellement à la fin de la partie : les joueurs utilisent une « échelle de la destinée » très proche d’une méthode de loto japonaise appelée “Amidakuji” (pas très étonnant vu que les auteurs sont japonais). C’est un principe mathématique plutôt malin et ça suffit à mes yeux pour démarquer Pray by Letter de la concurrence !
Coupe sombre - Je n’ai pas cessé mon exploration de la littérature paysanne mais cela me prend un peu plus de temps que d’autres chemins littéraires… Cette semaine, c’était donc ce court roman recommandé par l’ami Julien, fait d’une écriture ramassée, économe, pour raconter le retour à la vie civile d’un bûcheron sorti de prison pour un triste fait divers. C’est un récit qui ne laisse que peu accéder à son intérieur, mais dont les descriptions de nature suffisent à comprendre ce monde fait de peu, où les courants et les émotions circulent sous la surface et ne s’abîment que rarement au contact du souvenir. Coupe sombre reste donc nimbé de mystère, en particulier avec cette figure d’étranger qui ne cesse de suivre et d’observer le protagoniste sans jamais le rejoindre…
J’ai vu :
My Favorite Shapes - Je ne suis pas particulièrement friand de stand up, ceux dont j’ai parlé dans cette compote se comptant sur les doigts d’une main. Je suis en revanche tout à fait convaincu par tout ce que fait Julio Torres et l’avis de l’amie Caroline m’a convaincu de me jeter sur ce faux one-man show qui se révèle assez vite être différent de tous les spectacles du même genre, puisque Torres y passe grosso modo une heure à inventer des histoires autour d’objets divers, nous offrant une plongée dans sa psyché tellement particulière. C’est absurde et touchant dans le même temps, toujours livré avec cette morgue si parfaite, et ça touche un sweet spot tellement particulier qu’on ne sera pas beaucoup à apprécier tout cela, et ce ne sera sans doute pas si dommage.
Drag Race France saison 3 - Cette 3e saison de Drag Race France (l’émission à mi-chemin entre La Chance aux chansons et Miss France selon Camille, je ne fais que rapporter ces paroles, je n’y suis pour rien) était peut-être davantage en dents de scie que la précédente, plus courte et avec des performances très légèrement inférieures, mais tout cela importe peu car, d’une part, je suis parfaitement satisfait du résultat (j’avais 3 de mes queens préférées en finale de toute manière) et d’autre part, quel bien fou ça fait, en ce moment, d’avoir une émission 100% queer sur une chaîne de service public, regardée par des millions de personnes. Certes, comme le disait Milouch, tout cela aurait été mieux encore avec moins de compétition et plus de sororité, mais ça reste, au fond du fond, une émission de télé-réalité…
J’ai joué à :
The King is Watching - Je suis tombé sur ce petit équivalent d’un tower defense, attiré par la promesse d’un roi géant qui regarderait son royaume se faire mettre en pièces, mais non : à la place c’est le principe bien éprouvé d’une place forte qu’il faut défendre et améliorer à mesure que l’ennemi arrive, avec cette micro particularité qu’on ne peut faire tourner que 3 unités de production à la fois. C’est efficace en diable, et il en a fallu de peu pour que ça m’avale d’innombrables heures cette semaine.
Blossom Tales II: The Minotaur Prince - Ce second opus de Blossom Tales est tout ce qu’on peut espérer d’une suite : un contenu similaire avec quelques variations, une histoire dont il est un peu plus long de faire le tour et une poignée d’améliorations et d’innovations là où il le faut. En l’occurence, on est toujours à fond dans du Zelda-like et les inspirations de tel ou tel jeu de la franchise ne sont pas difficiles à identifier, mais il n’y a pas que ça : sur le bas-côté de la quête principale (qui prend déjà un certain temps, avec notamment son niveau en forme de labyrinthe) se trouvent tout un tas de propositions de collect-a-thon, dans lesquels il s’agit de ramasser un certain nombre d’objets, de trouver là où il faut les mettre et autres mini-quêtes du même genre… Comme la récompense était toujours la même (un quart de cœur, évidemment) je ne m’y suis pas collé longtemps mais ça ne m’a pas empêché de m’amuser et de trouver Blossom Tales II en tous points supérieur à son prédécesseur.
Magic School - Cette semaine, on est allés faire un tour au FLIP, dans lequel je n’avais pas mis les pieds depuis plus de 10 ans et qui est devenu un truc assez énorme : l’occasion de découvrir plein de nouveaux jeux en tout genre… Enfin, surtout pour Madeleine, qui ne nous a pas beaucoup laissé d’occasions de jouer à des choses pour adultes ! Parmi ces découvertes, au fond d’un bac d’occasion, cette Magic School qui consiste en gros en un jeu de Memory amélioré, dans lequel il faut former des paires en se souvenant non seulement d’où se trouve telle ou telle carte mais aussi si elle est déjà sortie dans le jeu. C’est une grande réussite, car le jeu est moins facile qu’il n’en a l’air (surtout quand les cartes, joliment dessinées, sont bien mélangées) mais aussi parce que c’est le premier jeu auquel Madeleine veut bien jouer du début à la fin sans chercher à modifier les règles ! Elle en réclame même partie après partie, et, cerise sur le gâteau, j’ai pu utiliser les cartes du jeu pour faire un proto-jeu de rôle avec elle… Voilà 5 euros que je ne regrette pas !!
J’ai écouté :
50 ans de chanson française anti-FN - C’est tout de même assez triste de se dire que ça fait 50 ans qu’on râle, qu’on chante à bout de souffle contre la montée du fascisme en France, et que ça continue de monter. C’est un peu déprimant de se dire que parmi toutes les chanteuses et chanteurs de cette playlist, un certain nombre a retourné sa veste, sans forcément qu’elle vire au brun, mais tout de même. Au fond, peu importe, tout comme le fait que cette vidéo arrive un peu après la bataille, car la bataille n’est pas finie et on aura besoin, sans doute, de continuer à chanter pour se donner du courage et se sentir groupés… en espérant qu’on ne fête jamais le siècle de ce genre de chansons.
L’arrière-queer de Milouch :
La Gentrification des esprits - Je l'ai déjà dit ici mais je suis très admirative du point de vue et du travail de Sarah Schulman. Elle arrive à développer des idées fortes et intéressantes tout en y mêlant sa pensée à son vécu. Ça créer des textes théoriques qui mêmes si ils sont moins sourcés que ne peuvent l'être des études sociologiques sont hyper prenants et sont souvent un témoignage de première main sur les situations décrites.
Et aujourd'hui, je vous parle donc de La Gentrification des esprits. Un texte qui raconte comment les espaces et la culture queer ont été réinvestis par la culture dominante suite à la crise du SIDA.
C'est un livre poignant. Qui évoque et rend très bien compte de l'avant et de l'après de cette période terrible et historique que furent les années SIDA. Schulman a vécu dans ces années-là et a activement milité au sein d'ACT UP. Son texte est donc emprunt de ce vécu. Et on comprend que cela résonne d'autant plus fort pour elle quand les espaces et la pensée de cette lutte sont réabsorbé et privatisé par la culture dominante.
On pourrait penser que cette position de résistance à l'ouverture des cultures minoritaires est une forme de gatekeeping, mais Schulman montre que c'est plus complexe que cela. En effet et c'est tout le principe de la gentrification, la reprise des lieux de la marginalité par la culture dominante induit une composante économique. Et par là-même on assiste non pas à une ouverture mais plutôt à une expulsion des personnes des espaces et du champ des idées.
C'est les loyers qui augmentent évidement mais c'est également un savoir et une culture qui devient enseigné dans des espaces élitiste, fermés accessible uniquement contre paiement. C'est les membres les plus conservateurs du mouvement queer qui rejettent la marge, la supplante et ne réalise pas l'héritage qu'elle a créée Et ce qui est d'autant plus terrible dans le récit de Schulman c'est que cette préemption des espaces queer et marginalisés a été permise par la mort de toute une partie de la communauté qui a été dévastée par le SIDA. On a donc à la fois la mise en cloche d'une culture, l'organisation de son inaccessibilité et la mise en place d'un plafond de verre empêchant les personnes queer de créer et d'organiser leurs propre espaces.
En France, je ne sais pas si un tel phénomène a eu lieu (mais c'est grandement possible). J'ai plutôt observé dans le milieu militant la perte d'une continuité. Un lien entre les générations que l'apparition du SIDA et sa désastreuse gestion par les politiques publiques a coupé. C'est en ce sens que ce texte et bien d'autres qui témoignent de ces périodes sont fondamentaux. Ils sont des liens entre les époques, des liens qui libèrent.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Par ailleurs :
- Il n’existe plus qu’une seule cabine téléphonique en France, et on s’y intéresse beaucoup.
- Il y a un tunnel sur la Lune, et voilà, c’est tout, c’est une chouette image à avoir en tête.
- Du disco et du foot, qui aurait cru que c’était le mélange parfait ? (Merci Matthieu !)
Des bises
et peut-être à dimanche prochain, si la chaleur et la désillusion ne nous ont pas tou·te·s fait fondre.