La compote de Côme #176
Du dimanche 9 juin au dimanche 16,
J’ai lu :
Hildegarde - Au fond, ce n’est pas l’histoire d’Hildegarde, abbesse du XIIe siècle aux visions prophétiques, dont il est question ici ; ce n’est même pas, enfin pas tout à fait, la peinture d’un siècle où toutes les merveilles, toutes les batailles, toutes les magies semblent possibles. Hildegarde est cela, bien sûr, mais au fil de ses chapitres qui se lisent comme de denses et exigeantes nouvelles, j’ai fini par comprendre : c’est le récit, et lui seul, qui compte ici. C’est un livre sur le plaisir de lire et d’entendre des histoires, de se laisser bercer par la voix du conteur, s’abandonner à l’écoute de la même histoire, déroulée encore et encore mais différemment à chaque fois, et de cette somme tirer un plaisir pas tout à fait définissable. Un livre par lequel je commence à comprendre l’engouement de mes pairs pour Léo Henry…
They Call This The City - Désolé si tu ne t’appelles pas Steve J. mais ce paragraphe ne te concerne pas ; en revanche, Steve, sache qu’il s’agit ici du jeu de rôle le plus stevecore que j’ai jamais lu. L’idée de TCTtC, c’est de construire collectivement une ville imaginaire, mais pas en dessinant une carte ou en inventant des personnages qui la peupleraient, non, ce serait terriblement banal : ici, il s’agit plus de générer des données de toutes les façons possibles. Oui oui, il s’agit bien d’un JdR dont le but est de dessiner des graphiques à deux axes, des diagrammes à barres, des camemberts, des boîtes à moustaches, et j’en passe. J’espère qu’il deviendra vite le nouveau passe-temps à la mode à la machine à café de l’INSEE !
Last Train to Bremen - On peut compter sur Caro Asercion, déjà derrière des propositions déjà présentées ici comme Dwindle ou i’m sorry did you say street magic, pour venir avec des jeux bien fichus et originaux, d’un coin de notre imagination où on ne les attendait pas tout à fait. La proposition de Last Train to Bremen est un peu plus ramassée que les deux autres : ici, on joue nécessairement un quatuor de musiciens, accessoirement animaux anthropomorphes, à bord d’un train qui les amène vers Brème mais surtout loin du diable avec qui ils ont passé un pacte. Tout le jeu va dès lors consister à jouer une version modifiée du poker menteur (mais si, tu sais, ce jeu plagié par Perudo !) et à se révéler les mensonges, les secrets et les rancunes de nos personnages, jusqu’à ce que le diable débarque pour réclamer sa part du contrat. J’avoue sans problème avoir trouvé le prix du jeu un peu cher par rapport à sa taille et rejouabilité potentielle, mais c’est joli, bien fichu, bref encore une réussite de la part d'Asercion !
GUN&SLINGER - J’avais déjà causé un petit peu d’un hack de GUN&SLINGER ici (t’as vu les majuscules, c’est la preuve que c’est un jeu sérieux) mais jamais de la version originale, qui a pourtant beaucoup de qualités ! Elle reprend ce que j’aime dans le western, c’est-à-dire cette idée d’un voyage à travers des terres désolées, sans les aspects racistes et colonialistes du genre, et avec une sacrée dose de fantastique : le décor, ici, c’est un truc à la Stephen King, où tout est tordu, muté, sans retour possible. Là-dedans se baladent les deux personnages du jeu, un errant et son flingue, poursuivis par une chose sans nom et à la recherche d’un idéal lointain. Bref, dans ce jeu à 3 on est là pour faire de l’errance hallucinée, et ça me plaît beaucoup…
Mekka Nikki tome 2 - Je comptais prendre mon temps avec le tome 2 de Mekka Nikki, lire sagement un seul épisode tous les soirs, et puis voilà que je me suis enfilé 250 de ses 400 pages en une seule soirée : la preuve qu’il s’agit là d’un excellent page turner, avec un tome 2 qui tape plus fort que le premier sur tous les plans : maestria graphique qui s’affiche discrètement, récit à fond les ballons, révélations en cascade qui s’emboîtent parfaitement et vont jusqu’à ramasser tous les petits détails narratifs semés dès les premières pages de la saga… Le tout avec ce qu’il faut d’émotion, et une fin vraiment belle que j’ai néanmoins trouvée un peu courte (mais c’est peut-être mon désir de prolonger le plaisir qui parle !). Bref, une excellente bande dessinée initialement parue chez Vide-Cocagne, éditeur hélas disparu, mais qui a depuis été reprise et republiée, et qui devrait être adaptée en série animée… Tu n’as pas fini d’en entendre parler !
J’ai vu :
Furiosa - Après le chef d’œuvre épique qu’est Fury Road, avait-on besoin d’un préquelle sur le personnage de Furiosa ? Bien sûr que non. Ce préquelle est-il parfait ? Loin de là : il se présente avec un rythme plutôt étrange, prenant son temps pour démarrer et choisissant de couper net quelques scènes qui auraient pu être incroyables si elles n’avaient pas été des montages, et son usage de la musique est bien plus décevant que dans Fury Road. Alors, est-ce un mauvais film ? Évidemment que non : c’est un film rempli d’incroyables performances d’acteur, de scènes d’action phénoménales et d’un discours sur la vengeance plus subtil qu’il n’y paraît. Mais de toute façon, rien de tout ça n’a d’importance : j’allais au cinéma pour être recouvert par des kilos de pneus qui brûlent et des hectolitres d’essence en flamme, et j’ai eu exactement ce que je désirais. Chacun·e son kink.
The Americans saisons 4 - Il s’en passe des choses, en l’année 1982-1983 qui constitue le gros de cette 4e saison ; tellement qu’elle est d’ailleurs divisée en deux moitiés, la première en constituant les deux tiers et concernant en majeure partie l’organisation du départ d’un personnage majeur de la série. Il y est question, une fois de plus, de la confiance qu’on accorde et des dégâts que peuvent causer un peu trop de franchise, mais aussi de guerres bactériologiques sous le manteau et de l’équilibre toujours plus ténu entre la vie personnelle et un travail qui relève du total sacerdoce. Les choses n’ont jamais été aussi près du point de rupture, et moi qui ai vu ce que la suite réserve, je sais à quel point cette affirmation est lourde de sens…
Inside No. 9 saison 9 - Je suis bien content que Inside No. 9 s’arrête parce que punaise, ça commençait à devenir difficile de trouver de nouvelles façons d’écrire que cette série anthologique, faite de huis clos et d’humour (très) noir, voir de noir tout court, était chaque année un véritable plaisir à regarder, avec chaque fois des épisodes totalement incroyables, d’autres un peu mous, et la plupart entre ces deux extrêmes, mais avec toujours une inventivité renouvelée, 54 fois de suite même. Cette ultime saison n’échappe pas à la description précédente, avec deux premiers épisodes très puissants, deux autres conceptuellement intéressants, un cinquième plutôt classique et de bonne facture, et un ultime épisode évidemment méta et autosatisfait (avec raison), car comment conclure autrement ? Vraiment Inside No. 9, comme les autres créations de Reece Shearsmith et Steve Pemberton (The League of Gentlemen et Psychoville) était un incroyable morceau de télévision, et j’ai hâte de voir le prochain projet du duo !
Le Deuxième acte - Il faut ralentir un peu, Quentin, trois films en un an ça commence à se voir que c’est beaucoup : la preuve avec ce Deuxième acte certes fort sympathique mais qui paraît à moitié terminé par bien des aspects. Ça commençait d’ailleurs pas très fort, avec un long plan séquence où vient s’insérer une surenchère de propos transposes qui sont heureusement dénoncés comme tels dans le film mais semblent tout de même une façon étrange de commencer. Et ça tombe bien, car à l’instar de l’affiche du film, qui promet du film français tendance comédie de mœurs, cet échange s’avère vite un faux semblant, un cache-nez qui dissimule un autre cache-nez, comme si un autre type de film français s’était caché dans ce film français. Je suis obligé de parler de tout cela en termes vagues pour ne pas divulgâcher le procédé sympathique, que Dupieux nous a déjà servi à d’autres sauces et, à mon avis, avec plus de brio dans des films plus anciens… Enfin on se laisse porter par le film et ses ruptures de ton, par ses situations cocasses (ramassées dans un unique décor auquel on ne peut apparemment qu’entrer et sortir à l’aide de longs plans séquences) et ses dialogues plutôt réussis, au contraire de ce que le film met en lumière : les discours sur les quelques maux de l’époque et du cinéma sonnent un peu creux, comme si Dupieux avait voulu insérer un best of des propos sociaux du moment dans son film sans trop savoir par quel bout les mener. Et puis en fin de film, quelques grains de sable s’insèrent, et puis il y a cette étrange scène finale et ce plus étrange encore ultime plan séquence, dont personne, même pas le réalisateur, ne semble vraiment savoir où il mène. Au fond, c’est un film typique du Dupieux des années 2020 : une idée, une série de scènes, un film court qui ne sait pas trop comment se terminer mais se laisse regarder. Comme le soulignait une critique, il reste encore 6 mois à l’année, le temps de sortir un quatrième long métrage, mais serait-ce vraiment sage ?
J’ai joué à :
The Last Campfire - J’ai plusieurs canaux pour me tenir au courant de ce qui a l’air sympa en matière de jeux vidéos, mais les soldes sur Switch restent une source privilégiée et c’est comme ça que j’ai entendu parler de ce Last Campfire disponible à vil prix. Évidemment, ce n’est pas le jeu de l’année, mais ça m’a permis de découvrir un petit jeu de puzzles environnementaux plutôt sympathique, dans lequel on incarne une petite étincelle chargée de redonner de l’espoir aux gens, en entrant dans leur âme qui, ça tombe bien, est configurée comme un puzzle… Avec son style mignon et ses quelques trésors cachés à dénicher de-ci de-là, ça m’a fourni quelques heures d’échappatoire cette semaine, et c’est toujours le bienvenu !
J’ai écouté :
Smoosh, Withershins - C’est fou de se dire que lorsque je découvre Smoosh, en première partie d’un concert de Eels, ses deux membres ont à peine 15 ans ; c’est dingue de se dire que sur l’album que j’achète alors en fin de spectacle, elles ont même respectivement 12 ans et 14 ans ; incroyable de constater que leur tout premier EP date d’il y a encore 4 ans auparavant, soit lorsqu’elles avaient 8 ans et 10 ans. Bref, Asya et Chloe Saavedra baignent dans la musique depuis toujours, et Free to Stay (l’album de 2006, donc) reste un chouette petit morceau de pop acidulée impeccablement réalisé. Aujourd’hui, les sœurs Saavedra ont la trentaine et vont plus chercher du côté de la synth pop avec leur nouveau groupe, Chaos Chaos, que je n’ai que peu exploré ; moi c’est de Withershins, dernier album de Smoosh paru en 2010, que je voulais parler aujourd’hui, car on est loin ici des choses lumineuses et acidulées, la pochette de l’album le prouve bien. Ça commence tout doucement, avec un titre nommé comme une ville suédoise, et toujours ces voix qu’on entend couleur comme une rivière avec juste ce qu’il faut de cailloux au fond. Withershins est l’album de la fausse langueur : souvent, ça commence comme une lente danse, et puis la batterie semble réveiller les instruments et ça explose, le long de pistes qui durent quasiment toutes plus de 4 minutes (bon, des fois ça reste bien pop quand même). C’est aussi un album où l’on entend plus de piano et de cordes qu’auparavant, qui maintient une ligne plus sombre, un peu plus mystérieuse aussi. Rétrospectivement, c’est peut-être l’album sur lequel les adolescentes du début étaient en train d’évoluer vers des musiques plus complexes, pour le plus grand plaisir de mes oreilles, et c’est ce potentiel de transition que je retiens de Withershins.
Et je ne sais toujours pas si je vais me relancer dans une grande saga musicale ou pas, car assez peu de personnes ont donné leur avis sur la question, je continue donc de coller mon sondage ici :
L’arrière-queer de Milouch :
Le Môme des lesbiennes à suivre - Eh oui, je vous disais être partie me promener sous les ors (enfin plutôt le béton) de la BNF mais je n'y ai pas fais que lire Les marsouines, j'y ai aussi lu Le môme des lesbiennes à suivre… Ce pass recherche aura décidément été super rentabilisé !! Je ne vais pas représenter Les gouines à suivre, je vais plutôt parler des quelques différences entre l'édition que j'ai pu lire et mon édition de référence (pour rappel, c'est celle parue aux éditions Même pas mal en 2018). Déjà, on est sur une production beaucoup plus roots : le bouquin est en format A5 paysage (franchement quel format magnifique...), on sent que la traduction a été un peu plus faite à l'arrache et surtout, surtout on a de strips en plus !! Alors, de quoi parlent ils ces fameux strips ? Et bien, pour la plupart, je comprends qu'on les ai enlevé de la version de référence que j'ai (et qui reprend la compilation Essential dykes to watch out for). Ils sont souvent un peu datés, un peu moins drôles… Exception faite d'un strip super méta où les personnages se demandent comment va évoluer leur histoire, et du strip (enfin plus exactement la dizaine de pages) sur la naissance du fils de Toni et Ginger. C'est un peu une apothéose de la BD où toutes les gouines sont présentes et jouent leur rôle comme une espèce de pièce de théâtre les réunissant toutes. C'est fort, bien amené et extrêmement plaisant à lire. Ça donne également un coté un peu conclusif aux première années de la BD et amorce le ton des épisodes suivants.
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Et sinon :
- Un type bien plus persistant que moi dans les idées stupides prend une photo de lui tous les jours depuis 25 ans. Il a un chouette site Internet, aussi.
- Un monastère, un passage secret, des livres rares qui disparaissent : eh non, ce n’était pas un film
- La découverte totalement fortuite de la semaine : un système de divination malgache avec des graines qui utilise les mêmes principes que l’algèbre booléen
- L’évasion d’Alcatraz de 1962 est tellement incroyable (non mais mate-moi cette fausse tête !) qu’elle a inspiré une tripotée de films mais aussi des escape games (évidemment…), des jeux de société, et j’en passe. Mais bon, arrêtez tout, un logiciel de reconnaissance faciale a identifié un des fuyards ; enfin, comme c’était en 2020 et qu’on n’a pas de nouvelles depuis, je ne retiendrais pas mon souffle à ta place.
- Je n’ai pas grand chose à dire sur la situation politique actuelle, en plus Martin Lafréchoux l’a dit beaucoup mieux que moi dans la “Bonus track” de la dernière livraison de son (excellente) infolettre. Aimons-nous, restons ensemble, aidons-nous.
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !