La compote de Côme #155
Du dimanche 14 janvier au dimanche 14,
J'ai lu :
Hutte - On continue avec les mini-BD de Cornélius ! Celle-ci est bien plus intrigante que NWAI, ce qui est en soi une qualité, surtout avec ce récits fait de rebonds qui ne nous emmènent pas là où le pensait (mais, c’est certain, bien loin de la hutte familiale). J’ai eu cette impression étrange en lisant Hutte d’être à la fois face à un chapitre d’un récit plus long, et à une sorte de micro-nouvelle qui se suffisait à elle-même, avec ses zones d’ombres, ses non-développés. À toi d’en juger…
BURGERPunk - Le genre post-apo commence à être pas mal éculé en jeu de rôle et ça devient difficile de proposer des choses intéressantes : Apocalypse World a fait le gros du taff, le solarpunk en a rajouté une couche, qu’est-ce qu’il reste à dire ? Je n’ai pas la réponse à cette question, mais BURGERpunk fait au moins l’effort du pas de côté en imaginant un futur où McDonalds a gagné et où l’essentiel de la société se promène dans un amas post-industriel où des bonhommes de viande côtoient de vieilles mascottes adorées comme des dieux. Il y a bien sûr un côté loufoque à l’ensemble, mais pas que : on grince des dents plus qu’on ne rit, et l’ensemble se parcourt finalement comme une nouvelle dystopique plutôt crédible. Du côté jeu, on reste dans les sentiers connus, je ne m’étends pas sur le sujet…
Employee of the Month RPG - En tant qu’employé pas du tout de bureau, j’ai toujours eu une sorte de curiosité amusée pour les fictions tournant autour des emplois de bureau (genre The Office ou The Stanley Parable, pour prendre deux exemples diamétralement opposés). J’imagine qu’il y a besoin de ce genre de soupape pour oublier qu’on fait un boulot sans beaucoup de sens ? Quoiqu’il en soit, EotMRPG emprunte cette route-là pour du storygame en deux moitiés : d’abord, on joue autour des romances et tensions au bureau, et puis « quelque chose » arrive qui renverse toute la table - invasion extra-terrestre, porte vers l’enfer, tornade faite de requins, et j’en passe. Le jeu ne propose pas beaucoup plus que ça mais le propose très bien, avec plein d’exemples et de matériel clef en main, y compris des règles pour jouer plusieurs parties d’affilée avec les mêmes personnages, des fois qu’on aime tellement le bureau qu’on a envie de continuer à y être le plus possible !
Murmurations - Quand je t’ai dit qu’en 2024 tu verrais du Melville partout, je ne pensais pas que ça allait se confirmer dès la semaine suivante ! Voici donc un projet qui n’a rien à voir avec le précédent (encore que…) : un jeu de rôle grandeur nature dans le milieu de la danse, où on va donc incarner des danseuses et leurs relations compliquées, à la fois à elles-mêmes, à leur pratique, et aux autres. Et puis, bien sûr, on va danser pour de vrai… C’est un projet ambitieux, qui me rappelle à quel point écrire un GN est plus exigeant qu’écrire un JdR et demande de répéter les informations, les rendre claires et précises, car c’est encore plus un manuel d’utilisation qu’habituellement qui se présente là. Un beau jeu (sans doute pas pour moi) qui parle, comme souvent avec Melville, du besoin de prendre soin les un·e·s des autres et de trouver un peu de beauté là où on le peut…
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La Trilogie de la vie - Si tu suis tout ce bazar depuis un moment, tu te souviens peut-être qu’entre 2017 et 2019 j’ai publié une trentaine de petits jeux de rôle, parfois un peu bancals, parfois bien fichus, sur différentes thématiques. Je t’en rabats d’ailleurs souvent les oreilles ici… J’ai toujours regretté que ces jeux n’existent pas sous forme imprimée, et après de longues discussions avec mon partenaire dans le crime Nicolas Folliot, on a trouvé un moyen de mettre fin à cette frustration. Voici donc que je lance, à partir de la mi-février prochaine, le financement d’une (première ?) trilogie de petits jeux, dont le titre un poil pompeux annonce l’ambition : des jeux de petits riens, qui parlent de nostalgie, de temps qui passe, des petits instants qui font la différence… Il y aura ICI & MAINTENANT, qui permet d’explorer à peu près tout le temps et l’espace ; il y aura Le 7e arc-en-ciel, qui permet d’explorer à peu près toute une vie ; il y aura Elle a voyagé, tu es restée / Elle est restée, tu as voyagé, qui permet d’explorer la distance entre deux personnes. Un projet à la fois petit et grand, donc, à la fois en anglais et en français, et pour être sûr·e de ne pas louper le lancement (comme si je n’allais pas t’en reparler d’ici là…) c’est par ici !
J'ai vu :
Les Filles d'Olfa - Tout ce que je savais de ce documentaire, quand Camille me l’a proposé, c’était son dispositif inhabituel, mais Les Filles d’Olfa n’est pas qu’une merveille cinématographique, c’est aussi un témoignage poignant sur ce que l’indoctrination peut faire à des personnes, et à des familles. Mais comment filmer le portrait de cette mère si forte (et si dure de bout en bout) qui a perdu deux de ses quatre filles au régime islamiste ? 2 heures d’interviews auraient été dures à tenir, une reconstitution était presque inenvisageable… Alors Kaouther Ben Hania a eu cette idée folle de faire incarner les filles disparues par des actrices, ainsi qu'Olfa elle-même pour les scènes trop difficiles. Cela donne des reconstitutions qui n’en sont pas vraiment, et un dialogue poignant entre actrices et membres de la famille, fournissant un autre angle sur le drame. C’est réellement un film comme on en voit peu, ce qui est bien dommage, car on voudrait en voir tellement des comme ça…
For All Mankind saison 4 - Certes, For All Mankind est une série sur l’exploration de l’espace, qui se tourne petit à petit vers la science-fiction (veine “hard science”) à mesure que l’on se rapproche de notre époque. Mais comme le montre cette saison 4, c’est aussi et surtout une série sur les relations humaines, comment elles font et défont le monde et à quel point elles peuvent radicalement faire changer les plans les mieux huilés. Arrivée dans sa 4e année, la série peut aussi commencer à explorer ce que ça veut dire de s’être côtoyé pendant des dizaines d’années, comment le poids des années peut influencer un jugement, souvent pour le pire… Bref, c’était une belle saison martienne, pas forcément très crédible mais tout à fait divertissante !
Fargo saison 5 - Au début de la 5e saison de Fargo, on nous explique qu’au Minnesota, il y a une façon particulière d’être gentil, et c’est ce “Minnesota Nice” qui va traverser toute la saison : cette fois, plus de grandes histoires de gangsters, même plus vraiment de crimes crapuleux commis par des abrutis, juste cette opposition entre la gentillesse et la méchanceté, une sorte de fable bien nécessaire ces temps-ci sur la beauté de la bonté. Bien sûr, il n’y a pas que ça dans cette saison 5, et si elle est si réussie c’est aussi parce qu’entre autres choses, elle repose la majeure partie de son intrigue sur la question des violences conjugales, abordée certes sous un ton fantasmé et cinématographique mais assez justement, avec en son centre des performances incroyables de Jon Hamm et Juno Temple (métamorphosée par rapport à son rôle dans Ted Lasso). Une grande réussite que ce 5e opus, qui prouve que Fargo en a encore sous le coude, et qu’on est prêt à la regarder encore longtemps…
Wrestlers - Quand j’ai rappelé dans mon top de la compote que j’étais allé voir un combat de catch en début d’année, l’ami Cédric m’a signalé l’existence de cette série Netflix sur une ligue de catch de 3e rang qui tente tout ce qu’elle peut pour ne pas se casser la gueule financièrement. « Tout ce qu’elle peut », ça veut dire en gros accueillir des repreneurs qui pensent comprendre le catch mais n’en ont pas vraiment saisi l’esprit, et organiser une grande tournée estivale pour combattre sur des parkings de supermarché et autres endroits où seules 30 personnes se bougent. La série est grandiloquente, elle met en avant certain·e·s catcheur·euse·s parce que ça fait plus de drama, elle survend un peu ses effets de surprise… Comme au catch, au final ! Wrestlers m’a rappelé ma joie de début 2023 en recevant en plein cœur ces storylines un brin ridicules et ces personnages absurdes mais tellement incarnés avec conviction et sincérité qu’on ne peut qu’y adhérer. Il y a vraiment quelque chose de fascinant dans ce storytelling digne des meilleures histoires de super-héros et à voir des foules de rednecks et autres hillbillies se passionner devant des hommes en slip frottant leurs corps huilés. Bref, Wrestlers a rallumé mon intérêt pour le catch et maintenant je n’ai qu’une envie, retourner voir un match (oui parce qu’en vidéo c’est difficile de passer outre le ridicule de tout ceci, tout de même) !
J’ai joué à :
Tunic - Dois-je maudire l’ami Cédric (encore lui !) de m’avoir précipité pour une semaine dans une obsession en forme de Tunic, ou l’en féliciter ? C’est que j’étais loin de m’imaginer la profondeur de ce jeu incroyable… dont il va être compliqué de parler sans rien divulgâcher. Disons alors que les comparaisons à la fois à Zelda (le premier du nom) et à Dark Souls (auquel je n’ai jamais joué) sont adéquates et que Tunic se présente au premier abord comme un jeu d’aventure à la difficulté un rien relevée, dont la caractéristique principale est d’être accompagné d’un texte grandement incompréhensible et d’un manuel de jeu comme à l’ancienne dont on récupère les pages au fur et à mesure. Le manuel, c’est une invention fantastique dont j’ai immédiatement envie de m’inspirer pour faire quelque chose de similaire en jeu de rôle : non seulement parce qu’il est magnifiquement fait, mais aussi faussement annoté, plein de secrets et de choses qu’on comprend au fur et à mesure que notre quête progresse… Jusqu’à une fin trop difficile pour moi (mais heureusement, le jeu propose différents modes d’exploration) qui fait basculer Tunic vers autre chose dont je vais bien me garder de te parler mais qui est proprement incroyable et, si là aussi un brin trop complexe pour mon pauvre cerveau, propose quelque chose que j’ai rarement croisé en jeu vidéo (j’ai bien un ou deux titres en tête mais rien que les citer en serait déjà dire trop). Bref, je suis sorti de Tunic, mais pas indemne, et je sens que c’est le genre de jeux qui va me marquer longtemps…
J’ai écouté :
Buck 65, Square - Il fallait bien marquer le coup pour la signature de Terfry chez Warner en 2001, ce basculement qui allait donner l’impulsion de sa carrière pour les 13 années à venir : pourquoi pas un album énorme, dernier volet de la série “Language Arts” (enfin, 4e sur 5, Synesthesia étant le dernier, mais on ne va pas chipoter), qui serait composé de quatre pistes d’un quart d’heure chacune ? Évidemment, il ne s’agit pas là de 4 morceaux de 15 minutes : Buck a déjà fait ça avec “15 Minutes to Live” et n’aime pas se répéter. On est plutôt dans la pure lignée “Language Arts” avec des sons qui se superposent, se coupent et évoluent l’un dans l’autre sans que la délimitation soit toujours très clair au sein d’un même quart. Il y a du collage sonore, du spoken word, une sorte de palais des glaces dans lequel on ne sait jamais tout à fait ce qui va surgir au prochain détour… C’est réellement un album de transition, entre le Buck 65 qui compose des boucles bizarres et va chercher les samples les plus obscurs, et celui qui travaille à partir de sons de guitare très pop-rock et se complaît dans une sorte d’emo-hip-hop sur des pistes telles que “Phil” ou “Cries A Girl”, qu’on retrouvera plus tard. Mais rien n’est jamais tout à fait clair avec Buck et il n’oublie pas ici sa facette plus goofy avec le fameux “Food Song”, son côté raconteur d’histoires à la Tom Waits ou sa posture de B-Boy avec “Roses Smell Sweet” ou “Sketch Artist”, rescapés d’un Boy/Girl Fight EP qui est à l’origine de Square. Bref, Square est l’album de toutes les additions, un monument qui, curieusement, tient assez bien debout et projette son ombre vers le passé plutôt que vers l’avenir. Il y aurait un épilogue à cette période de la carrière de Terfry avec “The Canada Project”, un featuring sur un titre monstre (plus de 30 minutes) du compère Sixtoo en compagnie de Sage Francis (qu’on recroiser plus tard) où l’on retrouve le Buck 65 d’antan, quasiment Stinkin-richisé, à sortir des one-liners nasillards… Mais c’était bien un épilogue, car deux ans plus tard, tout aurait changé. Buck 65 serait passé à travers un rideau, et en serait ressorti avec un banjo.
L’arrière-queer de Milouch :
Hêtre Pourpre - Encore un nouveau livre d'autofiction queer est enrobé de mystique sorcière ?! Et oui, il faut croire qu'il y a une grande lame de fond sur ces thématiques ! Mais Hêtre Pourpre renouvelle le genre d'une manière brillante. On y parle en effet de Queerness, des questions liées à l'identité de genre en faisant appel à un style mystique mais c'est un livre qui parle aussi (et essentiellement) de la famille. Celle duela narrateurice qu'on arpente de manière acrobatique au sein d'un arbre généalogique garni de sorcières et de femmes rebelles. La relation duela narrateurice avec sa grand mer est également au centre du récit dans des fragments de vie intime flirtant entre la tendresse et la haine. Ajoutez à ça une thématique autour de la nature et des arbres, un récit cru des relations intimes à la Guiguère et une réinvention radicale du langage et je ne pouvais que succomber...
ET TOI :
Mass : Blue eye samurai - Le pitch : Un maître d’armes métis vit sous une fausse identité et cherche à se venger dans le Japon de l’époque d'Edo. On est typiquement dans la série où la vengeance est le fil conducteur ; je dois d’abord avertir que c’est une série violente, et même des fois très violente. Sur certains aspects on est sur du pur John Wick où l’héroïne est presque invincible ; cela pourrait faire sortir certaines personnes de la série, moi j’ai trouvé que cela porte l’histoire. J’ai trouvé cela très bien, l’anime est une production nord-américaine est cela joue beaucoup à mon avis sur la forme et sur le fond. Sur la forme, j’ai adoré les graphismes sont vraiment ceux que j’apprécie, on est dans cette nouvelle école qui me plait énormément, un mélange de dessin très graphique et de dessin plus classique, un peu comme dans la série Arcane et les films animés de Spider-Man. Dans le fond, on va suivre une anti-héroïne qui en est une quand même d’héroïne, qui est toujours dans la balance entre son bon cœur et sa soif de vengeance ; cela penche des fois d’un côté, des fois de l’autre et j’ai trouvé cela très bien. Elle va croiser la route de plusieurs autres personnages qui ont de l’importance dans cette historie, celle d’une princesse, d’un samouraï et d’un homme naïf avec un handicap qui vont être des rôles au final très importants dans l’histoire. Même le méchant (parce que oui il y a un méchant, et très méchant en plus comme l’ogre des contes) est bien fait, avec une vrai psychologie. C’est vraiment une réussite ; il y aura une saison deux au vue de la fin du 8eme épisode, mais la saison se suffit à elle même, car cela clôt une histoire. Si la violence (qui peut être extrême parfois) ne vous rebute pas, n’hésitez pas à aller regarder cela.
Et toi, qu’as-tu compoté cette semaine ?
Des bises
et peut-être à dimanche prochain !