La compote de Côme #167
Du dimanche 7 avril au dimanche 14,
J’ai lu :
Lucid Thieving - Vraiment, je ne comprends pas pourquoi le système des otherking dice, celui qu’on trouve appliqué dans Psi Run (et aussi dans un petit jeu de votre serviteur) n’a pas fait davantage d’émules, tant son aspect tactique est intéressant et original. Il est parfaitement à l’œuvre dans ce Lucid Thieving qui pourrait sembler, à première vue, une façon de jouer Inception en JdR, sauf qu’ici il est question d’arpenter des paysages mentaux et de comprendre leurs tenants et aboutissants oniriques… pour mieux les piller. C’est-à-dire qu’on n’est pas là pour psychanalyser notre cible mais pour éviter que ses fantasmes et rêves se réalisent, afin de pouvoir se tailler avec le butin. Ce n’est pas grand chose, mais c’est une variation sur le genre suffisante pour faire de LT une lecture intéressante !
Rosewood Abbey - C’est assez évident, quand on lit Brindlewood Bay, ce jeu d’enquête émergente avec des mamies : bien sûr qu’il irait très bien avec un thème médiéval pour refaire Le Nom de la rose autour d’une table ! Si bien, en fait, qu’on se retrouve à présent avec deux jeux proposant exactement cela : Montgascon, publié par Cédric Ferrand dans Casus Belli en 2022, et ce Rosewood Abbey, bientôt en financement participatif. Même concept, même moteur de jeu, difficile de choisir… Montgascon, la version de l’ami Cédric, avait opté pour les nonnes et des mécaniques au plus proche de l’original ; RA twiste un peu plus la formule, avec un système de rumeurs parcourant l’abbaye qui est alléchant sur le papier mais auquel, il faut bien l’avouer, je ne crois pas avoir tout compris car très mécanique dans l’esprit. Je choisis donc de ne pas choisir et de garder les deux sur mon étagère virtuelle, tu feras comme il te plaît !
Le Château des récits croisés - Il y avait là-dedans tout pour me plaire : une publication faite par une petite équipe de passionné·e·s et reposant sur le circuit court côté impression et distribution ; la présence de chouettes personnes comme Helkarava et Léa Murawiec ; l’hommage à Calvino (il faudra vraiment que je finisse par le lire, ce bouquin-là…) ; et puis surtout ce principe incroyable d’une suite de récits à lire comme un album Panini, avec des cartes à collectionner plus ou moins rares, plus ou moins argentées !! Matériellement, il n’y a rien à redire, l’objet est absolument superbe et provoque des étincelles dans tous les sens de mon cerveau quant aux potentialités ludiques d’un tel principe. Il y a d’ailleurs des règles pour créer de propres histoires si le cœur nous en dit, et c’est peut-être là qu’il faut aller chercher l’hommage au Château des destins croisés, car les 6 historiettes contenues dans ce volume sont farouchement indépendantes les unes des autres, là où on aurait pu imaginer mille ponts. Mais de toute façon, on ne va pas se mentir, c’est surtout pour la matérialité de la chose que j’en ai fait l’achat…
Rose à l’île - Décidément Michel Rabagliati est à son meilleur quand il parle du monde rural et dessine des beaux paysages et des moments de respiration dans lesquels Paul se déploie, et nous aussi. Rose à l’île s’éloigne de la bande dessinée à proprement parler pour devenir un livre illustré, pas vraiment loin de la série des Paul dans le propos mais avec un dessin plus doux, plus lâché, qui convient bien à cette escapade entre père et fille, au cœur d’une micro-société qui semble idéale (peut-être parce que détachée de toutes choses ou presque). C’est une parenthèse dans laquelle Paul se retrouve et où le personnage de Rose prend un peu d’épaisseur, pour, pourquoi pas, remplacer le père dans le rôle de l’héroïne ? En tout cas et même si Rabagliati avoue au sein du livre même qu’il arrive à la fin de quelque chose avec ce récit, j’en reprendrai volontiers sur le même ton !
Donjon Monsters tome 18 - Cela faisait je crois au moins 10 ans qu’Aude Picault avait accepté de dessiner un Donjon et celui-ci lui va comme un gant : aventure nautique en apparence des plus légères, on y retrouve Herbert et Isis vieillissants, presque apaisés même si toujours poursuivis par leur passé, et croisant la route d’une personnage secondaire qui a pris de plus en plus de place dans cette 2e phase de la série. Les références aux albums passés sont toujours aussi nombreuses mais elles m’ont paru ici moins denses que dans certains albums et si j’ai eu envie d’en rouvrir quelques-uns, c’était plus par plaisir que par nécessité… Qui plus est, le tome se conclut avec la promesse d’un arc narratif fort pour cette période de Donjon, et j’ai hâte de voir où ça va nous emmener !
J’ai vu :
Apolonia, Apolonia - Je n’aurais sans doute jamais regardé ce film sur une artiste contemporaine si Camille ne m’y avait pas incité ; le genre du biopic ne m’attire guère et ça me semblait ici quelque chose de très égocentrique. En soi, les profs d’Apolonia n’ont pas tort quand ils disent que sa personnalité est plus captivante que sa peinture, et on ne peut s’empêcher d’être fasciné par la trajectoire de cette femme qui se heurte assez vite au succès, avec les compromissions et les doutes qui l’accompagnent. Mais est-ce vraiment un film sur Apolonia ? Est-ce que ce n’est pas aussi un film sur la réalisatrice elle-même, ou sur Oksana Chatchko, ancienne Femen, ou sur le cynisme du monde de l’art contemporain ? Il est un peu compliqué de répondre à cette question avec un documentaire dont le tournage s’est étalé sur 13 ans et dont le dernier tiers s’éparpille quelque peu, Lea Glob étant happée par sa fascination et ayant du mal à poser sa caméra. Dommage, car en dehors de cette fin un peu longuette, le film est aussi intéressant que son sujet.
Samuel - L’enfance et l’adolescence, ainsi que les années 80-2000, semblent vraiment un puits sans fond pour les cinéastes, qui continuent d’y puiser des récits empreints de nostalgie et de fragilité. Samuel ne fait pas exception à la règle, mais s’en démarque parce que c’est ici le passage délicat de la primaire au collège qu’on explore, cette pré-adolescence jamais évidente à aborder, surtout quand on est un garçon un peu timide et chelou comme le protagoniste éponyme. Surtout, c’est une mini-série d’animation (21 épisodes de 4 minutes) entièrement créée par une seule réalisatrice (enfin, avec l’appui d’une équipe tout de même) qui prête également sa voix à l’ensemble des personnages. Les thèmes abordés sont sans grande surprise (l’école, les vacances, les amours et amitiés naissantes) mais avec un ton singulier qui laisse une grande place à la danse et à la musique et fournit de très beaux moments d’animation. Bon, j’aborde tout ça d’un ton un peu détaché mais je suis très client de ce genre de fictions et j’ai bien évidemment versé ma larmichette à la fin de la série… C’est donc du tout bon, merci à l’amie Guylène de l’avoir mis sur mon radar !
Madame Hofmann - Autre documentaire-portrait, bien différent d’Apolonia, Apolonia, ne serait-ce que parce que son sujet paraît presque dénué de tout ego : sur plusieurs années, on suit une cadre infirmière dans un service d’oncologie du sud de la France, quelqu’un qui porte tout sur son dos (enfin, dans ses oreilles en l’occurrence) et qui tâche de continuer d’avancer malgré la maladie qui l’entoure chaque jour et le monde qui se fissure peu à peu, dans et hors de l’hôpital. Il n’y a pas beaucoup de filtres entre la protagoniste et sa famille ou ses collègues (presque uniquement des femmes), et malgré le contexte on se prend à souvent sourire voire même franchement se marrer devant certaines répliques balancées avec un franc-parler inimitable. Bref, beaucoup d’humilité et de tendresse dans Madame Hofmann, et parfois ça fait beaucoup de bien.
J’ai joué à :
J’ai écouté :
Buck 65, Laundromat Boogie / Studebaker - Fin 2014, alors que s’apprêtait à sortir son dernier album Neverlove (dont j’ai dit tout le mal que j’en pensais la semaine dernière), Buck 65 balance en catimini sur Bandcamp un petit album bourré de samples et de bonne humeur, autour d’un thème central - aller faire sa lessive au lavomatic - le tout avec une production de Jorun Bombay, compère des années 1990 retrouvé pour ce disque surprise. Et c’est ma foi une excellente surprise, mais comment un album s’ouvrant avec une boucle de cor peut-il être foncièrement mauvais ? C’est un disque sans aucune prétention autre que celle de te faire pirouetter comme un tambour de machine à laver, comme l’annonce son titre, qui n’oublie pas de parler de meufs de temps à autre car on ne change pas notre Richie ; mais c’est fondamentalement un disque fresh et sur le fait de l’être, un truc qui ne prend pas la tête et qui fait sacrément du bien, comme le fut Dirtbike 4 un peu plus tard, surtout à une époque où Rich n’allait clairement pas bien, comme en témoignait un message Facebook un rien alarmant posté en 2015 avant de disparaître des radars, en même temps que son auteur. Il n’y eut qu’un mini-album) balancé par Buddy Peace fin 2016, artefact d’un projet d’album entièrement construit sur des boucles de percussion débuté en 2009 (oh, quel trésor c’eût été !) et qui envoie sacrément dans cette version ramassée, presque même plus que si ç’avait été un projet complet (encore que—mais attendons d’être en 2023 pour en reparler…). Et voilà, c’était tout : il semblait bien que la discographie de Buck 65 se refermait là, après plus de 20 ans d’albums divers et variés et des expérimentations parfois heureuses, parfois moins. Et puis, en 2020, quelque chose commença à se passer.
L’arrière-queer de Milouch :
Et toi :
Mass - J’ai lu Un long voyage de Claire Duvivier. Dans ce récit, le narrateur, Liesse, nous entraîne à travers l'histoire d'un empire et de Malvine Zélina de Félarasie, son ambassadrice impériale, en se basant sur sa propre expérience. Nous le suivons depuis son enfance jusqu'au dénouement de cette intrigue. Ce cheminement se révèle être une lecture captivante, ponctuée de moments de joie et de tristesse, de crises et de leurs résolutions. Nous évoluons dans un univers de fantasy où la mélancolie est omniprésente, dépourvu de tout aspect héroïque. Claire Duvivier réalise l'exploit de construire un univers fantasy complexe et une histoire dense en dépit du nombre limité de pages. C'est remarquable de voir comment tout cela s'assemble, et il est fascinant de plonger dans cet empire pour suivre les péripéties de Malvine Zélina et surtout de Liesse. Bien que la magie et l'étrangeté soient présentes, l'histoire reste ancrée dans le réalisme humain. Il s'agit d'une fantasy à échelle humaine, ce qui est assez rare. Pas de grande quête épique, pas de trésor légendaire, mais une histoire qui tire son extraordinaire de sa profonde humanité. Je le recommande vivement ; il est impressionnant de constater la richesse contenue dans un si petit livre, là où certains auteurs étirent des sagas sur plusieurs tomes pour dire parfois moins.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !