La compote de Côme #170
Du dimanche 28 avril au dimanche 5 mai,
J’ai lu :
The Almanac of Sanguine Paths - Parmi les choses sur lesquelles je suis toujours curieux, les jeux épistolaires ont une place de choix : je n’ai jamais vraiment réussi à avoir d’expérience tout à fait satisfaisante en la matière, notamment en ce qui concerne la fin de tels jeux, mais je continue de chercher… Je ne sais pas si TAoSP est la réponse, mais sa proposition ludique - une correspondance entre deux loups-garous, via des lettres et un almanac magique - a le mérite d’être sacrément originale,
Up Down Left Right - Parfois, l’idée, au singulier, suffit : pointer du doigt dans une direction quand ton personnage de JdR veut faire une action, et selon là où pointe le MJ, ça rate ou ça réussit. Il n’y a pas plus que ça dans les 4 pages de ce petit document, mais ce sont 4 jolies pages, qui présentent une idée rigolote, et ma foi j’ai commis des mini-JdR avec pas beaucoup plus ! Bon, il y a quand même un gros défaut avec Up Down Left Right, c’est qu’à aucun moment on ne nous propose de faire « piou piou » avec nos doigts pistolets, et ça c’est tout de même une grosse occasion manquée.
Dans la maison rêvée - Ce n’est pas (encore ?) dans l’arrière-queer mais chez l’amie Lisa que j’avais entendu parler de ce roman sur les violences conjugales au sein des couples lesbiens ; il m’avait attiré, au-delà du sujet, par la promesse d’une enfilade de courts chapitres sous forme d’exercices de style, depuis le roman noir jusqu’à la science-fiction en passant par la romance, l’horreur, le livre dont vous êtes le héros, et j’en passe… Il faut bien dire que ces exercices de style sont souvent assez limités ou simplement cantonnés à un titre, une vague ambiance (mes compliments néanmoins à la page OuLiPienne qui a dû être cotonne à traduire !), mais ce n’est pas grave car le roman en lui-même est passionnant. Alternant auto-fiction et réflexions théoriques, c’est une dissection en règle de la façon dont les violences psychiques et physiques peuvent s’installer dans une relation, au mépris de tous les signes annonciateurs, et faire des dégâts irrémédiables ; c’est un livre d’une honnêteté glaçante, au fond de laquelle se cachent tout de même des éclats de poésie, et je l’ai dévoré en quelques jours.
Night Shift - Après 1500 pages avec les mêmes personnages, ce recueil de nouvelles de King était la meilleure façon de tourner la page et de ne s’attacher à rien de ce qui traverse les pages de Night Shift. Comme souvent dans les recueils de nouvelles, il y en a pour tous les goûts, de l’horreur la plus trash (et parfois la plus caricaturale) à des choses plus subtiles, de l’ordre du thriller ou du récit fantastique, en passant par une nouvelle touchante sur l’euthanasie et une autre sur les relations entre adelphes. Et même dans le rayon de l’horreur, c’est assez varié : de la folk horror, des possessions sataniques, des narrateurs non-fiables, il y en a pour tous les goûts…
J’ai vu :
Pantheon saison 2 - La saison 1 de Pantheon allait assez loin dans les considérations philosophiques autour des notions de conscience artificielle et d’intelligence téléversée ; elle n’oubliait cependant pas son intrigue et se terminait sur quelques révélations pas piquées des hannetons qui présageaient d’une saison 2 qui allait envoyer du lourd. Et du lourd, cette saison 2 en envoie, mais à un point que j’aurais difficilement pu prévoir… Ça commence plutôt tranquillement, poursuivant sur les fils narratifs installés en fin de saison 1, et puis ça monte tout doucement en puissance, jusqu’à une fin assez inattendue. Attends, quoi ? Il reste deux épisodes après cette fin qui semblait annoncer une saison 3 ? Alors, voyons voir… Eh bien laisse-moi te dire que ces deux épisodes, et en particulier les vingt dernières minutes de la série, figurent parmi les choses les plus ambitieuses et incroyables qu’il m’a été donné de voir ces dernières années. Comme le soulignait Melville, le choix de l’animation se justifie totalement au vu des dingueriez que cela nous envoie dans les yeux, et ça va très, très loin dans la science-fiction métaphysique, à tel point qu’il va me falloir un peu de temps pour digérer tout ça… Une très grande série, donc, et je suis à présent curieux de lire le recueil de nouvelles dont elle a été tirée !
Hundreds of Beavers - Le problème de voir plein de films chelous c’est qu’au bout d’un moment, on pourrait être un peu blasé des idées originales, par exemple « Ceci est un film muet en noir et blanc sur les aventures d’un trappeur se battant contre des créatures de la forêt dans une ambiance de cartoons pour adultes ». Mais Hundreds of Beavers, qui est exactement ce que je viens de décrire, est un chef d’œuvre de style qui transforme cette description en vision hallucinée avec un gag à la minute et une ambiance qu’on ne peut décrire que comme « Tex Avery sous acide ». Avec sa longueur d’1h50, le film est un poil longuet pour le voir en une seule fois ; ça n’en reste pas moins une claque phénoménale et un des métrages de l’année pour moi !
J’ai joué à :
Pessoa - Cadeau de l’inimitable Milouch, Pessoa est conçu autour d’un mélange étrange : celui entre les poèmes de l’auteur portugais (que je n’ai jamais lu) et des mécaniques de placement d’ouvriers et de combinaisons de cartes rapportant des points. Le tout avec des pions chapeaux et une tête géante de Pessoa au milieu du plateau pour représenter sa psyché… Je ne sais pas comment les auteurs du jeu ont réussi à vendre leur concept, mais ça marche étonnamment bien, et surtout cela fait des parties bien plus rapides que ce à quoi je m’attendais (à 2, en tout cas !). Le jeu met complètement de côté l’aspect poétique, peut-être pour le mieux, et préfère mettre en avant ses aspects stratégiques qui se révèlent subtils sans être trop complexes, ce qui tombe pile-poil pour moi. Un beau cadeau avec lequel je n’ai pas fini de jouer !
J’ai écouté :
L’arrière-queer de Milouch :
Et toi :
Steve : Doctor Sleep est un film vraiment étrange, adaptant un roman que j'imagine vraiment étrange puisqu'il s'agit de la suite - 30 ans plus tard - de The Shining. Je ne sais pas si tu lis les préfaces des romans du roi du Maine mais, 9 fois sur 10, il va parler de sa relation compliquée avec l'adaptation de The Shining par Stanley Kubrick. Il est l'une des deux personnes au monde - tu es la deuxième dans ta compote numéro 159 - à trouver le livre supérieur au film et il tient à le faire savoir au monde entier. « Et bla bla bla, le film est une trahison, et bla bla bla, Kubrick passe à côté de ce qui était important dans mon livre : un enfant avec des pouvoirs psychiques, et bla bla bla Jack Torrance n'est pas fou dès les premiers chapitres, le vrai méchant du récit c'est l'alcool ». Tout ceci est à mon avis terriblement gênant et m'empêche de voir en Doctor Sleep autre chose qu'une tentative de revanche prise sur Stanley Kubrick (ce qu'était déjà sa mini-série Shining sortie en 1997 et oubliée de tous, même de moi alors que je l'ai vu dès sa diffusion française, donc beaucoup trop jeune et à une époque où j'étais très impressionnable devant un film d'horreur). Vu sous cet angle, Doctor Sleep ressemble à une histoire de fantôme, un seul fantôme : celui de Kubrick qui revient du royaume des morts pour mettre des petits taquets derrière la tête de King, « bim bim bim bim... et encore bim bim bim ». Le scénario se focalise logiquement sur ce qui intéressait tout le monde dans The Shining : une explication très détaillée et dénuée de mystère des pouvoirs de Danny, l'enfant de The Shining devenu alcoolique et vieux (au point d'être ici joué par Ewan McGregor avec une grosse barbe). Ces pouvoirs, il va les utiliser pour lutter contre une secte de vampires (???) qui tuent des enfants médiums (???) et qui sont dirigés par un personnage interprété par Rebecca Ferguson (merveilleuse Ilsa Faust dans la saga Mission Impossible) qui a l'air beaucoup trop sympa pour qu'on parvienne à lui en vouloir (j'interromps ici le cours de ma critique pour sauver ma réputation en précisant que je ne cautionne bien-sûr pas le meurtre violent d'enfants mediums #StopTheKillingOfYoungMediums #ChildMediumsDeserveToLiveToo). À la réalisation, Mike Flanagan (dont je te conseille sa récente adaptation de la Chute de Maison Usher en mini-série Netflix) fait 1) son possible 2) pas mal de fan service avec plein de citations formelles du film de 1980 : reprise de thèmes musicaux, plans aériens inquiétants quand les gens se déplacent en voiture, réutilisation du fameux plan en steady-cam de Danny en tricycle... il va jusqu'à déplacer (par rapport au roman) le climax de l'intrigue en amenant tout le monde dans l'hotel Overlook ce qui est malheureusement un peu gênant pour lui puisqu'il passe un an après Spielberg qui - dans Ready Player One - utilisait ce même décor pour un hommage beaucoup plus amusant. Bref, à éviter, sauf si vous souhaitez voir mourir des enfants médiums (#OnNeCautionnePas) ou d'amour immodéré pour Rebecca Ferguson ou Ewan McGregor (#OnCautionneUnPeuPlusDéjà).
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !