La compote de Côme #171
Du dimanche 5 mai au dimanche 12,
J’ai lu :
L’Effondrement - Il y a fort longtemps, j’avais écrit un petit jeu en une page avec comme idée centrale une tour de dés qui s’écroule ; je pense sincèrement que c’est une mécanique très puissante, autant que celle que Dread utilise avec le Jenga, et qu’on n’en voit pas assez d’applications. Je suis donc ravi que L’Effondrement parte des mêmes bases (ahah) pour parler de quelque chose de différent, en l’occurence l’effondrement d’un monde et sa reconstruction ! Bien que long de seulement 2 pages, c’est un jeu vraiment très malin, qui joue à fond et pour mon plus grand plaisir la carte de la matérialité, donnant à des gestes comme le découpage d’une fiche ou le retournement d’une feuille un vrai sens intradiégétique… Une très chouette lecture, qui je l’espère inspirera davantage de jeux avec des tours qui s’écroulent !
Oceania 2084 - Je dois dire que faire une partie de jeu de rôle dans l’univers de 1984 de George Orwell est assez loin de mon idée du fun, mais j’imagine que c’était inévitable qu’un JdR sur ce thème arrive un jour… Fort heureusement, Oceania 2084 est, ça se sent, écrit par quelqu’un qui connaît le roman et ses thématiques sur le bout des doigts et qui parvient à les retranscrire sous forme ludique sans que cela soit trop lourd (malgré un système un rien poussif, mais on ne peut pas tout avoir). Le jeu a pour lui de ne pas tenter de coller une couche héroïque à l’univers d’Orwell, nous proposant plutôt de dépeindre des journées normales dans la vie des citoyens de ce monde dystopique, en soulignant à quel point cette vie normale, justement, est intenable et mène presque fatalement à une rebellion plus ou moins volontaire. L’autre bon point du jeu, c’est son absence de MJ, qui est remplacé (évidemment) par un « Big Brother » qui est là pour observer et au besoin sévir plutôt que pour diriger l’histoire co-construite par tous et toutes. Un projet solide, donc, qui vient d’ailleurs de terminer son financement participatif avec succès, et c’est mérité !
Mythic Bastionland - Je t’avais déjà parlé du récent jeu de Chris McDowall, qui vient installer le passé mythique (sans déc’) de Bastionland, son univers déjà développé dans Into the Odd et le chouette Electric Bastionland. J’ai feuilleté cette semaine la version plus complète du jeu car vraiment, je voudrais beaucoup l’apprécier, tant il est plein d’idées qui m’attirent : une galerie de chevaliers tous plus ou moins tordus, de quêtes sombres et gluantes et de hérauts pas très nets ; une évolution des personnages par bonds de dizaines d’années entre chaque partie ; un monde magique qui m’évoque très fortement l’esthétique de The Green Knight plutôt que celle de Kaamelot… Mais non, y a rien à faire, utiliser un système OSR avec des caractéristiques, des dés à 20 faces et des règles de combat compliquées pour faire tourner tout ça, ça ne passe pas chez moi. Je crois qu’il n’y a plus qu’une solution, c’est que quelqu’un me le fasse jouer !
Kimchi Overdose #26 - Je t’ai déjà dit beaucoup de bien de Kimchi Overdose, le fanzine de Martin Lafréchoux qui tient une infolettre à laquelle tout le monde devait s’abonner ; je vais t’en redire beaucoup de bien cette semaine. Cette fois-ci, ce touche à touche de Martin ne parle pas du tout de psychogéographie ni vraiment de philosophie, même si le sujet de ce numéro 26 est Ludwig Wittgenstein. Je ne connais personnellement absolument rien à ses idées (à part qu’elles ont inspiré un jeu de rôle un peu trop dense à ce cher Romaric Briand) et n’en sais pas plus après la lecture de ce zine ; en revanche, je suis pris d’amitié et de pitié pour ce philosophe qui avait l’air bien perché, assez insupportable et perdu dans une quête d’absolu aussi bien en termes de philosophie que de morale personnelle, sans jamais parvenir à son but. Comme d’habitude, Martin écrit avec passion, humour et connaissance pointue sur son sujet, c’est donc passionnant et me pousse presque à ouvrir un bouquin de Wittgenstein pour voir de quoi il retourne ; mais je vais plutôt continuer de lire des histoires d’horreur pop, ça me réussira mieux je pense.
Page de pub :
J’ai vu :
Civil War - C’est une drôle de campagne de pub qui a été faite pour le film du créateur de la série Devs ; c’est un drôle de titre, aussi, à choisir pour un film qui ne parle finalement pas vraiment de dystopie ou de guerre civile aux États-Unis mais plutôt de ce que peut être le journalisme de guerre, dans ce constant équilibre entre besoin de témoigner et voyeurisme obscène. Les États-Unis déchirés ne servent finalement que de toile de fond pour un road trip qui m’a curieusement rappelé Children of Men dans sa photographie et son travail du son, et qui vise par des vignettes accrochées les unes aux autres à montrer le travail de photo-reportage et surtout ce qu’il coûte. Ce n’est pas un portrait très flatteur des journalistes que réalise Garland, mais je ne crois pas qu’il soit fondamentalement critique non plus : il est là pour montrer la banale horreur de la guerre, sous toutes ses facettes.
The Americans saison 3 - À mi-chemin de The Americans, les vrais enjeux sont posés, et ils sont davantage moraux que politiques. Certes, on s’occupe de l’Afghanistan, entre autres choses, mais il est surtout question dans cette 3e saison de tomber le masque (mais jusqu’où ?), de faire confiance (mais à qui ?) et de se lancer dans des missions allant de plus en plus au cœur de l’engagement idéologique, jusqu’à n’en plus pouvoir… Ce n’est pas encore la saison où tout craque, mais à présent que tout le monde ou presque est compromis et se pose de plus en plus de questions, on sent bien que ça ne va pas très bien finir.
J’ai joué à :
Punto - Milouch m’avait offert un gros jeu, Pessoa, dont je t’ai parlé la semaine dernière, mais m’avait aussi parlé de ce minuscule jeu qu’on m’a également offert entretemps ! J’ai envie de le décrire comme une sorte de Puissance 4 en amélioré, avec un aspect plus stratégique qui rend la victoire plus satisfaisante ; c’est en tout cas la sensation qu’il m’a laissé à deux, car j’imagine bien qu’à 3 ou 4 les parties doivent être bien plus anarchiques. Petit format, parties rapides, quelques variantes qui laissent entrevoir une version du jeu qui laisse moins de place au hasard… Je sens que Punto va vite devenir un classique chez nous !
Splendor Duel - Celui-ci était déjà un classique à mes yeux mais il ne faisait pas encore partie de ma ludothèque, ce qui est à présent chose faite ! La version de base de Splendor fait partie de ces jeux auxquels nous avons joué à deux des dizaines de fois, il était donc logique de finir par se laisser tenter par une version faite spécifiquement pour deux, qui, loin de se contenter d’une simple transposition du jeu, en réinvente une grande partie des mécaniques et vient bouleverser nos habitudes, notamment en ce qui concerne la prise de jetons qui est au cœur du jeu. Sans surprise vu l’équipe derrière, Splendor Duel est une mécanique bien huilée dans ses moindres détails et je sens, là aussi, qu’on risque de le ressortir souvent…
J’ai écouté :
Buddy Peace, Prometheus Birdsong - Je t’ai déjà chanté ici à plusieurs reprises les louanges de Buddy Peace, beatmaker extraordinaire, formidable DJ, aussi à l’aise dans la production de beats lourds et efficaces que dans celle de fragments plus expérimentaux… mais aussi, je le découvre (plus ou moins) avec ce Prometheus Birdsong, dans l’élaboration de musique ambiant / drone. Ce n’est pas tout à fait vrai, puisqu’il avait déjà commis l’excellent Meridianomy et que Prometheus Birdsong est seulement un mix de morceaux déjà existants… N’empêche que ces 3 heures (seulement disponibles pour les abonnés Patreon de Buddy, mais franchement, pour 1 euro par mois et des heures de musique en échange, si tu n’y es pas déjà tu as raté ta vie de mélomane) m’ont amené une nouvelle appréciation du genre. Par définition, le drone c’est l’art de prendre son temps et de l’étirer, de prendre chaque note et l’amener à son point le plus lointain possible, jusqu’à ce chaque petite variation, chaque micro-vibration soit audible. Moi qui suis un impatient notoire, ça me fait du bien, de temps à autre, de me plonger dans une musique qui me force à ralentir et simplement apprécier le moment.
Laura Veirs, Found Light - J’ai un peu laissé de côté Laura Veirs ces dernières années, pas tout à fait convaincu par son virage « folk doux » après des années à apprécier ses chansons aux mélodies toujours diverses et aux paroles toujours si finement ciselées. Mais il y avait quelque chose qui m’attirait dans la posture provocativement “girl boss” de la posture de Found Light qui m’a poussé à m’y plonger. En un sens, ce n’est pas un album si différent des autres : un morceau comme “Naked Hymn” aurait sans doute eu sa place sur l’un des albums précédents avec son solo de saxophone servant d’épilogue à une ode au toucher et à la transformation ; les rythmes de “Eucalyptus” rappellent certains morceaux de Year of Meteors ; “Winter Windows” aurait presque pu conclure July Flame… Mais, si j’essaye en général de ne pas trop m’attacher à ce que les coulisses d’un album amènent à son contenu, le fait de savoir que c’est pour Veirs l’album de l’apaisement post-divorce explique beaucoup. C’est aussi, plus personnellement, le genre de disque qui m’apporte par sa beauté tranquille (d’une façon différente que le mix de Buddy Peace mentionné ci-dessus) une certaine tranquillité d’esprit qui fait toujours du bien. Bon, il faut tout de même mentionner qu’il y a trop peu de Karl Blau sur cet album !
L’arrière-queer de Milouch :
Et toi,
qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !